WikiLeaks a l’habitude de rendre publics des documents censés rester privés. Mais pas celle de voir les siens diffusés sur Internet. Mercredi 14 février, le site d’information The Intercept a publié une série de messages de l’organisation, envoyés entre mai 2015 et novembre 2017. En tout, il a mis la main sur 11 000 textes qui ont été échangés entre une dizaine de personnes réunies dans un groupe Twitter privé – il s’agit de fervents soutiens de WikiLeaks et du compte de l’organisation elle-même.
Comme le note The Intercept, ces conversations ne recèlent pas d’informations nouvelles sur la structure ou sur son fondateur, Julian Assange, mais elles donnent des éléments d’éclairage sur son positionnement, notamment dans le cadre de la campagne présidentielle américaine de 2016.
« Nous pensons que ce serait bien mieux que le Parti républicain l’emporte », écrit par exemple WikiLeaks en novembre 2015, un an avant l’élection, et avant même que Donald Trump ne remporte les primaires républicaines. Toutefois, les messages ne démontrent pas tant une adhésion aux idées républicaines qu’une stratégie politique.
« Les républicains vont générer beaucoup d’opposition avec des décisions idiotes. Hillary [Clinton, la candidate démocrate] fera pareil mais ça passera auprès de l’opposition libérale et l’opposition républicaine. Du coup Hillary aura plus de liberté pour démarrer une guerre que les républicains, et c’est encore ce qu’elle veut faire. »
Hillary Clinton, une « sociopathe sadique »
Le compte de WikiLeaks décrit aussi Mme Clinton comme une « sociopathe sadique ». Une animosité qui n’a rien de nouveau. Quand l’organisation avait publié en 2010 des centaines de milliers de documents secrets de l’armée américaine, la démocrate était alors secrétaire d’Etat. Elle avait vivement critiqué WikiLeaks, et inversement.
Le rôle joué par l’ONG dans l’élection de 2016 n’a fait qu’approfondir cette hostilité : le site avait en effet publié des milliers d’e-mails dérobés au Parti démocrate, mettant la candidate Clinton dans l’embarras.
Julian Assange, le célèbre fondateur de la plateforme, se trouve-t-il derrière ces messages ? C’est ce que suggère The Intercept, mais l’intéressé a depuis réaffirmé, sur Twitter, que le compte WikiLeaks était géré de façon tournante par plusieurs personnes. L’Australien, qui vit reclus dans l’ambassade de l’Equateur à Londres depuis plus de cinq ans par crainte d’une arrestation, a aussi rappelé qu’il avait été privé d’Internet pendant plusieurs semaines, à partir de la mi-octobre 2016. Or, plusieurs messages publiés par The Intercept ont été émis durant cette période.
M. Assange a aussi critiqué l’article, estimant que celui-ci « change le contexte des citations ». Outre les messages liés à la politique américaine, The Intercept a aussi relevé des passages jugés sexistes, commentant par exemple le physique d’une avocate s’attaquant à WikiLeaks.
« Tout ce que dit Assange est d’intérêt public »
Dans d’autres messages, l’organisation suggère à un de ses soutiens de changer son image de profil en « jolie blonde ». « Des études montrent que les femmes séduisantes dans une image de profil abaissent la garde des groupes d’hommes réfractaires, comme les parlementaires. »
Le compte Twitter de WikiLeaks encourage aussi ses soutiens à « troller cet idiot de la BBC », en visant un journaliste ayant publié des tweets critiques à l’égard de la plateforme. Celui-ci a toutefois expliqué à The Intercept n’avoir subi aucune cabale.
Les 11 000 messages obtenus par le site viennent, explique-t-il, d’un des participants à ce groupe de discussion privé. Celui-ci n’a pas dévoilé son identité aux journalistes, mais il a prouvé l’authenticité de ces messages en leur permettant de se connecter à son compte, et donc à ce groupe.
Il « a décidé de fournir ces contenus aux médias après avoir appris que WikiLeaks avait secrètement échangé avec Donald Trump Jr. durant l’élection », explique The Intercept. « A ce moment, étant donné le poids de WikiLeaks, [publier] tout ce que dit Assange est d’intérêt public », a déclaré cette source au site d’information, rappelant que « WikiLeaks prétend être une organisation neutre. »
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