Manifestation de gilets jaunes, le 1er décembre 2018 à Paris

Manifestation des gilets jaunes, le 1er décembre 2018, à Paris.

afp.com/Abdulmonam EASSA

Les images de voitures brûlées, d'agences bancaires pillées et de barricades dressées dans la capitale s'estompent à peine que, déjà, l'angoisse et la tension grimpent : que se passera-t-il le week-end prochain ? La capitale vivra-t-elle une nouvelle journée de saccage, noyée sous les gaz lacrymogènes ? Gendarmes et policiers devront-ils subir encore les assauts de casseurs déchaînés ? "Si on ne reprend pas la main, un flic ou un gilet jaune va y laisser la vie, et personne ne pourra dire qu'on ne l'a pas vu arriver", prédit un spécialiste du maintien de l'ordre.

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Le bilan du week-end écoulé est déjà lourd : à Marseille, une octogénaire, touchée par une grenade lacrymogène en fermant les volets de son appartement, est décédée ; 133 personnes ont été blessées au total, dont 23 parmi les hommes et femmes en uniforme. "C'est un miracle qu'il n'y ait pas eu de morts dans les rangs des manifestants et des casseurs, ou dans ceux des forces de l'ordre", confie un haut gradé de la gendarmerie. Mais le pire est peut-être à venir...

EN IMAGES>> Gilets jaunes et chaos à Paris

Le groupe Facebook "Les gilets jaunes", suivi par 42 000 personnes, a d'ores et déjà lancé un nouvel appel à la mobilisation, baptisé "Acte 4, on maintient le cap !" Rendez-vous est fixé à 14 heures, samedi 8 décembre, à Paris. D'ici là, la préfecture de police aura sûrement passé au crible les faiblesses du dispositif mis en place samedi dernier. A commencer par la sanctuarisation des Champs-Elysées, façon fan zone, avec accès réservé aux manifestants pacifiques. Ce qui a provoqué la dispersion des casseurs dans les quartiers adjacents. "Le dispositif n'était peut-être pas aussi mobile qu'il aurait dû l'être", euphémise un expert. Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et son secrétaire d'Etat Laurent Nuñez devaient s'en expliquer devant les parlementaires en début de semaine.

23 compagnies républicaines de sécurité, 23 escadrons de gendarmes mobiles et quelque 7 000 policiers de la direction de l'ordre public et de la circulation de la préfecture étaient mobilisés. Soit 5 000 policiers et gendarmes - 2 000 de plus que le week-end précédent. Les hommes de la BRI (brigade de recherche et d'intervention) ont même prêté main-forte à leurs collègues.

"C'était

Malgré ces effectifs renforcés, la manifestation a vite dégénéré, laissant place à la guérilla urbaine. Les policiers présents sur place racontent des scènes de cauchemar "dignes de L'Enfer de Dante", selon la formule d'un commandant de CRS. Un autre fonctionnaire, membre celui-là d'une compagnie d'intervention, a cru sa dernière heure arrivée. "Nous nous sommes fait prendre en embuscade entre deux groupes de casseurs, plusieurs centaines de chaque côté, à côté de l'Arc de triomphe, explique-t-il. Ils nous ont chargés à coups de barres de fer et de haches. On s'est aussi pris des pavés, des mortiers, des boulons et des bombes artisanales. On a eu du mal à se replier vers nos camions, dont les vitres latérales ont été brisées à la barre à mine. Dans le véhicule voisin du nôtre, les agresseurs ont volé tous les effets personnels, le matériel, et même une arme longue HK G36."

Selon les informations de L'Express, les unités de CRS au contact direct des casseurs auraient reçu la consigne de procéder à des tirs tendus de lanceurs lacrymogènes à hauteur d'homme. "C'est la première fois que je reçois un tel ordre, souligne un CRS présent sur le terrain samedi. C'est normalement proscrit, car cela va à l'encontre des règles de sécurité. On procède plutôt à des tirs au ras du sol. Mais là, les unités étaient en péril..."

Battes de base-ball et boules de pétanque

Ailleurs en France, policiers et gendarmes ont également peiné à faire face. A Narbonne (Aude), où les locaux du peloton autoroutier et un péage ont été incendiés, ils ont dû battre en retraite face au flot grossissant d'assaillants. "A court de Flash-Balls, nous avons quitté les lieux, rapporte l'un d'eux. Si nous étions restés, nous n'avions plus que les tirs à balles réelles pour nous défendre..."

Au Puy-en-Velay (Haute-Loire), une aile de la préfecture et des locaux attenants ont été incendiés par des cocktails Molotov. Au Pouzin (Ardèche), une commune de 3 000 habitants, des casseurs, certains équipés de battes de base-ball, ont affronté les forces de l'ordre du crépuscule jusqu'à près de 2 heures du matin. A Bordeaux (Gironde), entre 150 et 200 individus vêtus de noir et casqués ont tenté de prendre d'assaut la mairie. "Les collègues ont reçu des salves de boules de pétanque, de balles remplies d'aérosol enflammé, et même des panneaux arrachés", indique une source policière.

Policiers et gendarmes, épuisés, attendent le week-end prochain avec appréhension. "Notre discernement décline, constate un CRS. Si un collègue se retrouve acculé samedi, le risque est grand qu'il tire avec son arme létale. Cela va arriver, j'en ai la certitude..." Près de la place de l'Etoile, à Paris, des gilets jaunes ont annoncé la couleur à un commissaire de police : "Samedi prochain, on revient avec des armes."

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