Entrepôt de l'hôpital de Damas transformé en morgue.

Un entrepôt de l'hôpital de Damas transformé en morgue photographié par César.

César - Association Syrienne pour les disparus et les prisonniers d'opinion

Sur la base du témoignage de César, un photographe de l'armée syrienne, la France a ouvert le 15 septembre 2015 une enquête pour "crimes contre l'humanité" visant le régime de Bachar el-Assad. Le travail des magistrats français se concentre sur les exactions commises entre 2011 et 2013, dont a pu témoigner l'ancien officier. L'homme a effectué 55.000 clichés de ce qu'il décrit comme des "victimes de torture de la part du régime syrien". Un document inédit qu'il a pu transmettre aux ONG. En 2014, L'Express lui avait consacré un article.

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[Archive du 15 mars 2014] "Je suis venu, j'ai photographié, j'ai témoigné", aurait pu dire "César". Entre août 2011 et juillet 2013, cet officier a été chargé par l'armée régulière syrienne d'immortaliser les cadavres produits par "l'industrie de l'horreur" du régime de Bachar el-Assad. Au total, César a transmis à l'extérieur, à ses risques et périls, 55.000 photos et autant de preuves qu'en Syrie, l'on est bien en présence de "crimes contre l'humanité". Des clichés "précieux" qui ont permis aux experts de recenser 11.000 victimes, femmes et enfants de tous âges, de toutes origines confessionnelles et ce uniquement pour la région de Damas.

"Je peux, sans conteste, affirmer que nous avons affaire à des crimes contre l'humanité, nous n'avons pas de doute sur l'authenticité des clichés, a déclaré David Crane, ancien procureur international à l'ONU, lors d'une conférence de presse organisée jeudi au siège d'Amnesty International. Nous devons nous rendre à l'évidence et croire l'incroyable".

"Coups, brûlures, mutilations..."

Exfiltré hors de Syrie avec sa famille, César témoigne de ce qu'il a vu, et de ce qu'il a vécu en tant que macabre photographe.

Les photos, dont certaines sont d'une monstruosité insoutenable, montrent plusieurs cadavres qui, selon toute vraisemblance, ont subi toutes formes de tortures. Des corps sont même complètement décharnés: ces prisonniers souvent morts de faim, oubliés dans les geôles du régime selon César.

"Coups, brûlures, mutilations de différentes parties du corps, mutilations des organes sexuels, arrachages d'yeux, prisonniers affamés à mort", sont recensés dans un rapport qui semble superflu tant l'atrocité des images parle d'elle-même.

"Achever les pensionnaires encore en vie"

Le coordinateur général du dossier, Hassen Chalabi rapporte que César a été le spectateur impuissant d'un "nettoyage à la Bachar, d'un étage entier de l'hôpital de Damas". "César m'a révélé que faute de place, le directeur de l'hôpital a appelé en renfort sept photographes militaires pour répertorier les corps avant de vider l'étage. Vider l'étage revenait à achever les pensionnaires encore en vie", raconte Hassen Chalabi.

"Aujourd'hui nous disposons de photos, d'un rapport, et d'un témoin. Il nous faut maintenant honorer ces victimes en leur rendant justice", réclame David Crane, ancien procureur de la Cour internationale pour la Sierra Leone.

Pour Mustapha Khalifé, ex-prisonnier politique dans les années 1980, le régime syrien, que ce soit du temps du père (Hafez) ou du fils (Bachar), a de tout temps réprimé dans le sang ceux qui osent s'y opposer.

Un témoin-clé

"Une seule question me tourmente: combien de temps à duré le supplice de ces milliers de personnes à qui on attribue simplement des numéros?", s'interroge Imededdine Rashed, opposant islamiste et ex-membre du conseil national syrien.

"César est un témoin clé, il est important de continuer à préserver son identité, le temps qu'il rejoigne l'Europe, lui et sa famille, où il sera parfaitement en sécurité ", explique le médecin Shady Jouneid, activiste syrien qui a présenté le rapport réalisé par l'association syrienne des disparus et des prisonniers d'opinion.

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