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Arménie

En Arménie, des activistes se battent pour fermer une mine d'or… et sauver leur eau

À droite, des militants contre la mine du mont Amulsar, à gauche, les conséquences causées par une mine de cuivre dans une autre région du pays.
À droite, des militants contre la mine du mont Amulsar, à gauche, les conséquences causées par une mine de cuivre dans une autre région du pays.
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Le mont Amulsar, dans le sud-est de l’Arménie, est depuis plusieurs années le théâtre d’un bras de fer opposant des activistes locaux à une filiale de la compagnie minière Lydian International, qui construit à cet endroit les infrastructures d’exploitation d’une mine d’or. Mais depuis le début du mois de juillet, les écologistes sont passés à la vitesse supérieure en bloquant les routes menant au site. L’objectif : mettre un terme à l’exploitation de cette mine qui, selon eux, pourrait polluer près de 30 % des ressources en eau du pays.

Vidéos à l’appui, des militants écologistes du Front environnemental arménien (Amerco) alertent depuis plusieurs semaines l’opinion publique sur les dangers du projet de mine d’or sur le mont Amulsar. Leurs images, relayées sur les réseaux sociaux, font état des graves conséquences environnementales provoquées par l’exploitation de mines, notamment de cuivre, désormais abandonnées, dans d’autres régions du pays.

Ces images montrent par exemple la mine de cuivre abandonnée de Kavart : 

Avec ces vidéos, les militants espèrent sensibiliser aux risques que fait courir, selon eux, le projet de Lidyan sur le mont Amulsar. L’une des vidéos publiée sur leur chaîne YouTube et sur leur page Facebook montre par exemple le site de Kavart, aujourd’hui abandonné, situé près de la ville de Kapan, à 100 kilomètres d’Amulsar. Les images montrent des flaques d’eau cuivrée qui recouvrent une terre devenue sèche et fissurée. Seuls quelques ruisseaux couleur rouille traversent les rochers.

Dans l’une des vidéos (voir ci-dessus), un activiste fait un test avec une bande pH dans l’un des cours d’eau, et prouve son important niveau d’acidité : 

La vidéo ci-dessous montre la zone d’approvisionnement en eau de ville de Kapan, située non loin du site de Kavart : 

 

Au mont Amulsar, c’est Lydian International, une société minière basée dans le paradis fiscal britannique de Jersey, qui est chargée du projet de mine d’or. Créée en 2005, cette entreprise a commencé à explorer la région dès 2006. Mais, d’après les activistes, ce n’est que quand elle a commencé ses premiers forages en 2012 que les habitants ont pris connaissance de sa présence dans la zone, entraînant alors des mouvements de contestation.

"Le changement de régime en Arménie a relancé les manifestations"

Notre Observatrice Ani Khachatryan est membre de l’Amerco et a pris part aux dernières mobilisations. Selon elle, l’exploitation minière dans cette zone pourrait avoir des conséquences irréversibles dans la région.

Les habitants n’ont jamais été consultés à ce sujet. Les habitants s’y opposaient au départ, mais vous savez comment fonctionnent les sociétés minières… La compagnie s’est mise à les aider, en donnant de l’argent pour des services ou en achetant des terres communautaires. Mais la situation a changé quand Lydian a établi ses premiers chantiers et endommagé les systèmes d’irrigation et les conduites d’eau potable de Gndevaz, un village voisin. Ça n’est pas passé.

Une vidéo montrant de l’eau sale sortir des robinets dans un village.

Les citoyens de Jermuk, une ville thermale de la région, ont également pris conscience que les promesses de l’entreprise – qui assurait que ses activités n’allaient pas affecter la ville – étaient en réalité des mensonges. Pour autant, ils n’osaient pas vraiment manifester car ils avaient l’impression que l’entreprise bénéficiait de la protection du gouvernement. Avec le changement de gouvernement en Arménie, qui a eu lieu il y a deux mois, les habitants se sont dit qu’ils avaient peut-être désormais une chance de faire arrêter le projet.

 

Un groupe de manifestants – activistes et habitants – contre le projet de mine sur le mont Amulsar. Crédit photo : Tehmine Yenogyan. 

