Droits de douane : «Un risque d’effondrement du commerce mondial»

Taxes américaines sur l’acier, riposte européenne, chinoise, canadienne… Le conseiller au commerce de l’Union européenne, Edouard Bourcieu, explique les dangers de la situation.

 Edouard Bourcieu est conseiller au commerce de l’Union européenne.
Edouard Bourcieu est conseiller au commerce de l’Union européenne. DR

    Depuis le 22 juin, les mesures dites de rééquilibrage décidées par l'Union européenne contre les mesures protectionnistes américaines sur l'acier et l'aluminium sont en place. 180 familles de produits entrant en Europe sont depuis surtaxées de 10 à 50 %. Objectif : rendre ces importations américaines plus chères (de 2,8 Mds€ par an) pour inciter Donald Trump à faire marche arrière.

    Une réponse « graduelle et mesurée », selon l'UE. Mais une course folle planétaire semble s'être engagée. Le 6 juillet, Trump présentera de nouvelles mesures contre la Chine qui a déjà annoncé une riposte.

    L'Union européenne a arrêté une première liste de produits surtaxés pour la plupart à 25 %. Riz, maïs, motos, baskets… Où est la logique ?

    EDOUARD BOURCIEU. Le premier critère essentiel, c'était de choisir des produits pour lesquels les Européens ont une alternative afin qu'ils ne soient pas pénalisés par une hausse des prix. Ensuite, l'UE a choisi des produits à forte valeur politique et symbolique aux Etats-Unis, comme les Harley-Davidson. Harley a déjà réagi en annonçant la délocalisation de sa production pour ne pas avoir à subir la surtaxe en Europe.

    Selon nos estimations, la moto Road King 1745cc de Harley-Davidson, qui coûte actuellement 24 590 € pourrait à l’avenir, avec une taxe douanière de 25 %, coûter plus de 30 000 €./DR
    Selon nos estimations, la moto Road King 1745cc de Harley-Davidson, qui coûte actuellement 24 590 € pourrait à l’avenir, avec une taxe douanière de 25 %, coûter plus de 30 000 €./DR DR

    Comment infléchir la position de Trump ?

    En pesant sur les responsables politiques et l'opinion publique américaine. L'UE a donc choisi des produits fabriqués dans les Etats où Donald Trump a un fort soutien, comme la Wisconsin, le Pennsylvanie, le Kentucky… Des Etats qui vont à nouveau voter à l'automne pour les « Midterm elections » qui désignent tous les membres du Congrès américain…

    Quel sera l'impact en France des mesures américaines ?

    Les mesures douanières sur l'acier et l'aluminium importés d'Europe aux Etats-Unis vont avoir un impact de 6,4 Mds€ sur les prix. Les Etats-Unis sont un petit marché pour la France qui n'y exporte que 700 M€. Mais on peut craindre, si les Etat-Unis ferment la porte aux importations d'acier et d'aluminium, une hausse des stocks mondiaux et une chute des prix de la part de producteurs qui chercheront d'autres débouchés que les Etats-Unis. C'est pour s'en protéger que l'Europe a engagé auprès de l'Organisation mondiale du commerce une « procédure de sauvegarde », effective à la mi-juillet.

    Et l'automobile ?

    Les Etats-Unis ont lancé il y a un mois une enquête sur ce secteur qui pourrait déboucher sur des droits de douane annoncés juste avant les élections de « Midterm ». Or, l'Europe exporte outre-Atlantique pour 60 Mds€ par an de véhicules. Une surtaxe de 20 à 25 % mettrait à mal le modèle du secteur. Revenir à un système où on produirait chaque modèle dans tous les pays aurait des coûts astronomiques.

    Faut-il craindre le différend Etats-Unis - Chine ?

    Donald Trump a dit qu'il annoncera le 6 juillet pour 34 Mds$ de nouvelles mesures douanières sur les produits chinois. La Chine a prévenu qu'elle répondrait aussitôt. A quoi Trump a répliqué qu'il porterait les surtaxes à 200 Mds$… S'il va jusqu'au bout de ses menaces, il y aurait un vrai risque d'effondrement du commerce mondial avec impact sur la croissance. Le CEPII* a calculé qu'une telle escalade impacterait de 0,5 point l'inflation en Europe!

    * CEPII : Centre français de recherche et d'expertise en économie internationale.