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Greta Thunberg et les jeunes marchent pour le climat à Paris : « Quand je serai grand, je voudrais être vivant »

Lycéens et étudiants français ont mené, vendredi, leur deuxième journée de manifestation, en présence de la Suédoise de 16 ans, figure de la lutte contre le changement climatique.

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Publié le 22 février 2019 à 08h47, modifié le 22 février 2019 à 22h20

Temps de Lecture 8 min.

La lycéenne suédoise Greta Thunberg à la marche pour le climat du 22 février à Paris.

De toutes parts, journalistes, étudiants et badauds se bousculent pour l’apercevoir ; elle reste impassible, le visage serré, encadré par ses longues nattes.

La foule qui défile dans les rues de Paris, vendredi 22 février, pour la deuxième semaine de mobilisation, accueille une nouvelle icône de la lutte contre le changement climatique : Greta Thunberg, la Suédoise de 16 ans qui a lancé le mouvement international de grèves scolaires pour le climat. Accompagnée par les figures de proue des marches belges, allemandes, suisses et luxembourgeoises, elle a manifesté avec un millier de jeunes depuis la place de l’Opéra jusqu’à celle de la République pour demander des actions aux gouvernements.

Sous un grand soleil – « 15 degrés, c’est trop pour février ! » –, des étudiants, mais surtout des lycéens, dont une majorité de femmes, entonnent leurs traditionnels refrains : « Et un, et deux, et trois degrés, c’est un crime contre l’humanité » et « On est chauds, plus chauds que le climat ». Munis de nombreuses pancartes – sur lesquelles on peut lire « Quand je serai grand, je voudrais être vivant » ou « Papa, maman, si la planète sèche, alors moi aussi » –, ils ont été rejoints par des personnalités comme le réalisateur et écrivain Cyril Dion, l’actrice Juliette Binoche ou la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo.

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« Quand j’ai commencé à faire grève, je n’aurais jamais imaginé un tel mouvement », affirme Greta Thunberg, lors d’une conférence de presse en amont de la marche, sous une nuée de caméras et d’appareils photos. Le mouvement Fridays for Future, qu’elle a lancé à l’été 2018 en manifestant seule devant le Parlement suédois, rassemble désormais plusieurs dizaines de milliers de jeunes dans cinquante pays chaque semaine.

« Nos aînés ont ignoré la crise climatique pendant des décennies. Nous voulons pousser les gens à agir », assure de son côté l’Allemande Luisa Neubauer, 20 ans.

« J’en veux aux personnes responsables d’erreurs qui ont aggravé le changement climatique mais qui persistent dans leurs choix égoïstes », dénonce Yda Kurz, en seconde au lycée Colbert dans le 10e arrondissement. Elle ne mange plus de viande, se déplace à vélo, prend des douches plutôt que des bains, limite ses déchets et sensibilise son entourage.

« Première génération à faire face au changement climatique »

Mais que l’on ne s’y trompe pas : si ces jeunes entreprennent de changer leurs modes de vie, la responsabilité dans le dérèglement climatique, à leurs yeux, n’est pas celle des citoyens mais des gouvernements et des grandes entreprises.

Anuna De Wever, l’une des héroïnes des marches belges, qui ont rassemblé 7 500 jeunes jeudi, pour la septième semaine consécutive, lance :

« Nous avons déjà rencontré tous les dirigeants politiques mais à chaque fois nous sommes déçus : ils nous parlent pendant trois heures mais ne disent rien. Nous leur demandons d’écouter enfin les experts scientifiques et de mettre en place les solutions qui s’imposent. »

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Tous croient en leur force et leurs poids. « Les jeunes, nous sommes la première génération à faire face au changement climatique et la dernière capable d’agir », estime Matthias Castaing, 22 ans. L’étudiant en école d’ingénieurs à Saint-Ouen est engagé dans le mouvement scout, qui soutient la mobilisation de la jeunesse plutôt que la grève scolaire : « Nous constatons au quotidien la disparition des oiseaux et des insectes dans nos camps. »

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Raphaëlle, Délia et Aurianne, elles, font leur première marche pour le climat. « Entre les “gilets jaunes” et nous, cela fait de plus en plus de mécontents. Le gouvernement va finir par réagir », veulent croire ces élèves de seconde au lycée Buffon dans le 15e arrondissement de Paris. Marin Teulière et Mathis Billa, 15 ans, au lycée Balzac dans le 17e arrondissement, comptent descendre de nouveau dans la rue, « pas forcément tous les vendredis mais le plus possible » afin de « tout concilier », avec les cours.