Au début du mois de juin, ils ont commencé à bloquer les quatre routes menant aux sites de construction des infrastructures d’exploitation de la mine sur le mont. Les entrepreneurs se sont donc retrouvés dans l’impossibilité de poursuivre les travaux. La compagnie est alors allée demander au gouvernement si elle était en droit d’utiliser la force pour expulser les manifestants. La situation est donc très sensible. En même temps, il y a une énorme pression de la part des activistes sur le gouvernement pour trouver une solution et empêcher cette installation. 

Notre Observatrice Ani Khachatryan, membre du "Front arménien pour l’environnement", sur le lieu du blocus. 

"La mine pourrait polluer près de 30 % des ressources en eau de toute l’Arménie"

Le fonctionnement de la mine d’Amulsar, si elle se réalise, sera basé sur la lixiviation en tas : ce processus permet de séparer l’or du minerai notamment grâce à du cyanure. Lydian International assure qu’elle va ensuite éliminer le cyanure en toute sécurité et qu’il n’y a donc aucun risque que le produit chimique contamine les sols. 

Cette vidéo d’Armecofront a été filmée sur le site abandonné de la mine de Tandvut, dans le nord de l’Arménie. Elle montre l’acidité persistante des sols, alors même que la mine a été abandonnée depuis plusieurs années. 

Mais notre Observatrice n’y croit pas : selon elle, les déchets produits pourraient s’infiltrer et affecter les cours d’eau.

La mine pourrait polluer près de 30 % des ressources en eau de toute l’Arménie, selon une estimation basée sur les mètres cubes que représentent les rivières Arpa et Vorotan [l’eau provenant de la mine se déverserait dans des voies d’écoulement qui rejoindraient ensuite ces deux cours d’eau, comme l’indique la société minière elle-même, NDLR].

Une manifestation dans le centre-ville. "Notre or c’est notre eau", peut-on lire sur la bannière. Crédit photo : Tehmine Yenokyan. 

Or, il y a sur ces deux rivières deux importants réservoirs d’eau. S’ils sont pollués, cela aura un énorme impact sur toute la région. Nous estimons aussi que la société minière n’a pas de centre de traitement de ses déchets adaptés. Ses activités produiront donc des écoulements d’eaux acides. Nous pourrions également avoir du cyanure et de l’eau de javel dans nos systèmes d’eau. Par ailleurs, il y a sur le mont Amulsar une petite vallée, comme un cratère, près du sommet, où l’on trouve un étang naturel. Et l’eau de cet étang est déjà devenue acide.

Un activiste local a filmé les camions appartenant aux entrepreneurs de Lydian International qui ont été forcés de quitter le mont le 11 juillet 2018 parce qu’ils ne pouvaient pas accéder au site de construction. Crédit vidéo : Gagik Jamalyan. 

Le tourisme en danger

Dans cette région, les habitants craignent également que le projet minier nuise à l’industrie du tourisme, dopée par les sources d’eau chaude de Jermuk. Certains hôtels et sanatoriums de Jermuk assurent que la pollution engendrée pourrait les affecter et détruire leur activité, la mine se situant à seulement 12 kilomètres. Dans cette vidéo filmée par les activistes du Front arménien pour l’environnement, des habitants de Jermuk confirment les dégâts que pourraient causer la mine sur l’économie touristique de leur ville.

Des activistes ont dormi sous des tentes lors du blocus. Crédit photo : Tehmine Yenoqyan.

Trois consultants indépendants venus d’Australie, des Etats-Unis et du Canada ont été appelés à rédiger un rapport sur les risques de ce projet. Leur étude démontre en effet qu’il existe un "risque très élevé" que du cyanure et d’autres produits chimiques nocifs contaminent les sources d’eau de la région, et polluent par conséquence les terres agricoles environnantes. Ils estiment par ailleurs que les mesures proposées par Lydian International pour contenir cette pollution sont pour le moment "insuffisantes".

Contacté par notre rédaction, Lydian International n’a pas donné suite à nos questions.

Notre Observatrice espère que la prochaine étape sera de lancer une mission d’enquête, en partenariat avec un groupe de travail nommé par le gouvernement, afin d’obtenir la révocation du permis d’exploitation accordé à Lydian International par le précédent gouvernement.

Cet article a été écrit par Catherine Bennett (@cfbennett2)

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