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Récit

Au congrès du PS, les ambitions européennes de Moscovici font tousser

L'actuel commissaire européen se verrait bien tête de liste socialiste aux européennes l'an prochain. Une hypothèse loin de faire l'unanimité dans le parti.
par Laure Bretton, photo Marc Chaumeil
publié le 7 avril 2018 à 18h59
(mis à jour le 7 avril 2018 à 19h50)

Un léger flottement. Quelques brèves secondes de silence avant des applaudissements mollassons. Samedi, Pierre Moscovici a été cueilli à froid par ses camarades socialistes, qui n’ont pas trop apprécié que l’ancien ministre de l’Economie se serve du congrès d’Aubervilliers comme rampe de lancement pour sa candidature aux élections européennes. Commissaire européen depuis 2014, «Mosco» pense désormais tout haut ce qu’il disait tout bas dans les dîners en ville parisiens depuis quelques mois: il «n’exclut» pas d’être candidat à la tête de liste du PS lors du scrutin européen de 2019.

«Je ne fais rien qui rende (ma candidature) impossible mais je ne suis pas non plus obsédé par cette hypothèse», feint-il d'expliquer dans les colonnes du Journal du dimanche avant d'ajouter qu'il a «une expérience à faire valoir, une connaissance des sujets européens». De quoi faire tousser une grande partie des militants PS réunis pour leur 78e congrès ce week-end. «Si tu prends Moscovici, tu perds ton avantage comparatif face à Macron: tu fais la même politique sans la jeunesse ni le talent», tacle un jeune dirigeant du PS installé dans le parterre officiel. Pour le premier secrétaire, Olivier Faure, dont la liste des grands travaux donne le tournis, «l'heure n'est pas à l'incarnation mais à la préparation d'un projet» européen.

Encore groggy après les claques électorales de 2017, tous les socialistes sont à la recherche de la martingale pour rebondir. Certes à 60 ans, Pierre Moscovici s'apprête à être père pour la première fois mais l'homme a été secrétaire d'Etat aux Affaires européennes sous Jospin, proche de Dominique Strauss-Kahn avant d'être l'homme du ras-le-bol fiscal au début du quinquennat Hollande puis de s'exiler à Bruxelles au sein de la Commission européenne dirigée par le démocrate chrétien Jean-Claude Juncker. Où, chargé de l'Economie, il est chargé de faire respecter les règles budgétaires européennes. Pas franchement le CV idéal pour un parti qui parle de «renaissance» à tout bout de champ. Sauf pour Jean-Christophe Cambadélis, qui plaide pour son ami «Mosco». «Pour repasser les 10%, il faut viser notre électorat pro-européen dont une partie est désormais chez Macron», analyse en privé l'ancien premier secrétaire, qui pense que le combat de Moscovici pour la taxation des Gafa, les géants du Net, peut jouer en sa faveur. Comme le fait de publier un livre programme, en janvier, empruntant son titre à Antonio Gramsci, le penseur de la bataille culturelle socialiste: «Dans ce clair-obscur surgissent les monstres».

Un vide à remplir

A Aubervilliers, personne ne veut insulter l'avenir. A défaut d'être durs, les mots officiels ne sont pas doux pour Pierre Moscovici. «On n'a pas le droit de se planter l'an prochain, rappelle l'ancien ministre de l'Agriculture Guillaume Garot. Il faut susciter un élan et proposer un projet neuf. Est-ce que Moscovici est capable de ça?» Poser la question c'est y répondre mais le problème c'est que si personne ne veut de Moscovici, personne n'a non plus un nom à mettre en face pour lui barrer la route. Ce que l'ancien ministre de l'Economie sait: la politique en général, les socialistes en particulier depuis dix mois, ont horreur du vide. Il a décidé de le remplir.

Najat Vallaud-Belkacem, qui vient de prendre un job à la direction de l'institut Ipsos, semble s'éloigner chaque jour un peu plus de la politique. Depuis le début de l'année, Olivier Faure a tout tenté pour convaincre Christiane Taubira de prendre la tête de liste européenne l'an prochain, raconte un éléphant ayant fait le déplacement à Aubervilliers: «Il espérait l'annoncer pendant la campagne pour le poste de premier secrétaire mais elle a refusé.»

«Je n’ai jamais cru à l’austérité»

Stratégiquement, Pierre Moscovici serait une bonne nouvelle pour Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, qui affutent leurs armes en vue des européennes. Jeudi, dans le train emmenant les leaders de la gauche soutenir les cheminots, l'ancien candidat du PS à l'Elysée croisait les doigts (pour de vrai) devant les journalistes à l'idée d'une candidature «Mosco». «Le mec court les plateaux de télé à pour dire que Paris doit continuer ses efforts budgétaires et dit partout que Macron c'est lui en jeune: comment tu veux qu'on le prenne comme candidat», peste un ancien député à Aubervilliers.

Du coup, dans l'espoir de donner des gages à ses détracteurs, Pierre Moscovici a livré samedi un discours à gauche toute, faisant sourire une partie de l'assemblée. «Je ne crois pas aux règles qui sont un carcan», explique-t-il comme s'il défendait désormais un assouplissement des critères de Maastricht. «Je n'ai jamais cru à l'austérité», clame le commissaire européen à l'Economie qui assure ne pas croire au «ni droite, ni gauche». Benoît Hamon court les capitales européennes en compagnie de Yannis Varoufakis? Qu'à cela ne tienne: Moscovici rappelle que lui est proche d'Alexis Tsipras, Premier ministre grec de gauche radicale. «Comme toujours, le discours de Moscovici est impeccable et audacieux, remarque l'ancien député Christian Paul. Le problème c'est qu'il n'a jamais été à la hauteur de ses paroles.» En 2014, certains avaient brocardé la nomination à Bruxelles de Pierre Moscovici en «braconnier qui veut être garde-chasse». Le garde-chasse veut redevenir braconnier. Pas gagné.

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