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Pour Emmanuel Macron, l’intelligence artificielle est aussi « une révolution politique »

Après Barack Obama, le prĂ©sident français a donnĂ© un long entretien au magazine amĂ©ricain « Wired Â», spĂ©cialisĂ© dans les technologies, au sujet de l’intelligence artificielle.

Le Monde

Publié le 31 mars 2018 à 15h10, modifié le 31 mars 2018 à 15h10

Temps de Lecture 4 min.

Emmanuel Macron a dévoilé jeudi 29 mars sa stratégie pour développer le secteur de l’intelligence artificielle en France, lors d’un discours au Collège de France.

Un chef d’Etat dans les colonnes de Wired : cela n’arrive pas souvent, le magazine amĂ©ricain, spĂ©cialisĂ© dans les nouvelles technologies, Ă©tant plutĂ´t habituĂ© Ă  recevoir en tĂŞte d’affiche des figures du secteur comme Mark Zukerberg ou Elon Musk. Pourtant, le prĂ©sident de la RĂ©publique français a choisi de s’exprimer dans ses colonnes au sujet de l’intelligence artificielle (IA), en lui accordant un long entretien, publiĂ© samedi 31 mars, deux jours après avoir dĂ©voilĂ© la stratĂ©gie de la France en la matière.

Un choix qui ne relève bien sĂ»r pas du hasard : il adresse ainsi un message fort Ă  la communautĂ© tech mondiale — pour qui Wired est une rĂ©fĂ©rence — et se place, au passage, dans les pas de Barack Obama, qui avait accordĂ© au titre une interview sur le mĂŞme sujet en novembre 2016.

« BoĂ®te de Pandore Â»

« Cette Ă©norme rĂ©volution technologique est en fait une rĂ©volution politique, y dĂ©clare Emmanuel Macron. L’IA va soulever beaucoup de questions Ă©thiques, politiques, elle va questionner notre dĂ©mocratie et nos choix collectifs. Â» Le prĂ©sident français donne l’exemple de la santĂ©, qui peut tirer, souligne-t-il, d’immenses bĂ©nĂ©fices du dĂ©veloppement de l’IA et de l’accès aux donnĂ©es. Mais pas seulement :

« Nous allons ouvrir nos donnĂ©es en France. […] Mais le jour oĂą vous ouvrez ces donnĂ©es et dĂ©voilez des informations personnelles, vous ouvrez une boĂ®te de Pandore, avec des utilisations potentielles qui ne profiteront pas au bien commun. Â»

Il Ă©voque, par exemple, la façon dont ces informations pourraient ĂŞtre vendues Ă  des assureurs qui « pourraient en tirer beaucoup d’argent Â». « Cela pourrait totalement dĂ©manteler notre cohĂ©sion nationale et la façon dont nous vivons ensemble. Â»

Pour cela, il martèle, comme il l’avait dĂ©jĂ  fait jeudi, lors de son discours au Collège de France, que « ce qui doit nous guider n’est pas seulement le progrès technologique, mais le progrès humain Â».

« Je pense que l’Europe est l’endroit oĂą nous serons capables de faire des choix collectifs et de les accorder avec des valeurs universelles. L’Europe est le lieu oĂą l’ADN de la dĂ©mocratie a Ă©tĂ© façonnĂ©. Â»

Instaurer la confiance envers l’IA

Emmanuel Macron, qui veut faire Ă©merger en France des champions de l’IA pour faire face aux gĂ©ants du numĂ©rique amĂ©ricains et chinois, a rappelĂ© qu’il ne voulait pas « simplement ĂŞtre sujet Ă  cette disruption sans crĂ©er des emplois dans ce pays Â».

