Finance et marchés

Le drôle de jeu des banquiers dans le match Paris-City

Selon Les Echos, Bruno Le Maire trouve que les banquiers français sont timorés lorsqu'il faut ramener à Paris leurs équipes de la City. Il y a urgence. 

Le ministre fait campagne pour l'attractivité de Paris , en profitant des déboires de la City avec le Brexit. 

Alberto PIZZOLI / AFP

Le ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire a organisé le 2 octobre une réunion Place financière Paris 2020 dans le but "d'amplifier les efforts visant à renforcer le statut de Paris en tant que première place financière d'Europe continentale". On l'a compris, il s'agit de se coordonner pour tenter de profiter du Brexit et d'éventuels transferts d'équipes en provenance de la City. Un match ou Paris est confronté à plusieurs villes européennes, et en particulier à Francfort ou siège de la Banque centrale européenne. Environ 100 000 emplois seraient en jeu.  Autour de la table, outre le ministre on trouve la directrice générale du Trésor, Odile Renaud-Basso et une quinzaine d'hommes censés représenter les intérêts de la "place".

Une impressionnante brochette de personnalités, la plupart énarques, dont la liste mérite d'être citée: Gérard Mestrallet, président d'Engie et de Paris Europlace; François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France; Robert Ophèle, président de l'Autorité des marchés financiers; François Pérol, président du groupe BPCE; Jean Lemierre, président BNP Paribas; Philippe Brassac, directeur général du Crédit Agricole; Frédéric Oudéa, directeur général de la Société générale; Olivier Millet, président du directoire Eurazéo PME; Christophe Hemon, directeur général LCH Clearnet SA; Yves Perrier, directeur général d'Amundi; Stéphane Boujnah, président du directoire et directeur général d'Euronext; Michel Guilbaud, directeur général du MEDEF; Bernard Spitz, président de la Fédération française de l'assurance; Alain Papiasse, président, Comité de pilotage de Paris Europlace; Eric Pinon, président, Association française de la gestion financière et Pierre de Lauzun, directeur général, Association française des marchés financiers.

Tout ce beau monde, selon le communiqué de Bercy, a fait le point sur les mesures prises pour renforcer l'attractivité de Paris et rappelé les enjeux de la "simplification réglementaire" et du "niveau des charges sociales", deux revendications habituelles du patronat, en particulier bancaire. Rien de vraiment nouveau. Et c'est bien là le problème. Selon Les Echos, la réunion s'est en réalité plutôt mal passée, le ministre accusant à demi-mots les patrons du secteur financier français de ne pas montrer l'exemple en rapatriant de façon plus volontariste leurs équipes de Londres. La plupart des récentes annonces ont effectivement été le fait d'établissements étrangers. Citigroup a par exemple fait savoir qu'il avait demandé une licence pour ses activités de marchés en France et selon Reuters, Bank of America cherche à louer des bureaux supplémentaires à Paris.

"Le format du comité sera rénové"

"Au fait, on ne voit pas très bien pourquoi les patrons de banques françaises pousseraient ces très grands concurrents à venir s'installer à Paris" explique un connaisseur qui note le manque de motivation et les faibles moyens mis en place pour "vendre" l'attractivité de Paris. S'ajoute, comme souvent en France et à Paris en particulier, les bisbilles politiques. Bizarrement, aucun représentant des collectivités concernées, que cela soit la Ville de Paris ou la région Ile de France n'était à la réunion "Paris 2020" placée sous les auspices du gouvernement et de Paris Europlace. D'ailleurs, la Ville de Paris aurait pris ses distances avec l'association en décidant de lui retirer 100.000 euros de financements, réduisant à environ 700.000 euros le budget global de la "campagne d'attractivité" coordonnée par Paris Europlace. Et ce alors que Francfort déploie avec la région de Hesse, un budget d'environ 2,5 millions d'euros pour atteindre le même objectif.

Tout se passe comme si les énergies déployées fin 2016, lorsque le premier ministre Manuel Valls inaugurait le guichet unique Choose Paris Region - Welcome To Greater Paris étaient retombées. Anne Hidalgo (Ville de Paris), Valérie Pécresse (Région) et Patrick Ollier (Métropole) s'étaient alors prêtés au jeu en multipliant les déclarations communes pour attirer les entreprises, notamment financières, inquiètes des conséquences du Brexit. "Il y a une union sacrée sur ce dossier prioritaire pour notre économie"  avait alors expliqué Manuel Valls, promettant la nomination de "correspondants" dans chaque ministère. Le franco-australien Ross McInness avait été  nommé "ambassadeur" sur le sujet. Plus discrètement, l'ex-gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer était chargé de faire campagne dans le secteur de la finance. Bizarrement, aucune de ces deux personnalités n'était présente le 2 octobre pour le Comité place financière Paris 2019. Le communiqué du ministère mentionne toutefois que "le format du comité sera rénové, et ce, dès la prochaine réunion, qui se tiendra au cours du premier trimestre 2018". Une vraie urgence.