“Les plus précaires sont aussi les moins bien soignés” : c’est le constat dressé par l’ONG Médecins du Monde qui a publié son 18e rapport annuel sur l’accès aux soins de santé en France. Les migrants sont particulièrement vulnérables et voient bien souvent leur santé se dégrader à cause de leurs conditions de vie une fois arrivés dans l’Hexagone.
Renoncer aux soins de découragement, vivre à la rue ou dans des campements insalubres, voir sa santé somatique et psychique se dégrader sans pouvoir agir : dans un rapport de plus de 140 pages rendu public le 16 octobre, l’ONG Médecins du Monde (MdM) veut alerter sur “les conséquences de l'absence d'accueil digne et inconditionnel” en France.
“Dans nos centres de soins, 98% des personnes que l’on rencontre vivent sous le seuil de pauvreté et ce sont leurs conditions de vie qui pèsent sur leur santé. Au moment où elles partent de leur pays, elles sont plutôt en bonne santé. C'est ici qu'elles tombent malades”, a souligné, lors d’une conférence de presse, Yannick Le Bihan, Directeur des Opérations France de MdM.
Un abri 🏠,
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Un repas 🍲.
Ma santé.
L’instabilité dans laquelle vivent les personnes en #précarité les plonge dans un fonctionnement de survie où la santé passe souvent après les besoins vitaux et immédiats. #ImpasseSanté #StopPauvreté pic.twitter.com/Vc8Av3Lm4B
Insalubrité et malnutrition fragilisent la santé des migrants
Parmi les 24 338 personnes accueillies dans les centres MdM en 2017, la quasi-totalité (96,6 %) étaient des ressortissants étrangers -en situation régulière ou non, principalement originaires d’Afrique subsaharienne (45,1 %), du Maghreb (23,8 %) et de l’Union européenne (13,1 %).
Leur motif de consultation portait très majoritairement sur la santé (84,6 %), les principales pathologies diagnostiquées étant d’ordre digestif, respiratoire et ostéo-articulaire ainsi que les infections aiguës hivernales et les hépatites virales. “L’absence ou les mauvaises conditions de logement (promiscuité, insalubrité, humidité) et les difficultés d’accès à une alimentation quantitativement et qualitativement suffisante rendent [les patients] d’autant plus vulnérables à ces pathologies”, indique le rapport.
“Un retard de recours aux soins est constaté dans près d’une consultation sur deux”, lit-on encore.
"On assiste à une nette dégradation des conditions de vie avec des expulsions à répétition sur l’ensemble du littoral, qui maintiennent les personnes exilées en état d’errance et qui les invisibilisent." Aurélie Denoual, coordinatrice médicale du programme littoral Nord MdM
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Violences psychologiques sur la route migratoire et en France
Également à ne pas négliger : la santé psychologique de ces patients particulièrement vulnérables et ayant été confrontés à des événements traumatiques. “Une grande partie d’entre eux viennent, ou ont traversé des pays en guerre”, rappelle le rapport. “Certains y ont été emprisonnés arbitrairement, ont subi des violences extrêmes, ont été témoins de la mort de proches ou ont été eux-mêmes menacés de mort. Les parcours migratoires apparaissent de plus en plus longs, difficiles et violents”.
Mais ces troubles apparaissent aussi une fois arrivé en France. C’est notamment le cas chez beaucoup de femmes : “Leurs conditions d’accueil et leur situation administrative souvent précaires les exposent à toutes formes de violence tels que harcèlement, attitudes de rejet, agressions physiques, vols, situation d’exploitation, mariage ou grossesse arrangés pour obtenir plus facilement un hébergement ou un titre de séjour, prostitution de survie etc.”, explique MdM reprenant une étude de France Terre d’Asile sortie plus tôt cette année.
Au total, en 2017, un trouble d’ordre psychologique comme l’anxiété ou la dépression a été repéré pour près de 9 % des patients de MdM. Un chiffre très probablement sous-estimé, selon l’ONG qui ajoute que “les migrants sont confrontés à des barrières culturelles et linguistiques pouvant compliquer les échanges. De plus, leur niveau de résilience est particulièrement élevé, ne laissant pas deviner la souffrance sous-jacente et rendant le diagnostic de tels troubles difficile.”
"Il y a de + en + de femmes au CASO de St Denis. Des femmes souvent isolées, souvent d’Afrique subsaharienne, souvent victimes de violences : viol, violence familiale, excision, mariage forcé et évidement violences et souffrances liées au trajet migratoire." Dr Christian Bensimon pic.twitter.com/VkTFnDyZ89
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Face à ces constats qui concernent également les mineurs (14% des patients reçus par MdM en 2017), l'association milite pour la création de lieux d'accueil “réellement inconditionnels et hospitaliers” pour les migrants sur tout le territoire. Elle demande également “le développement d’un système plus accompagnant” avec un recours facilité aux interprètes et aux médiateurs en santé pour améliorer l’accès aux services de santé.
Dans le cadre de son plan de lutte contre la pauvreté présenté mi-septembre, le président Emmanuel Macron a annoncé une enveloppe de huit milliards dédié à l’enfance, la jeunesse, le retour à l'emploi, mais aussi l'extension de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) afin de simplifier l'accès aux droits des personnes les plus vulnérables. Le plan doit entrer en vigueur au 1er janvier.