Santé Amputation : décoder les mouvements du membre fantôme

Des chercheurs du CNRS, d'Aix-Marseille Université, et de Sorbonne Université, en collaboration avec des médecins, ont mis au point un prototype capable de détecter les mouvements volontaires au niveau d’un membre fantôme après amputation. Cette détection permet aussi d'actionner une prothèse de bras sans intervention chirurgicale et sans apprentissage aux patients.
G. Daune - 29 nov. 2018 à 12:15 | mis à jour le 30 nov. 2018 à 06:05 - Temps de lecture :
Un des participants en situation d’expérience en train de fléchir le coude pour attraper le cylindre présenté devant lui. Photo N. Jarassé 2018
Un des participants en situation d’expérience en train de fléchir le coude pour attraper le cylindre présenté devant lui. Photo N. Jarassé 2018

La plupart des personnes amputées perçoivent des sensations au niveau de leur membre disparu, d'où la dénomination de « membre fantôme ». Dans une étude précédente, les chercheurs d'Aix-Marseille Université et de Sorbonne Université avaient montré que plus de 75% des personnes amputées sont capables d'effectuer des mouvements volontaires avec leur membre fantôme. Or, l'exécution de ces mouvements "fantômes", comme par exemple la fermeture des doigts ou de la main, la rotation ou flexion du poignet, sont toujours associés à des contractions musculaires spécifiques au niveau du moignon. Chez les personnes amputées de bras au-dessus du coude, ces contractions impliquent des groupes musculaires qui n'ont aucun lien avec les articulations mobilisées avant l'amputation, comme si une réinnervation musculaire avait eu lieu de façon spontanée, sans chirurgie.

L'équipe de chercheurs avec des médecins (Institut des systèmes intelligents et robotiques du CNRS/Sorbonne Université, Institut des sciences du mouvements – Etienne-Jules Marey du CNRS/Aix-Marseille Université et Institut régional de médecine physique et de réadaptation de l’UGECAM Nord-Est) a développé des algorithmes capables de reconnaître les activités musculaires générées par la mobilisation du membre fantôme et de reproduire le mouvement détecté avec la prothèse : un contrôle intuitif, sans apprentissage ni chirurgie.

Deux participants amputés de bras ont utilisé ce type de contrôle pour actionner une prothèse non portée mais placée près de leur moignon de bras. Les résultats très encourageants montrent que les participants ont été capables de maîtriser la prothèse et de mener à bien l'exercice après seulement quelques minutes de familiarisation avec le système, malgré des temps d'action allongés. Cette recherche est très prometteuse, les personnes amputées du bras ayant souvent beaucoup de difficultés à contrôler efficacement leur prothèse, au point qu'un grand nombre d'entre elles finissent par l'abandonner.

La vidéo d'un participant à l'étude
 
Les chercheurs poursuivent leurs travaux en envisageant de passer à des tests de prothèses portées, tout en contribuant également à augmenter les connaissances sur le phénomène du membre fantôme dont les mécanismes ne sont pas encore parfaitement compris. A travers cette étude, les scientifiques montrent aussi la nécessité de reconsidérer le phénomène du membre fantôme, généralement tabou, souvent attribué au deuil du membre perdu et majoritairement considéré sous l'angle de la douleur.

Les résultats de ces travaux ont été publiés le 29 novembre 2018 dans la revue Frontiers in Bioengineering and Biotechnology.