Quelqu’un peut-il dire à l’ancien président de la République que la campagne de 2017 est terminée et que celle de 2022 n’a pas commencé ? Il faudrait lui expliquer – mais sans le vexer, bien sûr – que le match est fini et qu’il n’a même pas pu entrer en jeu. C’est rageant, mais ce n’est pas une raison suffisante pour continuer d’occuper le terrain.
« Faut pas rester là, m’sieur Hollande. Tenez, la sortie, c’est par là.
– Je suis un sortant, pas un perdant1.
– Oui, oui, c’est ça. Mais, là, maintenant, faut rentrer chez vous. Revenez plus tard si vous voulez.
– J’ai été président. Je ne peux pas dire : mon temps est terminé 2. »
Dans sa longue et noble histoire, la France a connu des responsables aux comportements irrationnels. Sans forcément remonter jusqu’à Charles VI (1368-1422), dit « le Fou », on peut s’arrêter un instant sur Paul Deschanel (1855-1922), retrouvé errant en pyjama sur une voie de chemins de fer du Forez après être tombé d’un train le menant à Montbrison, le 23 mai 1920. Figurez-vous que, l’autre jour, on a surpris François Hollande sur le parking du supermarché Leclerc de Plérin (Côtes-d’Armor). Il était 2 heures du matin. Une absence, lui aussi ? En fait, tout occupé qu’il était à dédicacer à tour de bras des exemplaires de son livre, Les Leçons du pouvoir (Stock), et à balancer des vacheries sur Emmanuel Macron à toute oreille compatissante, il n’avait pas vu passer l’heure.
Ses vannes, ses punchlines, son ironie sont tendance
Le lendemain, à moins que ce ne soit la veille, il était à Châteauroux. On devait le retrouver ensuite à Grenoble, Annecy, Châlons-en-Champagne, Vienne, Rennes… Un an après la présidentielle, il est en campagne. A l’imitation des cyclotouristes qui font les étapes du Tour de France à leur rythme, il sillonne à son tour le pays, recueillant les éloges. « A son âge et sans équipier, il est fort », murmure-t-on, admiratif, sur son passage.
Cette hollandomania déjoue les règles du marketing comme celles de la politique. Prenons les jeans pattes d’éléphant : il a fallu quelques années avant que, jugés ringards, ils redeviennent tendance. Prenons Georges Pompidou. Il a bien fallu vingt ans, voire davantage, pour que ses gros sourcils, sa maison de Cajarc (Lot) et sa Porsche 356 coupé exhalent peu à peu un tenace parfum d’adolescence – la nôtre – et de regrets. Avec Hollande, tout s’accélère. Sitôt élu, on ne l’aimait plus ; à peine parti, on le regrette. Son étonnant succès en librairie interroge. Se languirait-on déjà de ses manières ? Jupiter lasserait-il comme un refrain trop entendu ? Le nouveau monde est-il si désirable ? L’avons-nous mal jugé, ce président mal fagoté ?
Sur les ondes de la radio Nostalgie de la politique, les tubes de Hollande font recette. Ses vannes, ses punchlines, son ironie sont tendance. L’autre jour, dans les colonnes du Monde, l’ancien président évoquait Aimé Jacquet, le sélectionneur des Bleus cuvée 1998 (ça nous change de Paul Ricœur) « devenu l’icône de la sagesse, de l’équilibre, voire un prophète », après avoir été si décrié. Jacquet, voilà le modèle. Hollande, c’est vrai, part de loin. Il n’est pas champion du monde. Tardifs et solitaires, ses efforts téméraires pour réhabiliter son image et son bilan ne seront peut-être pas suffisants. Heureusement, il se contente de peu : « Les gens veulent me parler. C’est troublant, satisfaisant et gratifiant1. »
1- Le Point, 17 mai 2018.
2 - Paris Match, 19 avril 2018.
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