« Nos formations ne répondent pas aux enjeux actuels »

S’il était déjà conscient des enjeux environnementaux, Marin a compris l’« ampleur du problème » en visionnant le discours de Greta Thunberg devant les dirigeants du monde entier, lors de la conférence internationale pour le climat (COP24), qui s’est tenue à Katowice (Pologne) en décembre 2018.

« Cela m’a davantage touché que lorsque les adultes font passer le même message car elle a notre âge », explique-t-il. « On sait que notre avenir sera difficile, entre la fonte des glaces, l’élévation du niveau de la mer et la pollution », complète son camarade. Mais tous deux regrettent le peu de place consacré à ces thématiques dans le programme scolaire, « à moins de tomber sur un prof’ impliqué ».

Julie, 21 ans, en master de politique environnementale à Sciences Po, confirme :

« Nos formations ne répondent pas aux enjeux actuels. Pourquoi faire des études si nous n’avons pas de futur ? On nous enseigne encore un modèle productiviste et intensif qui détruit la biodiversité et les paysages. Nous demandons une refonte totale du modèle de société. »

Cette revendication radicale et anticapitaliste est portée par une partie d’étudiants franciliens qui ont choisi de mener chaque semaine une action de désobéissance civile, en parallèle des marches. Après s’être rassemblés devant le ministère de la transition écologique et solidaire le 15 février, pour demander une réduction des émissions de gaz à effet de serre, ils ont exigé cette fois une « décroissance énergétique ». Vendredi au petit matin, une trentaine d’entre eux ont bloqué l’une des entrées de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

« Nous devons revoir nos modes de production pour que notre futur ne soit pas de survivre dans une planète que nous aurons détruite »

« Nous exigeons de diviser au minimum par quatre notre consommation énergétique d’ici à 2050, une transition vers 100 % d’énergies renouvelables produites de manière décentralisée et la fin du nucléaire pour 2030 », déclament-ils à tour de rôle au mégaphone, devant l’institution financière publique, qu’ils accusent de détenir des actifs dans les énergies fossiles. « Nous devons revoir nos modes de production pour que notre futur ne soit pas de survivre dans une planète que nous aurons détruite », affirme une étudiante en sciences sociales, qui se fait appeler Camille, en « clin d’œil » aux zadistes de Notre-Dame-des-Landes.

L’action tourne rapidement court, alors que les salariés pénètrent dans le bâtiment par une autre entrée. « On fait partie des investisseurs qui ont de vastes politiques de décarbonation de l’économie et qui soutiennent la transition écologique », s’étonne l’un d’entre eux.

A la Marche pour le climat de Paris, le 22 février.

Rencontre avec Emmanuel Macron

A la fin de la journée, Emmanuel Macron a reçu Greta Thunberg, à sa demande, accompagnée de quelques jeunes Belges et Allemands. Un représentant du mouvement français avait également été convié, mais il est sorti après le refus du président de diffuser la rencontre en direct sur Facebook, dénonçant une « stratégie de communication ».

« Les jeunes ont raison, on n’en fait jamais assez. Je comprends cette impatience, je souhaite qu’on puisse vraiment déclarer cette mobilisation générale », a commenté sur BFM-TV le ministre François de Rugy à l’issue de la rencontre. « Le président de la République d’ailleurs a dit aux jeunes : “Finalement, c’est la première fois dans notre histoire que nous devons avoir cette mobilisation alors que nous sommes en temps de paix”, a ajouté le ministre de la transition écologique. Mais il ne suffit pas de voter des lois ou de voter des taxes, il faut entraîner, il faut faire adhérer. »

Reste à voir si ce mouvement de jeunesse pour le climat parviendra à s’inscrire dans la durée. « Les lycéens peuvent peser car ils ne sont pas suspectés d’être partisans, de lutter pour autre chose que leur propre intérêt, contrairement aux associations, analyse Cyril Dion, militant écologiste qui a notamment coréalisé le film Demain (2015). Mais ce mouvement ne pourra fonctionner que s’il devient récurrent. Il faut qu’avec les “gilets jaunes”, les jeunes et les autres citoyens parviennent à tenir le pavé pour obliger les politiques à se positionner. »

Tous ont désormais en ligne de mire la grève scolaire mondiale programmée le 15 mars, à l’appel de Greta Thunberg. « On vise 500 000 jeunes mobilisés dans 150 à 200 villes en France, annonce Romaric Thurel, 22 ans, coordinateur de Youth for Climate France. C’est le début d’un printemps climatique. »

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