Des experts américains ont aidé la Chine à ficher l’ADN de millions de citoyens

Sous prétexte de bilans de santé gratuits, le gouvernement chinois aurait collecté l’ADN de millions de citoyens.

Des experts américains ont aidé la Chine à ficher l’ADN de millions de citoyens

Sous prétexte de bilans de santé gratuits, le gouvernement chinois aurait collecté l’ADN de millions de membres de la minorité ouïghoure, et constitué un immense fichier génétique à des fins de surveillance. Il a pu s’appuyer sur l’expertise d’un généticien de l’université de Yale et compter sur le matériel fourni par une entreprise américaine.

Quand les autorités lui ont parlé d’un « bilan de santé gratuit », Tahir Imin était sceptique. L’homme de 38 ans a accepté une prise de sang, puis son visage a été scanné, sa voix enregistrée, et ses empreintes digitales relevées. Des résultats de cet « examen », il n’a jamais vu la couleur. « Ils m’ont dit : si vous voulez en savoir plus, demandez à la police », confie-t-il au New York Times.

Dans une enquête parue le 21 février, le quotidien américain affirme que dans le cadre de tels « bilans de santé », un fichage de l’ADN des citoyens a été réalisé à grande échelle, par le gouvernement chinois, dans la province du Xinjiang. Dans cette région située à l’extrême ouest du pays sont surveillés, réprimés et enfermés dans des « camps de rééducation politique » des millions de Ouïghours, minorité musulmane traquée par Pékin, comme nous l’expliquait l’ONG Human Rights Watch dans un article détaillant l’ampleur et les mécanismes de la surveillance technologique en Chine.

Le New York Times a révélé d’autre part que la Chine avait, pour procéder à cette collecte, reçu l’aide d’un généticien américain, Kenneth Kidd, et d’une entreprise américaine, Thermo Fischer, qui lui fournissait des équipements scientifiques permettant d’augmenter ses capacités de séquençage de l’ADN à partir des prélèvements.

Dans la foulée de la publication de l’enquête du New York Times, l’entreprise Thermo Fischer a annoncé qu’elle cessait la commercialisation de ses activités dans la région du Xinjiang, « en cohérence avec les valeurs et le code éthique » de la société.

Des faits connus depuis 2017

L’implication de l’entreprise avait pourtant été pointée dès 2017 par Human Rights Watch. La revue scientifique Nature avait confirmé que des équipements scientifiques avaient bien été commandés par le gouvernement chinois auprès de Thermo Fischer. L’entreprise géante de fichage génétique de la minorité ouïghoure, tout comme l’implication de Thermo Fischer, étaient donc connues. 

Ficher génétiquement la minorité ouïghoure permet au gouvernement chinois de renforcer son entreprise de surveillance. Aux États-Unis ou en France, l’élargissement des prélévements d’ADN et des dérives en matière de vie privée sont pointés, alors qu’en parallèle, plus de 26 millions de personnes se sont déjà prêtées volontairement à un test ADN en vente libre sans que la sécurité de leurs données ne soit garantie. 

 

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Image à la Une : Shutterstock