L’idée refait régulièrement surface depuis plus de quarante ans. François Hollande l’avait promis en 2012, Bercy l’a officialisé l’an dernier : la retenue à la source de l’impôt sur le revenu sera mise en place en 2019 et la collecte reviendra aux employeurs.
Le prélèvement à la source de l’impôt, c’est-à-dire la soustraction directement sur le salaire plutôt que le paiement a posteriori, est en place dans de nombreux Etats du monde. Au sein des pays développés, seuls la Suisse et Singapour appliquent encore, comme la France, le paiement de l’impôt après déclaration des revenus.
Une inspectrice des finances du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), Sandra Desmettre, avait réalisé en février 2012 une comparaison internationale de pays qui pratiquent déjà la retenue à la source, certains d’entre eux avec « un impôt sur le revenu aux caractéristiques proches de celles de l’impôt français » et d’autres avec des « impôts calculés différemment ».
Les 13 pays concernés par l’étude (Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni) ont une pratique relativement ancienne du prélèvement à la source. L’ancêtre du système allemand date de la Prusse de 1811. Le Canada l’a mis en place dès 1917, pendant un an seulement, avant de le réinstaurer en 1942, tandis que le plus « récent », l’Espagne, l’a fait en 1979.
Un poids inégal de l’impôt sur le revenu
18 % des recettes fiscales en France en 2012
L’impôt sur le revenu, et donc ses modalités de prélèvement, ne revêtent pas la même importance pour tous les pays. Il est particulièrement stratégique pour certains d’entre eux, comme le Danemark, où il représentait la moitié des recettes fiscales en 2012 et même plus de 54 % l’année suivante. Il est également très important en Australie (39,2 %) et aux Etats-Unis (37,6 %).
Parmi les pays étudiés, la France est celui où l’impôt sur le revenu représente la part la plus faible dans les recettes fiscales, à environ 18 % en 2012.
Une transition variée
Le gouvernement français a annoncé que la mise en place du prélèvement à la source se ferait de manière immédiate, en 2019, avec une « année blanche » pour les comptes de l’Etat. En clair, vous paierez en 2018 vos impôts sur les revenus 2017 puis en 2019 les impôts sur les revenus de 2019.
Ce système d’« année blanche » avait été mis en place au Danemark en 1970 et en Nouvelle-Zélande en 1958. Pour ce dernier pays, « les contribuables ont été généralement exonérés en totalité de leur assujettissement précédent », note l’étude, qui ajoute :
« Malgré cette exonération, il n’a pas été constaté de mouvement exceptionnel dans les revenus déclarés pour cette année-là. »
Mais tous les États ne sont pas passés au prélèvement à la source de la même manière. Pour certains, une retenue à la source était déjà en vigueur avant l’établissement du système « moderne » (Allemagne, Belgique, Luxembourg).
D’autres ont choisi une mise en place progressive, comme au Royaume-Uni (étalée sur dix-huit mois) ou aux Pays-Bas (entre trois et cinq ans au total).
Des mises en place immédiates se sont déjà produites, mais dans la circonstance particulière d’une période de guerre : 1917 puis 1942 au Canada, 1942 en Australie, 1943 aux Etats-Unis…
Plus l’impôt est personnalisé, plus il est complexe à gérer
L’étude du Conseil des prélèvements obligatoires s’emploie à comparer les différents systèmes de retenue à la source, et leurs caractéristiques.
Certains sont jugés « simples » voire « très simples », notamment en fonction du degré de personnalisation de l’impôt, c’est-à-dire de la prise en compte de la situation conjugale, des enfants à charge, etc.
En France, l’impôt est collecté par ménage en appliquant des quotients familiaux pour prendre en compte les enfants à charge, qu’il faudra transcrire dans le prélèvement à la source.
Au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande ou au Danemark, un impôt totalement individuel. Ni la situation conjugale, ni les enfants à charge ne sont pris en compte dans le calcul de l’impôt sur le revenu. Dans cette situation, une déclaration des contribuables n’est pas obligatoire dans la plupart des cas (uniquement pour les revenus autres que salariaux, pour les travailleurs indépendants, etc.).
Au Canada, en Allemagne ou en Belgique, les entreprises informées de la situation familiale. Dans ces pays, les informations sur la conjugalité et les enfants à charge sont transmises aux employeurs. Pour eux, le système devient alors plus complexe à gérer. En France, « l’employeur ne sera informé ni de la situation familiale ni des autres revenus perçus par le salarié », et ne connaîtra que le taux d’imposition, a assuré le secrétaire d’Etat au budget, Christian Eckert.
En Irlande ou aux Pays-Bas, un système intermédiaire. En Irlande, la situation conjugale est transmise aux entreprises mais les enfants à charge, eux, le sont à l’administration fiscale. Cette dernière doit ensuite communiquer aux employeurs le bon quotient à appliquer au salarié. D’autres encore ont choisi une autre voie : aux Pays-Bas, l’information sur les enfants à charge est transmise à l’administration fiscale, car cette donnée n’entre pas en compte dans le calcul de l’impôt sur le revenu, mais ouvre d’autres droits par ailleurs.
La charge pour les entreprises, principale critique
La complexe gestion de la situation familiale est l’une des principales critiques formulées contre les systèmes existants de retenue à la source. C’est surtout le cas dans les pays où les employeurs sont pleinement inclus dans le processus et ont directement connaissance des informations personnelles des salariés. Les « coûts de gestion » pour les entreprises sont alors régulièrement critiqués.
Les adversaires de l’impôt à la source déplorent aussi des retenues trop importantes et pas assez personnalisées, ne prenant pas en compte les déductions, ou bien une lourdeur du processus de remboursement des trop-perçus. Dans certains pays, la majorité des contribuables sont concernés par ces « restitutions ». C’est le cas pour 73 % des Américains, ou des Danois.
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