ENVIRONNEMENT - L'étau se resserre autour du glyphosate. Le gouvernement a annoncé ce lundi 25 septembre avoir "arbitré" pour l'interdiction en France du désherbant controversé d'ici la fin du quinquennat" pour tous les usages, y compris en agriculture.
Mais le porte-parole a dû minimiser ses déclarations initiales, précisant que le gouvernement "s'engageait à des progrès significatifs" d'ici 2022, pour tous les pesticides, dont le glyphosate", sans pour autant donner de date butoir pour un retrait. Ce qui n'a pas manqué de faire bondir les militants anti-pesticides.
Le glufosinate d'ammonium "pas supposé être directement toxique"
Malgré cette confusion, l'exécutif espère faire du cas du glyphosate le porte-étendard de sa lutte contre les produits jugés dangereux pour la santé. Son interdiction à venir pose pourtant une autre question, majeure: quelle est la dangerosité des produits qui le remplaceront?
On connaît bien le glyphosate, pour l'avoir étudié dans tous les sens. Cette molécule a été classée comme "cancérogène probable" par le Center international de recherche sur le cancer. L'OMS dit la même chose pour les agriculteurs exposés, mais estime qu'elle n'est probablement pas cancérogène pour les consommateurs. L'agence française de sécurité sanitaire a publié un avis similaire.
Mais quid de ses remplaçants? L'un des plus probables s'appelle le glufosinate d'ammonium (son nom de marque est Finale). Il est fabriqué par Bayer, l'autre géant de la chimie. Ce dernier est en passe de racheter Monsanto, avec la bénédiction de l'Union européenne.
Dans un communiqué de presse daté d'août 2017, la Commission européenne écrivait:
Autrement dit, les produits Monsanto décriés seraient peut-être remplacés par ceux de Bayer. "Le glufosinate d'ammonium a été créé pour pallier la résistance des plantes au glyphosate, explique le professeur Jean-François Narbonne au HuffPost. Il n'est pas supposé être directement toxique. Mais connaît-on les solvants qui l'accompagnent?"
Le vrai problème, ce sont les solvants
L'enjeu est bien là. La substance active n'est pas la partie la plus toxique pour l'Homme, ce sont les solvants. "Le glyphosate est un herbicide qui ne sait pas rentrer seul dans les cellules des feuilles, précise le toxicologue, il faut lui mettre un intermédiaire lipidique pour lui permettre de franchir les membranes des végétaux. On utilise alors un solvant que je qualifie de 'drastique' parce qu'il peut détruire les membranes des végétaux et présenter une toxicité très élevée. Que les choses soient claires, un pesticide non toxique, ça n'existe pas".
De plus, dans sa thèse, le biologiste moléculaire Ameziane Herzine démontre la toxicité du glufosinate sur le développement neuronal des enfants à naître. Dans ses conclusions, le docteur écrit:
Les huiles essentielles, une alternative?
D'autres solutions existent, comme l'utilisation des huiles essentielles. Mais le Pr Narbonne rappelle qu'elles aussi sont toxiques si elles sont mal dosées. Il y a eu plus de 1173 intoxications à cause des huiles essentielles qui ont mené à une hospitalisation, entre 2000 et 2015.
L'agriculture biologique a résolu le problème depuis belle lurette, mais sur des parcelles moindres que celles des grands céréaliers et vignerons productivistes.
Dans la même séquence anti-glyphosate, Christophe Castaner expliquait vouloir "trouver une solution pour prolonger les choses" et "accompagner la recherche publique ou privée pour concevoir des méthodes de substitution" à ce produit contesté.
Mais Jean-François Narbonne imagine que les sommes allouées à la recherche publique seront tellement minimes qu'elles ne permettront pas de contrer celles du privé. "Dans de nombreux cas, sur mille molécules testées, une seule obtiendra l'autorisation de mise sur le marché, explique le toxicologue. Le public n'est pas en mesure de travailler à cette échelle. Seul le privé peut se permettre de telles dépenses d'argent."
Or, comme le dit le communiqué de la Commission européenne, les acteurs de la chimie ne sont pas bien nombreux.
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