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Philippe Candeloro : « Le politiquement correct, ça fait chier »

Du 24 au 30 mars, le Japon accueille les championnats du monde de patinage artistique. Véritable star là-bas, Philippe Candeloro interviendra de la France.

Propos recueillis par 

Publié le 24 mars 2014 à 10h47, modifié le 24 mars 2014 à 14h21

Temps de Lecture 7 min.

Philippe Candeloro dans « Ice Show ».

Du 24 au 30 mars, le Japon accueille le Mondial de patinage artistique, première compétition internationale après les Jeux olympiques de Sotchi, qui a couronné le jeune prodige japonais Yuzuru Hanyu. Le concours sera diffusé sur France Télévisions et commenté depuis le pays du Soleil-Levant par Annick Dumont et Nelson Monfort. Véritable star là-bas, Philippe Candeloro interviendra de France.

Vous ne serez pas à Saitama, dans la banlieue de Tokyo, qui accueille les championnats du monde du 24 au 30 mars, en qualité de consultant pour France Télévisions.

Mes deux compères Annick Dumont et Nelson Monfort sont sur place, et je les assisterai en duplex depuis Paris, car je suis parallèlement engagé sur la tournée Holiday on Ice et j'ai une date à honorer à Marseille durant cette semaine. [La direction des sports de France Télévisions a confirmé au Monde que M. Candeloro commentera de Paris à cause d'une contrainte de son propre emploi du temps.]

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Ne s'agit-il pas d'une sanction de France Télévisions, qui vient de recevoir un blâme du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pour des propos tenus à l'antenne jugés déplacés lors des Jeux olympiques de Sotchi ?

Non. Le CSA a dû recevoir 150 lettres liées à la prestation d'ensemble des commentateurs de France Télévisions, or les épreuves de patinage artistique ont réuni 5 millions de téléspectateurs à chaque fois pendant les JO de Sotchi, et des sports à moindre audience dont les diffusions suivaient les nôtres en ont bénéficié. Mon franc-parler est ma marque de fabrique. Celui qui n'apprécie pas est libre de changer de chaîne, plutôt que d'essayer de me priver de ma liberté d'expression.

Le politiquement correct, ça fait chier. Je ne peux rien pour les gens coincés de la fesse. J'ai l'impression d'être leur bouc émissaire. Ils déforment tout. A Sotchi, j'ai dit de la patineuse italienne Valentina Marchei qu'elle avait autant de charme que Monica Bellucci avec un peu moins de poitrine. Je la connais personnellement et je lui ai déjà dit cela de vive voix. Si elle se plaignait que je l'ai répété à l'antenne, je lui présenterais mes excuses. Si on peut plus faire un compliment à une jolie femme, l'humanité régresse sérieusement…

Vous avez vécu les critiques comme un acharnement ?

Je ne suis pas journaliste et je ne sais pas si le CSA a le pouvoir de m'infliger un blâme. C'est dans doute pour cela qu'il a visé France Télévisions. Mais il est également possible qu'on veuille casser le trio que je forme avec Nelson et Annick depuis 2006 et qui fonctionne efficacement. Commercialement, nous représentons une valeur sûre, même si mes propos peuvent parfois paraître déstabilisants.

Lire : Sexistes, chauvins, approximatifs… les JO ratés des commentateurs français

Philippe Candeloro en communion avec des supportrices nippones, lors du trophée NHK en 1991.

Vous avez entretenu durant toute votre carrière de patineur artistique une relation fusionnelle avec le Japon et son public. Comment l'expliquez-vous ?

Je le dois sûrement à mes allers-retours au Japon de 1991 à 1994. Je suis allé à Tokyo pour la première fois en décembre 1991 pour le trophée NHK, l'année où j'ai été médaillé aux championnats d'Europe à Helsinki. J'étais ravi de voyager aussi loin, et nos aînés nous parlaient toujours du dîner-bingo organisé après la compétition, là-bas. Les prix étaient de supers produits high-tech, pas forcément abordables pour nous en France. C'était comme un gros Loto chaleureux et convivial, pas un banquet coincé comme ceux auxquels on assistait parfois…

Comment se passait cette compétition ?

Le programme libre hommes avait un tel succès que nous concourions le dimanche matin. Si on terminait sur le podium, on n'avait ensuite qu'une heure et demie de battement avant de nous produire à nouveau pour le gala de l'après-midi. Puis, à 17 heures, c'était le bingo. Comme j'ai gagné trois fois le NHK en cinq participations, je devais respecter la tradition qui veut que le vainqueur arrive au banquet une heure à l'avance et prononce un discours. Mais je refusais de reprendre l'avion le lundi sans m'être baladé et avoir acheté des souvenirs, et je m'échappais systématiquement. La première fois, j'ai vraiment fait flipper les organisateurs en arrivant juste à temps pour le speech, puis ils s'y sont fait. C'est devenu un rituel.

Mais qu'est-ce qui plaisait particulièrement chez vous en ce bout du monde ?

