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Aide aux migrants : le Conseil constitutionnel consacre le « principe de fraternité »

En réponse à Cédric Herrou, un agriculteur devenu le symbole de l’aide aux migrants, le Conseil a censuré partiellement le « délit de solidarité ».

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Publié le 06 juillet 2018 à 10h15, modifié le 07 juillet 2018 à 06h38

Temps de Lecture 3 min.

Marche contre le « délit de solidarité » place de la République à Paris, le 17 juin.

Pour la première fois, le Conseil constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle du « principe de fraternité ». Dans une décision du vendredi 6 juillet, les gardiens de la loi suprême ont donné une force juridique à cette devise républicaine et considéré qu’il en découlait « la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ».

Au moment où les pays de l’Union européenne (UE) se déchirent sur les questions migratoires, face à la montée des droites dures sur le continent, cette décision constitue indéniablement une victoire importante pour les associations et les personnes qui avaient saisi le Conseil d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

A l’origine de cette requête, notamment, l’agriculteur Cédric Herrou, devenu le symbole de la défense des migrants de la vallée de la Roya (Alpes Maritimes), l’un des principaux points de passage des migrants arrivés en Europe par l’Italie.

« Le texte est flou »

M. Herrou avait été condamné à quatre mois de prison avec sursis par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) en août 2017 pour avoir transporté quelque 200 migrants, principalement des Erythréens et des Soudanais, de la frontière italienne jusqu’à chez lui et organisé un camp d’accueil. Egalement requérant, l’enseignant-chercheur Pierre-Alain Mannoni avait, lui, été ­condamné par la même cour d’appel à deux mois de ­prison avec sursis, pour avoir ­accompagné trois Erythréennes dans une gare.

Deux autres plaignants et une douzaine d’associations d’aide aux migrants, dont la Cimade et la Ligue des droits de l’homme, se sont joints à la requête qui attaque le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). Celui-ci punit de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « le fait d’aider directement ou indirectement un étranger à entrer, circuler ou séjourner irrégulièrement en France ».

L’institution exclut que cette exemption s’étende à l’aide à l’entrée sur le territoire, car elle ferait naître « une situation illicite »

Dans le but de ne cibler que les filières lucratives de passeurs, ce même code prévoit d’exempter de poursuites l’aide au séjour lorsqu’elle « n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte », sans préciser cependant la nature de la contrepartie.

Le code précise en revanche les domaines auxquels cette aide au séjour doit se limiter, à savoir des « conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux (…) visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique » de l’étranger irrégulier. Or, cette formulation peut exclure de multiples formes de solidarité. Et les associations et militants considèrent que persiste ainsi un « délit de solidarité ».

« Le texte est flou », a également plaidé Patrice Spinosi, l’un des avocats des requérants, lors de l’audience devant le Conseil constitutionnel le 26 juin. Pour Me Spinosi, « le législateur n’a pas réussi à poser clairement cette ligne de démarcation pourtant simple : d’un côté, l’assistance rémunérée, les actes des passeurs (…), d’un autre, l’assistance désintéressée, celle des indignés, des militants, des engagés, pour laquelle il ne peut y avoir d’ambiguïté : aucune poursuite pénale ne peut être engagée ».

« Une victoire importante des libertés fondamentales »

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel lui a donné raison et a considéré que la loi ne conciliait pas de façon suffisamment équilibrée le « principe de fraternité » – désormais consacré – et la sauvegarde de l’ordre public. Il considère que la liste limitative des actions exemptées de poursuites doit être entendue largement comme couvrant « tout acte d’aide apportée dans un but humanitaire ».

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Le Conseil censure par ailleurs une partie du Ceseda. Il estime en effet que l’exemption de poursuites pénales ne peut pas se cantonner à l’aide au séjour, mais doit s’étendre à l’aide à la circulation de l’étranger irrégulier « lorsque ces actes sont réalisés dans un but humanitaire ». En revanche, il exclut que cette exemption s’étende à l’aide à l’entrée sur le territoire, car celle-ci « fait naître par principe une situation illicite ».

« C’est une victoire importante des libertés fondamentales qui permet de neutraliser le délit de solidarité », a réagi, vendredi, Patrice Spinosi, alors que le nombre de morts en Méditerranée atteint son plus haut niveau depuis le début de l’année, et qu’à Calais (Pas-de-Calais), Menton (Ampes-Maritimes) ou ailleurs sur le territoire, les associations d’aide aux migrants continuent de dénoncer les entraves à leurs actions.

Dans le cadre du projet de loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » actuellement examinée par le Parlement, le législateur pourra se pencher sur le sujet et se conformer à cette décision en modifiant le Ceseda.

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