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Tueries à répétition en Centrafrique

La communauté peule, musulmane, a une fois de plus été la cible d’une attaque des anti-balaka. Les massacres successifs qui n’épargnent personne continuent de creuser les divisions.

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Publié le 20 octobre 2017 à 06h47, modifié le 20 octobre 2017 à 17h52

Temps de Lecture 4 min.

Un sodat de la mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca) à un poste de contrôle à Baoro, le 15 octobre.

Le bilan est incertain, les motivations encore troubles mais un massacre a été commis, mercredi 18 octobre, en République centrafricaine (RCA). Un de plus dans le sud-est du pays, région longtemps préservée par les violences apparues en 2012 avec la Séléka mais qui, ces six derniers mois, subit une lame de fond meurtrière où les civils sont ciblés en fonction de leur appartenance communautaire.

D’une voix ne laissant transparaître aucun affect, le général Bello de l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC, un groupe armé constitué principalement de Peuls, qui sont musulmans) affirme que mercredi, « vers 5 heures, les anti-balaka menés par des soldats des FACA [les forces armées centrafricaines] et mélangés à des mercenaires ougandais, sud-soudanais et congolais ont attaqué Pombolo, car c’est une ville majoritairement peule. » « Ils ont tué plus de 140 personnes et fait une soixantaine de blessés, assure l’officier joint mercredi matin sur son téléphone satellitaire. Nous les avons repoussés, mais il n’y a personne pour secourir les blessés. » Selon un document interne des Nations unies, des casques bleus dépêchés sur les lieux avaient, jeudi après-midi, « découvert jusque-là les corps de 26 civils, de 2 miliciens de l’UPC et 56 blessés. »

Huit jours plus tôt, le 10 octobre, Kembé, à une dizaine de kilomètres de là, avait subi une attaque du même ordre. Entre 20 et 30 musulmans furent alors écharpés. Situées entre Alindao, le fief de l’UPC, et Bangassou, cernée par les anti-balaka qui seraient désormais près de 10 000 dans cette région selon les estimations, les deux localités sont installées le long d’un axe stratégique qui relie le pays d’est en ouest mais que les 12 000 soldats et policiers de l’ONU s’avèrent incapables de sécuriser. « Pour l’instant, nous arrivons toujours après les faits. Nous n’avons les moyens que de protéger nos convois, pas de mettre fin aux exactions », concède un responsable onusien.

Le gouvernement centrafricain a réagi, vendredi, en exprimant sa « ferme condamnation de ces actes de barbarie », selon un communiqué du ministre de l’administration du territoire, Jean-Serge Bokassa. Il a appelé la Mission des Nations unies (Minusca) à « faire preuve de plus d’engagement et à réévaluer son mode d’intervention dans le cadre de la protection des civils ».

« Population piétinée depuis quatre ans »

La veille de l’attaque sur Pombolo, le président Faustin-Archange Touadéra s’était rendu à Bangassou, ville où 2 000 musulmans vivent assiégés, réfugiés dans l’enceinte du petit séminaire. Critiqué pour sa passivité, il a promis qu’un préfet serait bientôt sur place et a rencontré des chefs anti-balaka. « Le chef de l’Etat fait des efforts. Il a écouté les recommandations de l’Union africaine et donné des postes [au gouvernement] à des ex-Séléka et des anti-balaka, mais les plus radicaux veulent maintenir le chaos afin de le discréditer et de le renverser », estime un observateur étranger.

Depuis la frontière soudanaise où il se trouverait, le général Noureddine Adam, le chef du FPRC, une autre faction de l’ex-Séléka, fulmine et accuse. « Le président Touadéra est allé en Russie pour récupérer des armes achetées à l’époque de Bozizé. Pour contourner l’embargo, elles ont été acheminées par l’Ouganda, puis sont rentrées par Obo, à l’est du pays. Leur objectif est de remonter sur nos zones et de nous en chasser avec tous les musulmans du pays », avance celui qui inspire la terreur chez nombre de Centrafricains.

Cette charge destinée à dénoncer le nettoyage ethnique dont sont victimes les musulmans est aussi pour le chef du FPRC une manière de se dédouaner des crimes dont il est accusé et de se poser en protecteur de la communauté islamique. Avant de trouver ces derniers jours un terrain d’entente avec l’UPC – « une alliance de bandits pour se partager le butin des mines, des taxes sur le bétail et des passages de barrières », selon la source précédemment citée –, les deux factions se sont rendues coupables d’un nombre effrayant d’exactions durant leurs affrontements. Dans les seules régions de Bria (est) et de Bakala (centre), entre novembre 2016 et février 2017, l’UPC a, selon un rapport de la Minusca, tué 111 civils et le FPRC, 22. Cette dernière dit par ailleurs avoir des « allégations crédibles » concernant la mort de « 293 autres civils », tués par ces deux groupes (167 par l’UPC et 126 par le FPRC). « Pour comprendre la vague de violences actuelles, il faut savoir que la Séléka piétine la population depuis plus de quatre ans », résume Mgr Juan José Aguirre Munos, l’évêque de Bangassou.

« Répondre aux besoins tragiques des Centrafricains »

A la veille de son voyage en RCA prévu du 24 au 27 octobre, le patron de l’ONU, Antonio Guterres, a estimé dans un entretien à l’AFP et RFI que « la Centrafrique est très loin des attentions de la communauté internationale. Le niveau de souffrances du peuple, mais aussi les drames subis par les humanitaires et les forces de maintien de la paix méritent une solidarité et une attention accrues (…) Il faut tout faire pour que les groupes armés puissent rendre leurs armes et que tout le monde puisse s’engager sérieusement dans la réconciliation et la paix », tout en regrettant le « manque de fonds » de la communauté internationale. « Nous n’avons qu’à peu près 30 % des fonds qui seraient nécessaires pour répondre avec le minimum d’efficacité aux besoins tragiques du peuple centrafricain », a ainsi déploré le secrétaire général des Nations unies.

Décriée pour son incapacité à protéger la population, la Minusca espère bénéficier de 900 soldats supplémentaires après le renouvellement de son mandat en novembre. Une augmentation de troupes qui semble bien dérisoire pour arrêter le nettoyage ethnique en cours.

Alors que douze casques bleus et autant de travailleurs humanitaires ont été tués depuis le début de l’année en RCA, que 215 000 personnes ont dû fuir leur domicile durant le premier semestre, cinq ONG (Acted, Actions contre la faim, Médecins du monde, Première Urgence Internationale et Solidarités International) ont lancé jeudi un appel à l’ONU et aux Etats membres pour « donner les moyens à la Mission de renforcer la protection des civils ». En clair, que celle-ci remplisse son mandat.

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