FONDATION CUSTODIA

Estampes japonaises : des impressions nouvelles

Par • le
Elise Wessels n’a jamais souhaité claquemurer son trésor entre les murs de sa maison. Il y a dix ans, elle a réalisé son rêve : fonder un musée à la mesure de sa collection d’estampes japonaises du XXe siècle, le Nihon no hanga à Amsterdam. Aujourd’hui, ses gravures s’exposent à Paris, à la fondation Custodia. « Vagues de renouveau » révèle des images rares et modernes. Après l’ukiyo-e, il y eut le shin-hanga et le sosaku-hanga ! Découverte.
Kawase Hasui, Le nouveau Grand Pont, série « Vingt vues de Tokyo »
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Kawase Hasui, Le nouveau Grand Pont, série « Vingt vues de Tokyo », 1926

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Une nuit magnifique

Jusqu’à vingt planches d’impression et vingt-cinq passages sous presse… Au début du XXe siècle, au Japon, le perfectionnement des techniques d’impression vire à l’obsession. En matière d’estampe, il est motivé par l’éditeur Shōzaburō Watanabe, qui parvient à sidérer les acheteurs américains. Les shin-hanga – « nouvelles estampes » – sont parfaites ! Sur le pont Shin-ohashi, tout de câbles tendu, alors que la pluie tombe à verse, des spots de lumière allongent les rayons glissant sur l’acier… La ville moderne est impeccable. Dans les yeux de Hasui Kawase, le tremblement de terre qui a détruit Tokyo trois ans plus tôt semble n’avoir jamais eu lieu.

Garvure sur bois en couleur • 38,3 x 26,2 cm • Coll. Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam • © Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam

Takahashi Hiroaki, Pêcheuse d’ormeaux
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Takahashi Hiroaki, Pêcheuse d’ormeaux, août 1931

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Icône érotique

Cette belle plongeuse est aussi une « belle femme » – bijin-ga – telle que le shin-hanga la décline : un genre qui tient encore des estampes ukiyo-e traditionnelles. Pagne défait, cheveux ruisselant sur la gorge nue, la figure est simplifiée par des lignes fluides. Elle est distante et lascive. Mais sur un fond si riche de mica gris, sous un pagne bleu au tissu si rugueux, sa peau apparaît plus sensible et plus nue. Takahashi Hiroaki densifie un thème cher à l’imagerie érotique.

Gravure sur bois en couleurs • 51,8 x 35,7 cm • Coll. Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam • © Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam

Onchi Kōshirō, Le Plongeon
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Onchi Kōshirō, Le Plongeon, 1932

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Plongeon dans l’abstraction

Un instant : c’est sous ce titre que Le Plongeon est exposé au musée des Arts décoratifs de Paris en 1934. Kōshirō Onchi l’a exécuté deux ans plus tôt pour les dixièmes Jeux olympiques d’été, qui eurent lieu à Los Angeles. On y est littéralement transporté. Sous un maillot élancé sur un ciel incertain, on tient pour seuls repères un bout de plongeoir et un avant-bras longé de lumière. Il y a un corps et un contexte, modernes. Mais la figuration joue avec le cadrage et le format choisis par l’artiste. Kōshirō Onchi est le maître du mouvement sosaku-hanga, l’« estampe créative » réalisée par la seule main de l’artiste. Amateur d’art européen fin de siècle, il sera pionnier de l’art abstrait au Japon. Le Plongeon est encore une amorce et déjà une synthèse !

Gravure sur bois en couleurs • 79,3 × 31,3 cm • Coll. Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam • © Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam

Nakagawa Isaku, Café
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Nakagawa Isaku, Café, vers 1933

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Un cocktail entre les gratte-ciels

Une libre inspiration ! C’est l’audace du sosaku-hanga, qui s’affranchit des genres de l’ukiyo-e, flirte parfois avec le dessin de presse, croque des gens et des loisirs contemporains, varie les lignes et les effets de style. Un cosmopolitan et un gin pour ce couple chic ! Posé sur des assises design, le duo à la mode se fait des œillades dans un café à l’occidentale. Pendant que le ventilateur s’active, le jaune, le vert quadrillent la scène, et le blanc se profile sur les registres supérieurs… Les hauteurs vertigineuses d’une métropole moderne.

Gravure sur bois en couleurs • 52 x 29,7 cm • Coll. Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam • © Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam

Kasamatsu Shiro, La Grande lanterne du Kannondo, Asakusa
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Kasamatsu Shiro, La Grande lanterne du Kannondo, Asakusa, 1934

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Dans le temple

Une énorme lanterne rouge surplombe le hall dédié au bodhisattva Kannon dans le Sensō-ji, l’un des temples les plus vénérés de Tokyo. L’oiseau, la vue en contre-plongée, les marches de l’escalier, tout mène à elle. Par cette impression grandiose, Shiro Kasamatsu donne à voir une image de Tokyo telle que les Occidentaux se la représentent. Mais il y intègre la réalité urbaine, comme dans la mise de cet homme qui descend les marches. Entre le shin-hanga et le sosaku-hanga, la frontière est parfois très mince !

Gravure sur bois en couleurs • 39 × 26,2 cm • Coll. Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam • © Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam

Itō Shinsui, Miroir à mains
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Itō Shinsui, Miroir à mains, 1954

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Faussement négligé

Shinsui Itō est l’un des artistes qui poussent l’estampe japonaise à sa plus grande virtuosité technique. Il prépare et reprend sans relâche le sashiage, un tirage d’essai sur lequel il peint l’image en couleur et en détail. Chaque étape est méticuleusement vérifiée avec l’éditeur Watanabe, qui recherche le meilleur bois de cerisier et les pigments les plus vifs, naturels et tenaces. C’est l’âge d’or de l’estampe shin-hanga, qui déploie sa superbe ici, en des contrastes et des circonvolutions calculés !

Gravure sur bois en couleurs • 50 x 35,5 cm • Coll. Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam • © Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam

Sekino Jun’ichirō, Aquarium
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Sekino Jun’ichirō, Aquarium, 1948

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Cliché de famille

Image étrange. Les enfants de l’artiste posent, placides, devant une danse aquatique dominée par une large pieuvre. Le maître de Jun’ichirō Sekino est Kōshirō Onchi, un exemple d’audace artistique ! Comme nombre d’artistes du sosaku-hanga, il connaît le succès commercial après la guerre, avec l’arrivée des forces d’occupation. Voyageant en Europe, aux États-Unis, il affirme son style et rompt avec celui de son mentor. Cette estampe, qui mesure presque un mètre de hauteur, affiche son art de l’observation recomposée, comme une photographie densifiée.

Gravure sur bois en couleurs • 90 x 59 cm • Coll. Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam • © Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam

Natori Shunsen, Ichikawa Sadanji II dans le rôle du moine Narukami
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Natori Shunsen, Ichikawa Sadanji II dans le rôle du moine Narukami, 1926

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En scène ?

Le moine Narukami vient d’être trahi par la princesse Kumo no Taema. Dans cette pièce de kabuki, Kumo no Taema libère le dieu dragon de la pluie que le moine avait enfermé dans une cascade, par rancœur envers l’empereur. La fureur de Narukami est encore sourde, maîtrisée. Spécialiste du portrait d’acteur de kabuki, Natori Shunsen réalise une série de gros plans inouïs, d’une expressivité directe, dont cette estampe fait partie. La personnalité de l’acteur perce formidablement dans cette image.

Gravure sur bois en couleurs • Coll. Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam • © Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam

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Vagues de renouveau

Du 6 octobre 2018 au 6 janvier 2019

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