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Revivre et dépasser ses traumatismes en bougeant les yeux

L’association EMDR Suisse fête ses 20 ans ce mois de septembre. L’occasion de revenir sur l’intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires, méthode qui permet de surmonter un stress post-traumatique

(Olgaosa/123RF)
(Olgaosa/123RF)

Chaque début de semaine, «Le Temps» propose un article autour de la  psychologie et du développement personnel. 

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«J’ai traversé une période très difficile, je faisais des crises d’angoisse, d’hypocondrie, j’étais en burn-out émotionnel. Je voyais un psychiatre, mais ça n’allait pas mieux.» Paul, 37 ans, est économiste. Face à sa situation, son médecin généraliste lui suggère de recourir à l’Eye Movement Desensitization and Reprocessing– en français, «désensibilisation et retraitement des informations avec l’aide de mouvements oculaires» – ou EMDR.

La méthode permet, notamment par des mouvements des yeux, de surmonter des traumatismes. «L’EMDR est reconnu par l’OMS comme un des deux traitements efficaces lors d’un stress post-traumatique, d’un stress aigu ou d’un deuil», explique Olivier Piedfort-Marin, vice-président de l’association EMDR Suisse et psychologue psychothérapeute FSP. L’EMDR peut aussi aider à surmonter la dépression et les phobies.

«Au fur et à mesure, le traumatisme devient un souvenir»

«On a par exemple des cas de graves accidents de la circulation», explique Sabine Azarmsa, psychologue spécialiste en psychothérapie FSP. Elle est aussi thérapeute EMDR depuis dix ans et il lui manquait un outil pour aider ses patients ayant subi des traumatismes. Pour pratiquer l’EMDR, elle dispose dans son cabinet deux chaises face à face en quinconce. «On part d’une image concrète, celle de l’accident par exemple, en demandant au patient de décrire ses émotions, ses sensations. On suit un processus très strict.»

Puis, selon la sensibilité des patients, commencent les stimulations bilatérales propres à l’EMDR: des vibrations dans une main puis l’autre à l’aide d’un appareil, des petites tapes en alternance sur les genoux, des mouvements des yeux en suivant le balancier de la main du psychologue ou un point qui traverse un écran.

Les résultats? «Au fur et à mesure, le traumatisme devient un souvenir, explique Sabine Azarmsa. Le patient sait que ce qu’il a vécu était horrible, mais il sent qu’il est en sécurité. Il n’a plus de flash-back, il est capable d’en parler.»

Il s’agit parfois d’un seul événement ou d’une situation plus complexe qui nécessite un long traitement. Le thérapeute de Paul va mettre le doigt sur des passages traumatisants de son enfance. «Pendant les premières séances, on a simplement parlé de mon histoire et mis le doigt sur des moments où, petit, j’étais très malade.»

Le psychologue de Paul passe ensuite à l’EMDR: «Je devais me projeter dans ce que j’avais pu ressentir enfant. Les émotions ont ressurgi: mon sentiment d’insécurité par rapport à la gravité de ma maladie, être spectateur de l’angoisse de mes parents.» Pendant une année, Paul fait donc de l’EMDR. Aujourd’hui, il va beaucoup mieux et ne fait plus de crises.

Des zones du cerveau liées à la mémoire inconsciente

Des études sont en cours pour expliquer comment l’EMDR agit sur le cerveau. «Les effets rapides sur des patients, qui par ailleurs consultaient depuis des années, sont frappants, explique Olivier Piedfort-Marin. L’EMDR travaille sur des zones du cerveau liées à la mémoire inconsciente que la parole ne permet pas d’atteindre. Mais le patient reste tout à fait conscient.»

L’EMDR a été inventé en 1989 par la psychologue Francine Shapiro, membre du Mental Research Institute de Palo Alto. Depuis, la pratique a notamment prouvé son efficacité sur les vétérans du Vietnam et s’est développée à travers le monde. En Suisse, on compte plus de 370 praticiens et l’association EMDR Suisse fête ses 20 ans ce mois de septembre.

Mais n’y a-t-il pas de risque à se replonger dans un traumatisme? «Cette pratique s’inscrit toujours dans une psychothérapie, on ne fait pas «juste» de l’EMDR», répond Olivier Piedfort-Marin. Sabine Azarmsa complète: «Il y a une contre-indication pour des personnes encore trop instables. Activer une mémoire traumatique peut être difficile à dépasser pour eux. Il faut passer par une phase de stabilisation, qui peut être très longue. C’est un outil très puissant, mais il faut être prudent, ce n’est pas magique.»