Nouveau départ pour Antonio Da Silva : l'enfant soldat devenu basketteur

LE PARISIEN WEEK-END. Enfant soldat en Angola, il est devenu basketteur.

 Enfant soldat en Angola, il est devenu basketteur
 Enfant soldat en Angola, il est devenu basketteur Jérémy Lempin pour Le Parisien Week-End

    « Le basket m'a entraîné dans la guerre avant de me sauver la vie. » Assis au bord d'un terrain de jeu à Brétigny-sur-Orge (Essonne), l'Angolais Antonio Da Silva, 45 ans, a des mots percutants. A l'image de son parcours tortueux, douloureux.

    Il a 16 ans quand, un matin de 1988, l'armée l'arrache au lycée sport études de Luanda, la capitale de l'Angola, où il pratique le basket. « Ils m'ont choisi parce que j'étais sportif et costaud », souligne ce géant de 1,98 mètre et 100 kilos, qui a treize frères et soeurs.

    Le pays d'Afrique australe est déchiré par une guerre civile, Antonio est enrôlé de force comme enfant soldat, selon le statut de l'Unicef, pour combattre les rebelles de l'Unita. « On ne faisait que tuer, tuer, tuer », raconte-t-il en mimant le geste de tirer avec une arme.

    Il joue pour le Portugal puis la France

    Après trois années d'horreur qu'il n'évoque qu'à demi-mot, Antonio parvient à s'enfuir, caché dans un train, et à rejoindre le Portugal. Réfugié dans un club sportif local, il retrouve la joie du jeu, le dribble, les passes décisives... Et accède à la deuxième ligue nationale.

    Il doit alors changer d'identité. « Les dirigeants de l'équipe voulaient que je porte un nom qui fasse davantage local. » Antonio devient Carlos Da Luz. « Luz, comme la lumière », se plaît-il à souligner avec son accent angolais qui, dit-il en riant, « agace (s)es enfants ».

    Reconnu « blessé psychique » de guerre, en raison des séquelles traumatiques causées par les combats, Antonio intègre, en 1993, la sélection nationale de sport adapté, réservée aux déficients mentaux et intellectuels.

    Repéré par un agent belge, il s'engage avec les valides au sein du club de Charleroi et poursuit sa reconstruction. Jusqu'à ce qu'il rencontre Karine, une Française, basketteuse et éducatrice spécialisée, lors d'un championnat.

    Au revoir la Belgique, bonjour la France. Antonio reprend son nom de naissance, trouve un boulot de magasinier dans un supermarché d'Epinay-sur-Orge (Essonne), et s'installe dans le Val-de-Marne avec Karine et leurs enfants.

    Toujours partant pour une virée sur les parquets, il endosse, en juillet dernier, le maillot bleu lors des Jeux européens du sport adapté. La France s'incline d'un point en finale face au Portugal.

    Alors qu'il devrait bientôt acquérir la nationalité française, ce fan de Michael Jordan a fait son deuil du basket pro. « J'aurais tant aimé en faire mon métier. Mais la guerre m'en a empêché », confie-t-il.

    Son regard est résolument tourné vers l'avenir. Ses quatre enfants sont d'« excellents basketteurs », glisse-t-il avec fierté. Notamment son fils aîné, âgé de 19 ans, qui le dépasse de 20 centimètres !