Le 1er mai 1993, la mort tragique de Pierre Bérégovoy
LES ARCHIVES DU FIGARO - L’ancien Premier ministre, se suicide à Sermoise-sur-Loire dans la Nièvre. La France est sous le choc.
C’est la première fois qu’un chef de gouvernement se donne la mort. Le 1er mai 1993, Pierre Bérégovoy -l’ancien premier ministre et député-maire de Nevers- met fin à ses jours, sans un mot, le long d’un chemin de halage près de Nevers dans la Nièvre. Ce suicide a lieu dans un contexte particulier: l’homme politique est affecté par la défaite aux élections législatives du Parti socialiste (c’est lui qui mena la campagne) et par des affaires politico-financières auxquelles son nom est associé, qui mettent à mal son intégrité.
Dans la tourmente des «affaires»
Certains de ses proches sont mis en cause pour «délits d’initiés» dans le scandale Péchiney et l’affaire Société Générale. Lui-même est pris dans une tourmente médiatique à la suite de la révélation en février, d’un prêt accordé par Roger-Patrice Pelat, pour l’achat d’un appartement parisien. En ce début de campagne électorale, elle fait l’effet d’une bombe et les délices du «Bébête show». Cette opération, qui n’a rien d’illégale, demeure suspecte aux yeux de l’opinion publique. Et Pierre Bérégovoy sème davantage le trouble dans les esprits, lorsqu’arguant qu’il s’agit d’une «affaire privée», il refuse de donner des explications sur ses remboursements.
L’honneur d’un homme «livré aux chiens»
Lors des obsèques à Nevers le 4 mai, le président de la République François Mitterrand rend un émouvant hommage à un «homme dont chacun savait ou percevait la qualité de désintéressement, de dévouement au bien public.» Et fustige ceux qui ont livré «aux chiens l’honneur d’un homme, et finalement sa vie, au prix d’un double manquement de ses accusateurs aux lois fondamentales de notre République, celles qui protègent la dignité et la liberté de chacun d’entre nous.»
Dans son éditorial, paru dans Le Figaro du 3 mai 1993, Alain Peyrefitte revient sur ce drame: «Pas un Français qui ne soit aujourd’hui troublé par la fin brutale de Pierre Bérégovoy. Chacun se demande quelle y est la part de l’échec évident, des rumeurs clandestines, de la fragilité cachée.»
Article paru dans Le Figaro du 3 mai 1993.
Un destin tragique
Un suicide est un mystère personnel au seuil duquel chacun devrait se taire pour se recueillir. Mais, quand il concerne un ministre, à plus forte raison premier ministre, comment empêcher qu’il devienne affaire d’État? Les droits les plus élémentaires de l’homme privé sont refusés à l’homme public.
Pas un Français qui ne soit aujourd’hui troublé par la fin brutale de Pierre Bérégovoy. Chacun se demande quelle y est la part de l’échec évident, des rumeurs clandestines, de la fragilité cachée.
Conduire à la bataille législative le plus puissant parti de France et subir la plus grande défaite électorale de toutes nos Républiques, qui a réduit à 57 membres un groupe parlementaire fort de 276, c’est un choc terrible. Il faut être bien solide pour l’encaisser. Pierre Bérégovoy avait senti le sol se dérober sous ses pieds, les déboires s’enchaîner inexorablement, les meilleures intentions aboutir à des effets désastreux, les camarades se transformer en censeurs. Rude épreuve! «Si tu peux voir tes amis te rendre responsable de leurs malheurs et te couvrir d’insultes après t’avoir encensé... Si tu peux... Tu seras un homme, mon fils», disait Kipling. Tout le monde ne le peut pas.
