TÉLÉVISION - Alors que la vingtième saison de “Koh-Lanta” bat son plein et que “La guerre des chefs” fait rage sur l’archipel de Kadavu aux Îles Fidji, il était temps de s’attarder sur l’une des figures de l’ombre de l’émission à succès.
Sans ses idées, “Koh-Lanta” n’aurait sûrement rien à voir avec l’émission que l’on connaît aujourd’hui: rester plusieurs heures en équilibre précaire sur les poteaux? C’était sa trouvaille, en observant des pélicans perchés. À 67 ans, Yann Le Gac contribue tout autant que son ami présentateur au succès du programme d’aventure de TF1.
Et si son nom ne vous dit rien, vous pouvez être sûr que Yann Le Gac ne vous est pas totalement inconnu. En plus d’être l’un des cerveaux les plus prolifiques pour imaginer et concevoir des nouveaux jeux pour l’émission de TF1 (ainsi que pour Fort Boyard), il est également l’homme qui se cache sous le masque du Père Fouras!
Mais Yann a eu de nombreuses autres vies avant la télévision. D’abord jongleur, il devient rapidement danseur et intègre le Ballet du XXe siècle (fondé par Maurice Béjart) avant de faire un premier pas vers le théâtre et la télévision. Son parcours rejoindra celui de “Koh-Lanta” en 2003, date à laquelle il commence à travailler pour l’émission alors tournée dans l’archipel de Las Perlas au Panama.
Le HuffPost est donc parti à la rencontre de cet homme aux multiples vies que les candidats surnomment dans un mélange d’affection et de peur “le bourreau”, un titre qui n’a rien à envier au “roi de la torture”, son homologue de l’autre côté de l’Atlantique...
“On se brûle la cervelle”
Pour imaginer et concevoir les épreuves de confort et d’immunité auxquelles se frottent chaque année les néo-aventuriers, Yann Le Gac et son équipe sont sur le pied de guerre bien avant le début du tournage. “On se brûle la cervelle”, assure-t-il en riant. Création, conception, mise en place, tests, tout est calculé et millimétré pour offrir aux candidats et téléspectateurs la meilleure expérience possible.
Questionné sur son processus de création des jeux, Yann Le Gac trace immédiatement un parallèle avec une célèbre scène du film “Forrest Gump”: “Au début, on a une idée, on court seul, puis on est suivi par une première personne, puis une deuxième et finalement tout le monde suit le même mouvement derrière cette même idée, pourtant très simple au départ”.
“La clé c’est de donner l’illusion que les épreuves paraissent simples et évidentes pour tout le monde dès le premier coup d’œil. Au départ, c’est souvent moi qui lance l’idée et le travail de réflexion commence avec l’équipe”, ajoute-t-il. Chaque année l’équipe de Yann suit l’émission en amont et durant les tournages. Elle se compose d’une vingtaine de personnes, sans compter les locaux embauchés par la production et l’équipe de testeurs qui sont généralement au même nombre que les candidats, suivant les éditions.
Un travail de fourmi auquel on ne pense que très rarement en regardant l’émission confortablement installé dans son canapé: “C’est une tâche titanesque, vous devriez voir l’intensité dans les ateliers de création. Notre travail est un mini-spectacle dans le spectacle, avec un début, un milieu et une fin. Pour les téléspectateurs bien-sûr, mais aussi pour les candidats. Ils ne demandent qu’à quitter leur camp où l’ennui reste toujours présent”, révèle Yann.
Des candidats avec qui l’homme noue d’étroites relations durant chaque saison. Surnommé par certains anciens participants “le bourreau”, l’inventeur ne se plaint pas de ce sobriquet: “Ils me surnomment ainsi, mais c’est affectif. Ils sont eux-mêmes en demande, réagit-il avec humour, il faut savoir que je suis toujours près des candidats avant les épreuves. Je termine toujours en leur disant de ne rien lâcher, c’est ma petite contribution personnelle à leur aventure”.
Autre personne régulièrement au contact de Yann Le Gac, un certain Denis Brogniart. Au HuffPost, le présentateur accepte de livrer quelques mots sur celui avec qui il partage une relation professionnelle mais aussi amicale depuis plus de 15 ans. Et une chose est sûre, il ne tarit pas d’éloges sur l’inventeur: “Il est rare de rencontrer des personnes uniques comme Yann. C’est un mec génial, mais dans le sens noble et propre du terme. Avant chaque saison, il me présente les jeux et aujourd’hui encore je me demande comment toutes ces idées sortent de son cerveau. Pour moi, il a inventé ce rôle à la télévision française. Il y a beaucoup d’autres concepteurs de jeux aujourd’hui, mais sans lui, tout ça n’existerait pas”, assure Denis Brogniart.
