À la recherche d’une pomme de terre plus écologique
Des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des producteurs de pommes de terre et des scientifiques sont à pied d'oeuvre pour améliorer la Russet, une variété de pommes de terre dont la production à grande échelle nécessite de nombreux traitements chimiques.
Un texte de Benoît Livernoche, de La semaine verte
Chaque année, c’est la routine pour Ray Keenan, producteur de pommes de terre à Souris, à l'Île-du-Prince-Édouard. Il doit planifier tout un plan de fertilisation et de traitements chimiques pour s’assurer qu’au début d'octobre, il récolte le maximum de tubercules de bonne qualité.
Ray Keenan est l’un des plus gros producteurs de pommes de terre de l’Île. Ses sacs sont en vente partout au Canada.
Ray Keenan, producteur de pommes de terre
Photo : Radio-Canada
Nous ne savons jamais comment sera la saison de croissance. D’une année à l’autre, si c’est trop sec ou trop humide, cela peut avoir un effet négatif sur nos cultures.
Sur ses terres, 80 % de tous les tubercules en culture sont de la variété Russet, dont la Burbank, qui sert, entre autres, à la fabrication de frites. C’est la variété la plus appréciée des consommateurs du Canada.
Aussi populaire soit-elle, la Russet est attaquée de toute part par divers insectes et maladies. Il y a d’abord le doryphore, un coléoptère qui mange le feuillage et peut ainsi anéantir toute une culture.
Doryphore sur le feuillage d'un plan de pommes de terre
Photo : Radio-Canada
Il y a aussi le mildiou, un pathogène destructeur qui a causé la famine en Irlande du Nord à la fin du 18e siècle.
Le mildiou est la maladie la plus dévastatrice de la pomme de terre qui existe actuellement.
Pour combattre insectes et maladies, un arrosage intensif de produits chimiques est nécessaire quelques fois par mois, avec tous les impacts environnementaux que cela comporte.
« Les produits phytosanitaires que l’on utilise aujourd’hui sont beaucoup moins radicaux que ceux que l’on utilisait avant, affirme Ray Keenan. Nous savons beaucoup mieux gérer leur quantité et leurs impacts environnementaux. »
N'empêche. Pour plusieurs, il serait souhaitable que l'industrie réduise son utilisation de produits chimiques. Voilà pourquoi des chercheurs en génétique sont à l'oeuvre.
Arrosage de produits chimiques d'un champ de pommes de terre
Photo : Radio-Canada
Pour écouter le reportage de Benoît Livernoche, rendez-vous sur la page de l'émission La semaine verte.
La génétique pour créer de nouvelles pommes de terre
La pomme de terre, comme la Russet, provient de la région andine du Pérou. Elle a été introduite partout dans le monde aux 17e et 18e siècles par les colons européens.
« Ils n’ont pris qu’une petite variation génétique », précise Bourlaye Fofana qui étudie la génétique des pommes de terre à Charlottetown. Selon lui, c’est là le problème : il y a un manque de variété génétique.
On s’est davantage penché sur le goût et sur la forme que sur la résistance aux maladies.
À Charlottetown comme à Fredericton, des scientifiques font des croisements avec des plants de pommes de terre provenant des Andes, afin de créer une variété plus résistante aux maladies.
« Notre travail consiste à créer de nouvelles pommes de terre qui répondent aux exigences du climat canadien, qui répondent aussi aux demandes de la consommation canadienne, mais surtout qui sont plus performantes », affirme Benoît Bizimungu, qui met à l’essai différentes variétés à la ferme expérimentale d’Agriculture Canada près de Fredericton.
De nouvelles variétés de pommes de terre sont présentées chaque février aux producteurs, au centre de recherche d'Agriculture Canada de Fredericton.
Photo : Radio-Canada
Cela prend environ de 6 à 10 ans avant qu’une nouvelle variété soit prête pour la commercialisation. Mais avant de rêver à une pomme de terre aussi populaire que la Russet et aux qualités commerciales équivalentes, il faudra attendre des décennies.
Et pourquoi pas un OGM?
L’entreprise Simplot, située à Boise, dans l’Idaho, n’a pas perdu de temps.
L’immense acteur dans l’agroalimentaire fait dans la recherche génétique depuis longtemps. En 2008, ses scientifiques trouvent le gène de résistance au mildiou dans un plant de pommes de terre, issue de la base génétique des Andes, et l’intègre ainsi à la pomme de terre Russet. Voici donc l’Innate, la première pomme de terre génétiquement modifiée.
La pomme de terre Innate
Photo : Radio-Canada
L’Innate est donc résistante au mildiou. Et elle favorise une meilleure conservation de la pomme de terre, ce qui réduit les pertes durant tout le processus, de la récolte jusqu’à la livraison des tubercules.
Mais elle exige aussi beaucoup moins d’intrants chimiques. « Ce n’est pas du transgénique, nous précise Nicolas Champouret, mais bien de l’intragénique, c’est-à-dire on a intégré de l’ADN de patate dans de la patate. »
Cette pomme de terre génétiquement modifiée a été homologuée par Santé Canada. Elle peut donc être ensemencée.
« Nous n'avons pas encore semé de pommes de terre Innate. Nous sommes en train de l’étudier », affirme le producteur Ray Keenan. Pour lui, c’est la meilleure avancée technologique de toute l’industrie de la pomme de terre. Il compte en produire dans les années à venir, en fonction de l’acceptation sociale de cette nouvelle patate.
Publicité faisant la promotion des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard.
Photo : Radio-Canada