Publicité

Euthanasie: le Conseil économique et social favorable à une «sédation explicitement létale»

Un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) invite le législateur à légaliser une aide active à mourir dans une nouveau texte sur les «derniers soins». AURORE BELOT/AFP

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté mardi un avis appelant le législateur à autoriser la «sédation profonde explicitement létale» pour les personnes qui la demanderaient en fin de vie, «dans des conditions strictement définies».

Nouvelle percée en faveur d'une loi sur l'euthanasie. Pendant les États généraux de la bioéthique, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), instance consultative, a adopté mardi un avis appelant à légaliser la «sédation profonde explicitement létale» pour les personnes qui la demanderaient en fin de vie. La 12e préconisation de ce texte appelle à une nouvelle loi sur «les derniers soins» qui donnerait la possibilité à une personne malade de recevoir à sa demande et «dans des conditions strictement définies», «une sédation profonde expressément létale», «y compris à travers la rédaction de directives anticipées ou la désignation d'une personne de confiance».

Le CESE indique s'être auto-saisi de ce sujet en raison de sa sensibilité «aux préoccupations citoyennes sur la question de la fin de vie, exprimées tant au travers de sondages récents que de pétitions en ligne (en faveur d'une aide active à mourir, NDLR) ayant recueilli plus de 350.000 signatures».

Cet avis, intitulé «Fin de vie: la France à l'heure des choix», a été adopté à 107 voix pour, 18 contre et 44 abstentions. En revanche, l'expression «sédation profonde» est volontairement distincte d'«euthanasie» et «suicide assisté», termes polémiques. Mais elle recouvre la même réalité, celle d'un médecin qui donne ou permet de se donner la mort sciemment.

Le cas d'Anne Bert

Ce droit à des «derniers soins» serait soumis à des conditions et serait assorti d'une «clause de conscience» pour permettre à «tout médecin de refuser de pratiquer l'acte d'euthanasie». La demande d'une aide active à mourir devrait notamment être réitérée dans un délai minimal de 48h après la formulation initiale et rédigée par écrit. Elle ne pourrait s'appliquer qu'aux personnes en souffrance atteintes «d'une affection incurable, en phase avancée voire terminale». Mais l'avis évoque également la possibilité de faire référence à une limite maximale de pronostic vital de 6 mois pour demander l'euthanasie.

Autrement dit, l'euthanasie ne serait pas réservée aux personnes aux derniers jours de leur existence mais pourrait s'appliquer à des cas comme celui d'Anne Bert. Cette romancière atteinte de la maladie de Charcot qui avait plaidé à l'automne dernier pour la liberté de «choisir sa fin de vie» en France avant de partir se faire euthanasier dans un hôpital belge. Pierre-Antoine Gailly raconte avoir été personnellement en contact avec des personnes atteintes par cette maladie dégénérative incurable mais souligne que cet avis n'a pas été rédigé «sous emprise émotionnelle forte».

Le CESE relève la «persistance de situations dramatiques»

La commission «fin de vie» du CESE justifie d'ailleurs son appel à la création d'un nouveau droit par la «persistance de situations dramatiques», soit des demandes d'euthanasie qui ne rentrent pas dans le cadre de la loi actuelle. Elle juge aussi que la mise en œuvre de loi Leonetti/Claeys de 2016 sur la fin de vie - qui a consacré le droit des patients en fin de vie à «dormir avant de mourir pour ne pas souffrir» avec la sédation profonde et continue jusqu'à son décès - est «entravée par des difficultés d'ordre tant médical que juridique et éthique». L'avis fait enfin état des sondages qui «montrent depuis plus de quinze ans que la grande majorité des Français est favorable à une évolution de la législation consistant à autoriser le médecin à mettre fin, sans souffrance, à la vie des personnes qui en feraient la demande».

Les autres préconisations du texte sont largement dédiées au développement des soins palliatifs en France. L'avis insiste notamment sur la nécessité «d'accroître et mieux répartir au plan territorial l'offre de soins palliatifs», d'exclure ces soins à l'hôpital de la tarification à l'activité (T2A) pour mieux prendre en compte leur spécificité ou encore de lever les obstacles à la prise en charge palliative de ville, en améliorant le financement des soins palliatifs à domicile. En donnant cette double orientation à son avis, la commission «fin de vie» du CESE voudrait abolir les frontières qui séparent les défenseurs des soins palliatifs et les partisans d'une législation de l'euthanasie. L'utilisation des expressions «derniers soins» et «sédation profonde» pour évoquer une aide active à mourir reflète d'ailleurs cette volonté d'envisager dans une continuité les soins palliatifs et un geste médical létal.

«Donner la mort n'est pas un soin»

Cette approche est jugée «scandaleuse» par la Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP). «Qualifier l'euthanasie de “derniers soins”, c'est un oxymore. Donner la mort n'est pas un soin. C'est un geste en contradiction totale avec la philosophie des soins palliatifs, s'insurge Anne de la Tour, présidente de la SFAP. Alors que des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) viennent de sortir pour préciser l'application de la loi Leonetti/Claeys sur la fin de vie, elle dénonce par ailleurs l'utilisation du terme «sédation profonde» dans l'avis du CESE. «Aujourd'hui, il est très clair que l'objectif de cette sédation dans la loi Leonetti Claeys n'est pas d'entraîner la mort. Cet avis du CESE risque d'entraîner une nouvelle confusion», s'inquiète-t-elle. Lundi soir, l'avis a également été dénoncé, avant même sa sortie, par Mgr Pontier, dans son allocution au Collège des Bernardins, en présence du président Emmanuel Macron. «Peut-on qualifier de dernier soin l'acte de se donner la mort? a-t-il interrogé. Il y a des limites et des confusions que l'on ne saurait franchir.»

Sujet

Euthanasie: le Conseil économique et social favorable à une «sédation explicitement létale»

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
428 commentaires
  • mauvaisesprit

    le

    C'est quand même curieux comme beaucoup ici semblent craindre que leurs proches les lâchent, voire les poussent carrément vers la tombe pour récupérer l'héritage. Moi, je m'inquiète du contraire : qu'ils fassent tout pour me garder en vie, contre tout espoir.

  • Cesar deux le retour

    le

    Si je comprends bien Macron s'apprête à lancer ses hashtags "balance ton vieux" et "balance ton malade".
    Les brav'cathos charmés des Bernardins vont apprécier cette belle pirouette "en même temps".

  • Voirouvoire

    le

    Visiblement, à lire de nombreux commentaires, certains préfèrent mourir par abstention thérapeutique sur un brancard aux urgences plutôt que par abrègement de leurs derniers instants de vie dans la souffrance. Quand vous avez un globe vésical, qu'à chaque minute l'état de vos reins se détériore, et que l'on vous dit il y a 4 heures d'attente, c'est certain, c'est une situation plus enviable pour eux, qui ne mérite pas de débat.

À lire aussi