Mon style et mon patinage viril, car j'incarnais de vrais personnages comme le Parrain, Napoléon, Conan le Barbare, et puis d'Artagnan aux Jeux olympiques de Nagano (Japon), en 1998. Les Japonais m'appréciaient en tant que showman, ils aimaient mon audace, ma personnalité, puis j'ai converti cela en médailles, et ils raffolent des champions. Quand je suis arrivé aux championnats du monde de Chiba, en 1994, j'avais participé à plusieurs spectacles au Japon et je venais de décrocher le bronze aux JO de Lillehammer (Norvège). C'était pour les Japonais le signe que je jouais désormais dans la cour des grands.

Leur respect m'était acquis, et leur ferveur est montée d'un cran. Les petites japonaises, tout émoustillées, criaient « Philippe ! Philippe ! » La sécurité m'escortait dans la patinoire et jusqu'au bus, mais certaines tentaient de me suivre dans ma chambre d'hôtel. Je trouvais ça sympa et rigolo, mais, avec le recul, c'était alors une situation unique dans le milieu du patinage. Je m'étonnais aussi qu'on me touche toujours les cheveux, et j'ai fini par comprendre qu'on me les arrachait un à un. C'est sans doute pour ça que je suis dégarni aujourd'hui.

C'est donc aux Mondiaux de Chiba que votre succès auprès des Japonais a vraiment éclaté ?

Oui, après mon programme libre, il a fallu un bon quart d'heure pour débarrasser la patinoire des fleurs et des peluches que les fans y avaient lancées. Le Canadien Elvis Stojko — vice-champion du monde en titre et mon grand rival — patinait juste après moi. J'ai franchement espéré que ce contretemps le déstabilise et me rapporte mon premier titre mondial. Mais il n'a pas flanché. Il a réalisé son quadruple boucle piqué, et moi, avec mon programme du Parrain pourtant divinement patiné, j'ai raté l'or mondial, qui manquera toujours à mon palmarès. C'est à cette époque, que j'ai commencé à recevoir tellement de courrier que ma sœur s'est occupée de monter un fan-club. Une grosse partie des lettres venaient du Japon et certaines contenaient de véritables déclarations d'amour.

« Mon style et mon patinage viril plaisaient, car j'incarnais de vrais personnages, comme le Parrain, Napoléon, Conan le Barbare, et puis d’Artagnan aux Jeux olympiques de Nagano (Japon) en 1998. »

Puis vous avez à nouveau remporté le bronze olympique aux JO de Nagano, en février 1998…

Ce n'était pas gagné… Je tenais participer au trophée NHK en décembre 1997 car c'était deux mois avant Nagano. J'avais du retard dans ma préparation et je voulais faire connaître mon tout nouveau programme : d'Artagnan. Didier Gailhaguet [actuel président de la Fédération française des sports de glace et à l'époque directeur des équipes de France de patinage] a refusé, mais le président de la Fédération japonaise de patinage de l'époque — qui m'appréciait — m'a invité pour le gala. J'ai fait l'aller-retour en soixante-douze heures. J'ai passé plus de temps dans l'avion que sur la glace, mais j'ai réussi mon travail de communication. Accessoirement, ça permettait aux Japonais de préparer à temps pour les JO toutes les poupées à l'effigie de mon personnage, et les mangas qu'ils voulaient. Mais j'ai surtout frappé les esprits et inquiété les Russes, qui, surpris par mon programme, en ont parlé et ont fait sa promotion. Et j'ai gagné ma deuxième médaille olympique…

Le fan japonais a-t-il un profil particulier ?

Quand un fan japonais jette son dévolu sur vous, il est capable de vous suivre toute votre carrière jusqu'au bout de la Terre, et au-delà. Ce peuple voue un véritable culte à ses idoles ; Brian Joubert a, depuis, connu une expérience assez semblable à la mienne. Certaines fans, comme Yasuko, qui a une quarantaine d'années aujourd'hui et mène une vie normale avec son compagnon, a appris le français pour pouvoir communiquer avec moi. On correspond depuis quinze ans. Elle a toujours mis de l'argent de côté pour venir voir mes spectacles jusqu'en France ; aujourd'hui c'est presque une amie. Quand je me produis quelque part, je lui donne une invitation ou un passe pour qu'elle puisse se balader à sa guise.

Yayo, une autre quadragénaire, est présidente de mon fan-club au Japon et responsable du blog japonais qui m'est consacré. Avec elle, j'ai toujours parlé anglais. Pourtant il y a vingt ans, les Japonais n'étaient pas très avancés dans ce domaine. Dans le métro à Tokyo, aucune direction n'était indiquée en anglais, tout était écrit en « vermicelles ».

Y a-t-il eu une évolution chez les fans japonais de patinage artistique ?

Oui, ils ont changé depuis que Shizuka Arakawa est devenue championne olympique à Turin, en 2006, puis Daisuke Takahashi champion du monde et médaillé de bronze aux Jeux de Vancouver, en 2010. C'est une nouvelle génération : des jeunes qui apprécient le manga sur glace. Ils aiment le spectacle plus que les démonstrations physiques. Mais depuis quatre ans que je retourne faire des exhibitions là-bas, je ne me sens pas oublié. Il y a toujours 9 000 à 10 000 spectateurs. Beaucoup veulent revoir d'Artagnan, et certains pleurent dans les tribunes. Il y a comme une nostalgie des JO de Nagano.

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