Foot féminin : elle a fait partie de la première équipe de France

LE PARISIEN WEEK-END. Créée en 1968, l’équipe des Filles de Reims a lancé le football féminin en France. Ghislaine Royer-Souef, l’une des joueuses, revient sur cette épopée qui a inspiré un film réussi, en salle le 25 avril.

    Eté 1968, à Reims. Reporter sportif au quotidien régional L'Union, dans la Marne, Pierre Geoffroy est chargé de trouver la prochaine attraction de la kermesse organisée tous les ans par son journal. L'année d'avant, c'était un combat de catch de lilliputiens. Comment faire plus original ?

    « Et si on organisait un match de foot féminin ? » propose-t-il en rigolant au milieu de sa rédaction. Voir des filles en short taper dans un ballon, l'idée amuse. Un championnat de France de football féminin fut créé après la première guerre mondiale, mais avait peu à peu décliné en popularité. Et en 1941, le gouvernement de Vichy avait déclaré le football « interdit aux femmes ».

    La petite annonce de Pierre Geoffroy est publiée dans son journal. A sa grande surprise, il reçoit une vingtaine de candidatures. Le reporter convoque les joueuses en herbe. Les filles, lycéennes, étudiantes, ouvrières ou postières, âgées de 14 à 30 ans, se révèlent habiles avec le ballon. Pour elles, c'est le début d'une carrière couronnée de succès.

    Ghislaine Royer-Souef parcourt avec nous son album de photos souvenirs

    (Magali Delporte pour Le Parisien Week-End)

    A l'occasion de la sortie du film Comme des garçons, comédie de Julien Hallard s'inspirant de l'histoire de la création de cette équipe, Ghislaine Royer-Souef, 15 ans à l'époque, 65 ans aujourd'hui, a fait le voyage jusqu'à Paris.

    Cette Champenoise pure et dure parcourt avec nous son album de photos souvenirs, résumé de ses années extraordinaires dans l'équipe des Filles de Reims, fer de lance de la reconnaissance du football féminin en France.

    Un combat contre les idées reçues

    Les entraînements des filles débutent à l'été 1968. Pierre Geoffroy et Richard Gau, journalistes sportifs au quotidien L'Union, convoquent une vingtaine de filles sur un terrain vétuste, à Reims. « On était toutes sportives, donc ça n'a pas été compliqué de jouer, se souvient Ghislaine Royer-Souef, dite Gigi. On s'est tutoyées en trente secondes ! »

    La lycéenne est désignée gardienne de but. « Car j'étais véloce et tonique, précise-t-elle. Parfois, au bord du terrain, des garçons balançaient des saloperies comme "va raccommoder des chaussettes !" Cela m'était égal. Je n'étais pas là par féminisme, mais pour l'amour du sport. »

    Idoles des jeunes fans

    Décriées quelques mois plus tôt, les joueuses rémoises, qui voyagent désormais partout en France pour rencontrer des équipes locales, deviennent des vedettes. Un prix à remettre au gagnant d'un concours organisé par le journal L'Union ? Ce sont les footballeuses que l'on appelle pour les photos.

    Ici, la capitaine Michèle Monnier (à g.) et Ghislaine Royer-Souef (à dr.) entourent une petite fille fan de ballon rond. « Ça nous a fait bizarre de devenir "connues". On nous interpellait dans la rue. »

    Premier trophée

    Excellent communicant, le journaliste de L'Union Pierre Geoffroy (au centre) fait parler de son équipe dans la presse. A la fin des années 1960, les moeurs se libèrent. L'histoire de ces demoiselles passionne, et fait naître des vocations ! Autour de Reims, des équipes féminines se constituent.

    En 1969, la marque Le Coq Sportif organise un tournoi en Champagne et dans les Ardennes. Les Rémoises gagnent un premier trophée, reçu par la capitaine Michèle Monnier (à g.). « C'est là que j'ai eu la blessure la plus grave de ma carrière. Une costaude m'a foncé dessus, m'a cassé trois dents et fracturé la mâchoire. Ça ne m'a pas démotivée ! » se souvient Ghislaine Royer-Souef.

    Ainsi naquit l'équipe de France

    Pierre Geoffroy s'active pour leur faire rencontrer des équipes européennes. Un match contre l'Italie ? L'équipe de Reims est rebaptisée pour l'occasion équipe de France. « Nous étions allées chercher nos écussons bleu-blanc-rouge dans des boutiques de souvenirs autour de la cathédrale », raconte Ghislaine, qui en rit encore.

    Le 29 mars 1970, la Fédération française de football, un brin macho, reconnaît l'existence du football féminin. Peu après, l'équipe de France, composée à 80 % de Rémoises, est renforcée de joueuses venant de Rouen, Strasbourg... Et donne son premier match officiel le 17 avril 1971, à Hazebrouck (Nord), contre les Pays-Bas. Les Bleues gagnent 4-0 et se qualifient pour le Mondial.

    Réputation mondiale

    La Coupe du monde féminine de football 1971, non reconnue par la Fifa, se déroule au Mexique. Un magazine est publié pour l'occasion. Opposée au Danemark et à l'Italie, la France est éliminée en phase de poule, mais gagne face à l'Angleterre (3-2) dans un match pour la 5e place. Six équipes étaient engagées.

    Ghislaine s'enthousiasme : « Nous avons joué dans le mythique Stade Azteca de Mexico devant des milliers de personnes ! » Les succès se multiplient les années suivantes. En France, l'équipe des Filles de Reims, devenue Stade de Reims, gagne les trois premières éditions de la Division 1, compétition officielle créée en 1974. Elles voyagent aussi, en Indonésie, à Taïwan, en Haïti et aux Etats-Unis.