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CENTENAIRE 14-18

Armistice de 1918 : comment les Alliés ont-ils renversé la situation militaire ?

Le 11 novembre 1918, après plus de quatre ans de conflit, l'armistice est signé. Qu'est-ce qui a entraîné la victoire des Alliés et la défaite de l'Allemagne ? L'historien Michaël Bourlet nous explique la fin des hostilités.

Une pièce de la 9e batterie du 8e régiment d'artillerie tirant ses derniers coups, à six heures du matin, le jour de l'armistice, le 11 novembre 1918.
Une pièce de la 9e batterie du 8e régiment d'artillerie tirant ses derniers coups, à six heures du matin, le jour de l'armistice, le 11 novembre 1918. Collection La Contemporaine
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Le 11 novembre au petit matin, dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne, l’armistice est signé en faveur des Alliés. Pourtant, au printemps 1918, après la conclusion du traité de Brest-Litovsk et le retrait de la Russie révolutionnaire, l’Allemagne, débarrassée du front de l’Est, semblait en position de force sur le plan militaire. Comment en est-elle arrivée à cette défaite en seulement quelques mois ?

L’historien Michaël Bourlet, spécialiste de la Grande Guerre et auteur de nombreux ouvrages sur ce sujet, détaille pour France 24 les différentes raisons qui ont mené à cet armistice.

France 24 : À partir de quel moment l’Allemagne se retrouve en difficulté sur le plan militaire au cours de l’année 1918 ?

Michaël Bourlet : Je dirais au lendemain de l’offensive allemande de mars 1918. Célébré dans toute l’Allemagne, ce succès tactique ne permet pas d’obtenir la décision et inflige aussi de lourdes pertes à l'armée allemande, surtout dans les divisions d’élite. Dès lors, et jusqu’en juillet, les Allemands lancent de puissantes offensives qui se transforment en batailles d’usure tandis que les Alliés, de mieux en mieux organisés, encaissent les coups allemands. Incontestablement, la contre-offensive du 18 juillet, où l’armée française est à la manœuvre avec ses alliés, constitue le tournant militaire de l’année 1918. Victorieuse mais non décisive, cette deuxième bataille de la Marne permet aux Alliés de prendre et de conserver l’initiative jusqu’à l’armistice. Toutefois, si l’Allemagne ne peut plus remporter militairement la victoire, elle n’a pas perdu la guerre et les Alliés sont donc contraints de livrer, de la mer du Nord à Verdun, des combats difficiles et extrêmement meurtriers jusqu'à l'armistice.

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En revanche, la chronologie n’est pas la même du côté allemand. Au milieu de l’année 1918, Ludendorff, le général en chef des armées allemandes, pense que les Alliés n’ont pas encore les moyens de lancer une nouvelle offensive. Pourtant, le 8 août, une attaque franco-anglaise visant à réduire la poche de Picardie est déclenchée dans la région de Montdidier. Après une progression d’une dizaine de kilomètres, l’offensive piétine jusqu’à la fin du mois d’août. Cette action marque le début de puissantes offensives interrompues par l’armistice du 11 novembre 1918. Pour Ludendorff, c’est le "jour de deuil de l’armée allemande" : les Alliés ont les moyens d’attaquer et son armée donne des signes de faiblesse. La victoire n’est plus envisageable. Il offre sa démission à Guillaume II, qui la lui refuse.

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France 24 : Qu’est ce qui fait basculer le rapport de forces en faveur des Alliés ?

Michaël Bourlet : Au milieu de l’année 1918, toutes les armées sont arrivées au point de rupture en ce qui concerne les effectifs. Dans l’immédiat, les Alliés n’ont plus de réserves pour attaquer, mais ils disposent désormais d’une supériorité matérielle et peuvent aussi compter à court terme sur les renforts de la classe 1919 et les contingents américains. Ainsi, au début du mois de juillet, 4 millions de soldats alliés font face à 3 376 000 Allemands. Malgré les gains territoriaux, l’armée allemande est exsangue et elle n’a plus les moyens de combler ses pertes humaines. Elle a perdu 700 000 hommes depuis le 21 mars, tandis que la grippe espagnole frappe ses rangs, qui manquent de tout.

France 24 : Peut-on également dire que les offensives menées à partir de septembre sur les fronts d’Orient et d’Italie ont eu un impact décisif vers la fin du conflit ?

Michaël Bourlet : Les fronts d’Orient et d’Italie ont été, à partir de 1915, envisagés comme une alternative au blocage du front de l’Ouest. Mais très vite, ces deux fronts deviennent secondaires, ce qui ne veut pas dire que les combats n’y sont pas rudes également. Les états-majors des pays belligérants considèrent que la décision se fera sur le front français. D’ailleurs, Ludendorff refuse tout renfort à l’armée germano-bulgare et quand il accepte de le faire, à la fin septembre 1918, il est trop tard. Le 25 septembre, le haut commandement bulgare adresse une demande d’armistice au haut commandement français.