« Si vous ne voulez pas bloquer l’innovation, il vaut mieux l’encadrer dès le dĂ©but avec des lignes Ă©thiques et philosophiques. Et je crois que nous sommes très bien Ă©quipĂ©s pour le faire, en plus de dĂ©velopper le business dans mon pays. Â»

Mais pour y parvenir, a rĂ©pĂ©tĂ© le prĂ©sident français, encore faut-il instaurer un climat de confiance mutuelle « entre les chercheurs, les acteurs privĂ©s, les start-up et les citoyens Â». « Si la première catĂ©gorie a confiance dans le fait que ce pays puisse ĂŞtre un Ă©cosystème pertinent pour elle, et qu’en mĂŞme temps, je parviens Ă  instaurer la confiance de mes citoyens envers l’IA, j’aurais rĂ©ussi. Â» Emmanuel Macron cite l’exemple de Parcoursup, la plate-forme d’admission post-bac qui a succĂ©dĂ© au très controversĂ© APB :

« Nous utilisons l’intelligence artificielle pour organiser l’accès Ă  l’universitĂ© de nos Ă©tudiants. Cela confère beaucoup de responsabilitĂ©s Ă  un algorithme. Beaucoup de gens voient ça comme une boĂ®te noire, ils ne comprennent pas comment le processus de sĂ©lection de l’étudiant se dĂ©roule. […] Si vous voulez, prĂ©cisĂ©ment, structurer ce dĂ©bat, vous devez crĂ©er les conditions pour que cet algorithme soit juste et transparent. Â»

Le prĂ©sident français a annoncĂ© jeudi qu’il comptait rendre accessibles la plupart des algorithmes utilisĂ©s par les services publics, Ă  commencer par Parcoursup. « Si vous ne vous en occupez pas dès le dĂ©part, si vous ne considĂ©rez pas [la confiance] comme aussi importante que dĂ©velopper l’innovation, vous loupez quelque chose et Ă  un moment donnĂ©, ça bloquera tout. Car les gens finiront par rejeter cette innovation. Â»

« Complètement contre Â» les armes autonomes

Emmanuel Macron a aussi donnĂ© son point de vue sur les armes autonomes, un sujet qu’il n’avait pas abordĂ© lors de son discours jeudi au Collège de France, et sur lequel le dĂ©putĂ© CĂ©dric Villani, auteur d’un rapport sur l’IA rendu mercredi au gouvernement, Ă©tait restĂ© très Ă©vasif. « Pensez-vous qu’on pourra un jour faire confiance aux machines intelligentes pour prendre la dĂ©cision de tuer sans intervention humaine ? Â», lui a demandĂ© le journaliste de Wired. « Je suis complètement contre Â», a rĂ©pondu sans dĂ©tour Emmanuel Macron.

« Vous aurez toujours besoin d’une vĂ©rification humaine. […] A un moment donnĂ©, la machine pourra tout prĂ©parer, rĂ©duire les incertitudes jusqu’à les supprimer, et c’est une amĂ©lioration impossible autrement, mais Ă  un moment donnĂ©, la dĂ©cision d’agir ou de ne pas agir doit ĂŞtre une dĂ©cision humaine, car il faut que quelqu’un en prenne la responsabilitĂ©. Â»

Une rĂ©ponse relativement proche de celle qu’il a donnĂ©e Ă  Wired, qui l’interrogeait sur l’usage de ces technologies en politique. « Pensez-vous qu’un jour vous prendrez des dĂ©cisions fondĂ©es sur des algorithmes d’IA, avec un système qui vous dirait quelle rĂ©forme du travail vous devriez entreprendre ? Â», a demandĂ© le journaliste. « Je pense que ça pourrait aider Â», lui a rĂ©pondu Emmanuel Macron.

« L’IA peut vous aider parce que parfois, quand vous lancez une rĂ©forme, vous ne savez pas exactement quels seront les effets potentiels, directs ou indirects, et vous pouvez avoir des hĂ©sitations. Ça peut donc vous aider Ă  prendre la bonne dĂ©cision. Â»

Mais, poursuit le prĂ©sident, « quand vous prenez une dĂ©cision politique, il faut une part de jugement personnel. C’est la qualitĂ© d’un dĂ©cideur, et l’intelligence artificielle ne remplacera jamais cela. Et il y a une chose que l’IA ne remplacera jamais, c’est la responsabilitĂ©. Â»

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