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Petit-déj

Café et cacao : une chute express de la production ?

Un réchauffement de 2°C d’ici à 2050 ferait plonger la production d’arabica de 90 %, tandis que le cacao disparaîtrait d’Afrique de l’Ouest.
par Pierre Carrey, Photo Emmanuel Pierrot. Vu pour Libération
publié le 20 octobre 2017 à 19h36

Jusqu’au début des années 2000, on jouait à se faire peur : café et cacao allaient disparaître de notre consommation à brève échéance. Des prédictions sur fond d’études plus ou moins fiables, lancées par les grands groupes industriels et quelques détaillants de luxe pour tester l’opinion en vue d’une possible augmentation des coûts. A l’époque, on croyait que des nouveaux marchés tels l’Inde ou la Chine allaient soudain craquer pour ces produits «exotiques», attirant des dizaines de millions de nouveaux consommateurs potentiels. La crise financière de 2008 est passée par là et les classes moyennes de ces grosses économies sont, depuis, beaucoup moins enclines à se ruer en masse sur le chocolat ou le café.

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Menace robusta. Entre-temps, une menace plus sérieuse s'est précisée : le réchauffement climatique, qui pourrait réduire l'accès à ces aliments dans les magasins européens (héritage du système colonial, les clients sont majoritairement situés dans l'hémisphère Nord, les producteurs au Sud). Le mois dernier, une étude américaine publiée dans la Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) indiquait que la production mondiale de café arabica pourrait plonger de 90 % d'ici à 2050 si la température terrestre montait de 2° C.

Une étude de l’International Centre for Tropical Agriculture donne un résultat équivalent pour le cacao : la hausse des températures pourrait annihiler d’ici à 2050 la production en Afrique de l’Ouest, la région du monde où poussent le plus de fèves de cacao, avec la Côte-d’Ivoire et le Ghana en tête des pays exportateurs. Ces deux cultures sont déjà très exposées aux facteurs environnementaux, comme le vent, les épisodes de sécheresse ou d’inondation, mais aussi les parasites en tous genres. Le risque pesant sur les arbustes du cacao et du café, tout particulièrement sur certaines variétés moins croisées génétiquement, explosent en intensité à mesure que le changement climatique s’impose comme une réalité.

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En pratique, le client pourra toujours boire sa boisson préférée au petit-déjeuner sans recourir à la chicorée. Les géants financiers du secteur envisagent d’encourager des nouvelles régions productrices : le cacao serait récolté en Equateur, au Pérou ou en Indonésie davantage qu’en Afrique, tandis que les foyers du café passeraient du Honduras, du Nicaragua et du Venezuela à, par exemple, la Colombie, au Costa Rica ou au Mexique… Un des enjeux consisterait à trouver des terrains en altitude pour atténuer les effets de la chaleur. Les industriels pourraient également favoriser des espèces plus résistantes - le robusta au lieu de l’arabica (même si le goût est moins subtil), à travailler sur le génétiquement modifié, voire, en dernier ressort, sur les arômes artificiels. C’est dire que le caoua et le chocolat chaud ont encore quelques décennies d’avenir garanties. Mais à quel prix, pour la santé du consommateur et celle des cultivateurs ?

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Légumineux. «On ne peut pas parler de changements climatiques sans parler du système qui sert de vecteur à ces changements», explique à Libération Walter Prysthon, responsable du service Amérique latine chez CCDF-Terre solidaire (Comité catholique contre la faim et pour le développement). L'ONG française estime qu'il est «possible de contrer les effets du réchauffement climatique en changeant de modèle agricole». En Bolivie, elle soutient les paysans qui font de la polyculture, associant le cacao à la culture maraîchère (banane, palme) ou à celle des légumineux. Une étude bolivienne de 2013 montre que l'agriculture non intensive et non tournée vers la monoculture est plus productive que le schéma traditionnel. Question de choix.

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