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L’effondrement du front d’Orient a de lourdes conséquences pour l’Allemagne. La capitulation bulgare propulse l’Autriche-Hongrie en première ligne alors que l’Empire n’est plus en mesure de poursuivre la guerre. Enfin, le territoire roumain, qui fournit les approvisionnements en pétrole à l’Allemagne, est désormais à portée de main des Alliés. À la fin octobre, les Allemands n’ont plus d’alliés et la situation intérieure dans le IIe Reich est désespérée. Les grèves se multiplient pour demander la fin de la guerre. L'inflation galopante plonge la population dans la misère et les pénuries. Enfin, l'Allemagne doit faire face à une insurrection qui commence avec les marins de la base de Kiel, le 29 octobre, et qui marque le début de la révolution dans le pays.

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France 24 : Qu’est-ce qui pousse l’Allemagne à demander cet armistice ?

Michaël Bourlet : Les négociations de paix ne datent pas de l’automne 1918. En juin de la même année, des voix s'élèvent en Allemagne pour demander la négociation d’un compromis. Des discussions sont amorcées du côté allemand, notamment par le prince Ruprecht de Bavière dès le milieu de l’année 1918. Toutefois, le haut commandement allemand refuse d’abandonner les territoires conquis depuis 1914, et c’est l’option militaire qui l’emporte à l’été 1918. Ludendorff espère un succès militaire dans le but de gagner la guerre ou au moins d'entamer les négociations de paix en position de force.

Quand les Alliés attaquent en août, Ludendorff réalise que la guerre est perdue. La situation intérieure de l’Allemagne se dégrade chaque jour davantage et dans ces conditions, la perspective des négociations est maintenant acceptée par les autorités politico-militaires allemandes. Toutefois, tant que les Alliés n’attaquent pas, les Allemands préfèrent attendre derrière la ligne Hindenburg [les lignes de défenses et de fortifications dans le nord et l'est de la France, NDLR].

Mais à partir de la deuxième moitié de septembre, la situation devient catastrophique sur tous les fronts pour les Allemands. Dans un premier temps, Ludendorff estime qu’il faut demander la paix immédiatement, mais il réalise que sa demande sera rejetée par les Alliés et qu’il est préférable de demander un armistice qui suspend les combats Ce n’est que dans la nuit du 3 au 4 octobre que la demande est envoyée à l’ambassade allemande en Suisse afin de la transmettre à l’ambassade américaine, via les autorités suisses. Il est donc important de souligner ici que la demande d’armistice émane incontestablement du haut commandement allemand, ce qui est contraire à la légende du coup de poignard dans le dos entretenu après guerre pour éxonérer le commandement allemand.

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France 24 : Pourquoi des échanges de feu ont lieu jusqu’au 11 novembre ?

Michaël Bourlet : En effet, après l’envoi de cette demande, il faut encore plus d’un mois avant de conclure un armistice. Pendant les discussions diplomatiques, les opérations militaires ne sont pas mises en pause ! Les combats se poursuivent avec une forte intensité. D’ailleurs, pour les états-majors, la guerre n’est pas prête d’être terminée. Foch n’envisage toujours pas une victoire avant 1919 et du côté allemand, le haut commandement pense tenir jusqu’à l’hiver et reconstituer une partie de ses forces. Cependant, les Alliés, après avoir piétiné, progressent à nouveau à la fin du mois d’octobre 1918, livrant ainsi de durs combats qui détruisent les divisions allemandes squelettiques.

Cette année-là, à l’automne, la situation intérieure de l’Allemagne se dégrade chaque jour. Tandis que l’armée allemande se replie le long d’une ligne comprise entre Anvers et la Meuse, le haut commandement projette de faire intervenir la flotte de haute mer pour gêner les transports maritimes britanniques. Le 28 octobre, la Marine impériale reçoit l’ordre d’appareiller mais les équipages se mutinent. La rébellion évolue en révolution : les marins s’emparent des navires, forment des conseils d’ouvriers et de soldats tandis que la révolution s’étend à d’autres ports. Le 7 novembre, des comités de marins, de soldats, d’ouvriers contrôlent de nombreuses villes. Dans ces conditions, il n’est plus possible de différer la demande d’armistice tandis que Guillaume II abdique dans la nuit du 9 au 10 novembre, et que la révolution touche Berlin. Pour contrer les révolutionnaires, un socialiste, Philippe Scheidemann, proclame la République. Le socialiste Friedrich Ebert devient chancelier. Sa priorité est de contrer le bolchevisme et d’éviter la guerre civile. Pour cela, il faut mettre fin à la guerre. Par conséquent, le nouveau gouvernement signe l’armistice en espérant obtenir une atténuation des conditions afin d’éviter à l’Allemagne de plonger dans l’anarchie et le bolchevisme.

La conjonction de plusieurs de ces facteurs (situation militaire, révolution, pression alliée, etc.) pousse les Allemands à signer l’armistice le 11 novembre 1918 à 5 heures 10 du matin, pour prendre effet à 11 heures.

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