“Au montage, on découvre parfois les épreuves différemment”
Lors de cette guerre des chefs, les poteaux ont inauguré l’aventure. L’équipe de Yann a donc été fortement mise à contribution avec le retour d’une troisième équipe et cette toute première épreuve, inédite dans l’histoire de l’émission. Une décision qui ne désacralise pas la mythique épreuve finale des poteaux selon Yann: “C’est quand même le rêve de chaque participant... Et puis c’est bien de bouleverser les choses, on doit constamment surprendre les téléspectateurs et les candidats. Ce genre de décision y contribue et participe aussi à la popularité de l’émission”.
Pour “La guerre des chefs”, on a toujours réfléchi les épreuves en ayant en tête la responsabilité très particulière des chefs d’équipe. La dramaturgie est essentielle dans “Koh-Lanta”, estime aussi l’inventeur, il faut qu’une épreuve offre des répercussions pour la suite, d’où la présence de jeux facilitant ce type de scénarios comme les charges supplémentaires, le tir à l’arc, etc. On doit prendre en compte chaque élément de la trame principale de l’aventure. Comme j’aime à le rappeler: c’est l’enjeu qui fait le jeu sur ‘Koh-Lanta’”.
Denis Brogniart reste d’ailleurs particulièrement marqué par l’une des épreuves conçues cette année: “Le jeu de la roue du premier épisode, c’est typiquement le genre d’épreuve qui reflète parfaitement l’ingéniosité de cet homme. Des règles à tiroirs, cette roue qui fait également office de labyrinthe, des rôles spécifiques pour chaque candidat... Le talent, l’inventivité et le génie de Yann sont résumés dans ce jeu”.
Yann Le Gac accepte d’aborder certains des moments forts qui nous attendent durant cette saison aux îles Fidji: “L’épreuve des flambeaux a été revisitée cette année et elle a extrêmement bien fonctionné, c’est une des épreuves dont nous sommes fier. Après vous verrez le rendu final. Au montage, on découvre parfois les épreuves différemment de ce qu’on a pu vivre, nous, durant les tournages, mais sur celle-ci j’en doute”.
Autre épreuve sur laquelle Yann et son équipe se sont creusé la tête: le tir à l’arc. “Ce jeu est toujours très intéressant et malgré l’idée préconçue qu’elle favorise les hommes, c’est certainement l’une des épreuves les plus égalitaires. D’ailleurs pour cette saison, elle sera en équipe et comptera également des défis”, dévoile-t-il.
Déjà en repérage pour de futures saisons, Yann confesse au passage que “l’eau devrait être plus exploitée à l’avenir”. À surveiller, donc.
Conditions météo et table d’orientation
Sur “Koh-Lanta”, la vigilance est de mise à chaque instant. Qu’elle concerne l’équité et l’égalité sur les épreuves ou simplement la météo: “Notre pire ennemi c’est le vent. On est constamment en train de guetter les conditions climatiques sur les tournages”. Des rondins installés dans l’eau et emportés par les marées, simplement “la saveur du programme” pour Yann. “C’est une aventure quotidienne ‘Koh-Lanta’, même pour nos équipes”, ajoute-t-il.
Également concepteur pour “Fort Boyard”, Yann Le Gac pointe du doigt la principale difficulté de son métier: “Le plus dur, c’est de se réinventer, surtout avec ‘Fort Boyard’ et ‘Koh-Lanta’ qui sont des programmes phare avec une exigence qui redouble saison après saison. Et j’admets ne plus être très surpris par les autres émissions. Ça me manque, hormis certaines épreuves de ‘Pékin Express’ qui sont encore très bonnes”.
On ne pouvait pas terminer sans questionner l’inventeur sur sa création préférée. Mais contre toute attente, le producteur des jeux de “Koh-Lanta” n’hésite pas une seule seconde pour donner sa réponse: “J’ai une tendresse toute particulière pour l’orientation. On a vraiment mis beaucoup de temps pour trouver la bonne formule afin de réinventer la dramaturgie de cette épreuve, notamment avec l’ajout de la table d’orientation (lors de la première version spéciale: “Le retour des héros” diffusée en 2009). C’est une épreuve extrêmement compliquée dans l’élaboration mais finalement très simple à voir et à suivre pour les téléspectateurs. C’est une épreuve qui offre toujours des rebondissements inattendus et j’adore ça!”.
Mais que les futurs candidats attirés par l’aventure se rassurent, eux aussi passeront forcément de mauvais moments dans la position du paresseux, sur un poteau ou lors d’un parcours du combattant. “Le bourreau” de “Koh-Lanta” est loin d’avoir fini de sévir dans l’émission de TF1.
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