Faut-il exclure que les rumeurs acides aient corrodé le métal d’une âme qu’on croyait inoxydable? Comment n’aurait-il pas été affecté par l’inculpation pour «délit d’initié» de ses deux directeurs de cabinet? Et, davantage encore, par la révélation du prêt sans intérêt qui le mettait directement en cause? Quand on a le mérite de se vouloir soi-même sans compromission et sans reproche, quand on a affiché la lutte contre la corruption comme un objectif prioritaire, le soupçon d’une erreur qui serait pour d’autres une peccadille prend les proportions d’une insupportable atteinte à une image d’intégrité: on le ressent comme un déshonneur parce qu’on est un homme d’honneur.
M. Charasse a dénoncé «les juges et les journalistes», à la place desquels «il ne dormirait pas». Ce n’est pas la première fois qu’on maudit les juges. Ce n’est pas la première fois que la presse sert de bouc émissaire. Le sociologue américain Boorstin le constatait déjà au moment de l’affaire Watergate: la logique du système médiatique le pousse à ne pas se contenter de rendre compte de l’actualité, mais à la faire. Nul n’y peut rien. Et la partie de notre planète qui ne connaît pas cette liberté-là nous l’envie.
La cruauté des médias est encore plus vivement ressentie quand elle se conjugue avec une dépression, ou en tout cas une décompression. Un premier ministre est entouré. On devance ses moindres désirs; on le dispense des moindres corvées; on l’exalte à ses propres yeux. Quand il quitte ses fonctions, le silence, du jour au lendemain, succède au brouhaha flatteur. Ceux qui se suspendaient en grappes sur son passage se détournent de lui; il doit réapprendre à chercher les adresses dans l’annuaire et à composer lui-même les numéros. Douze premiers ministres, avant Pierre Bérégovoy, ont dû cesser, du jour au lendemain, d’être au centre de l’attention et des attentions. Aucun, sans doute, n’a échappé au sentiment poignant d’une solitude qui ressemble à une déchéance.
Pierre Bérégovoy restera pour nous l’homme qui a lutté contre vents et marées pour le franc fort.On croirait un autodidacte, à cause de la simplicité de ses origines, mieux armé pour subir un revers de fortune qu’un homme choyé du destin. Et si c’était contraire? Les ascensions les plus tardives sont sans doute celles qui donnent le plus le vertige.
M. Lang s’est écrié: «A-t-on besoin, lorsqu’on conduit une politique nouvelle, de tirer à boulets rouges contre ses prédécesseurs?» Ne pourrait-on se demander au contraire si Pierre Bérégovoy n’a pas ressenti plus durement sa chute parce que le nouveau gouvernement a préféré le fleuret moucheté aux «boulets rouges»? Quand, au milieu d’un cercle déférent, son successeur l’avait aimablement raccompagné à sa voiture, nul ne l’avait hué à sa sortie, comme on l’avait fait pour M. Giscard d’Estaing en 1981. Aucune parole n’avait été prononcée qui manquât à la courtoisie. Mais le verdict des réalités n’est-il pas plus blessant encore, quand celui qui en recueille le bénéfice met tant de soin à ne pas blesser?
Pierre Bérégovoy restera pour nous l’homme qui a lutté contre vents et marées pour le franc fort et a fait face crânement à la rébellion des routiers en colère, à l’affaire du sang empoisonné, à la révolte des paysans désespérés, à tous ces psychodrames qui ont mal tourné parce qu’il parvenait aux responsabilités dans une fin de règne ou tout était mis à son débit... Dans sa fragilité comme dans son courage, ce destin tragique commande le respect.
Par Alain Peyrefitte
Martin 37001
le
Qu’il repose en paix !
Le Guérandais
le
Et ce "suicide" n'a jamais été démontré judiciairement! Cela arrangeait Mitterrand de nous servir une version complètement "truquée". En effet je connais très bien, en forêt de Rambouillet, l'endroit où c'est produit cet évènement. La "pièce d'eau" incriminée est en fait une mare, la plupart du temps asséchée! Où, lors des périodes très pluvieuses, il y a autour de 0,30cm d'eau!
anonyme 18696
le
Il se suicide? Vraiment ? Suicide assisté sans doute