50 M$ d’un fonds vert dans le pétrole
Les aides à cette industrie se sont multipliées sous les libéraux de Trudeau, déplorent des observateurs
OTTAWA | Le gouvernement Trudeau a versé 50 millions $ en subventions à l’industrie pétrolière, à même un fonds vert destiné au développement de technologies propres, déplore le Bloc québécois.
Le Fonds de technologies du développement durable, financé par Ottawa, a pour mission de « soutenir les entreprises canadiennes ayant le potentiel de devenir des chefs de file mondiaux dans le secteur des technologies propres », d’après son site web.
Mais selon une compilation effectuée par le Bloc québécois et vérifiée par Le Journal, ce fonds a versé 50 M$ à l’industrie pétrolière sous les libéraux de Justin Trudeau, soit depuis fin 2015. Plusieurs de ces projets appuient l’exploitation des sables bitumineux. Il s’agit du même montant versé à l’industrie pétrolière de 2011 à 2015, sous les conservateurs de Stephen Harper.
« Moi, du pétrole vert, je ne crois pas à ça, laisse tomber en entrevue le député bloquiste Xavier Barsalou-Duval. Je ne vois pas comment l’industrie pétrolière va devenir un chef de file mondial dans les technologies propres. Ça ne tient absolument pas la route. »
Hausse des GES
Le Fonds a, entre autres, offert en 2016 une subvention de 5 M$ à l’entreprise Acceleware, basée à Calgary. La firme utilise l’aide du fédéral afin de « tester et commercialiser » une technologie qui permet d’exploiter des gisements de sables bitumineux plus profonds ou difficiles à atteindre. Les techniques d’extraction novatrices d’Acceleware permettent de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport aux méthodes traditionnelles, peut-on lire sur le site internet du Fonds.
À première vue, les avancées technologiques dans l’industrie des sables bitumineux semblent avantageuses, admet Annie Bérubé, une porte-parole de l’organisme Équiterre. Mais en réalité, elles sont susceptibles d’entraîner une hausse des émissions de GES de cette industrie à plus long terme, selon elle.
« Oui, on veut réduire les GES de la production existante. Mais à partir du moment où ça permet d’augmenter la production en allant chercher plus de pétrole des sables bitumineux, il faut se poser la question à savoir si on réduit vraiment les GES », dit-elle.
Promesse rompue
Mme Bérubé se questionne aussi sur la pertinence d’investir de l’argent public dans ces projets.
« Pourquoi c’est le gouvernement qui doit fournir ce financement au lieu du secteur privé ? Ça, c’est problématique. »
Les libéraux de Trudeau avaient promis en campagne électorale de supprimer « graduellement les subventions accordées à la production de combustibles fossiles ». Sous leur règne, le fédéral a plutôt multiplié l’aide à cette industrie, d’après Mme Bérubé.
« Le fédéral a mis sur pied de nouvelles subventions qui n’existaient pas sous les conservateurs », affirme-t-elle.
► La commissaire fédérale à l’environnement doit déposer aujourd’hui un rapport sur les subventions au secteur des énergies fossiles.
Des projets utiles pour protéger l’environnement
Un entrepreneur de Québec qui a développé une technologie révolutionnaire pour rendre les pipelines plus propres assure qu’il travaille pour le bien de l’environnement.
« Il n’y a personne qui peut être contre ce qu’on fait », laisse tomber Éric Bergeron, le fondateur de FlyScan Systems, basé à Québec.
Son entreprise a reçu près de 2 millions $ du Fonds de technologies du développement durable l’an dernier. Il soutient que, sans cette aide, « [il] ne serait jamais rendu où [il est] ».
M. Bergeron assure que sa technologie vise à prévenir la pollution potentielle émanant de pipelines existants.
« Ce n’est pas pour faire plus d’hydrocarbure », dit-il.
Plusieurs déplorent qu’un fonds du fédéral dédié à des projets de développement durable subventionne à coup de millions des projets liés aux sables bitumineux. M. Bergeron dit être « le premier à vouloir une transition énergétique » vers des technologies plus propres que le pétrole.
Long virage vert
« Mais ça ne se fera pas en deux minutes. Ça va prendre plusieurs décennies ».
« Il y a plus de 300 000 kilomètres de pipelines en Amérique du Nord. Ces pipelines sont là pour encore des décennies. Il faut les entretenir », dit-il.
« Même si tout le monde roulait en voiture électrique demain matin, les hydrocarbures vont toujours être nécessaires pour le plastique, les médicaments, les produits chimiques, la peinture, tous les matériaux synthétiques », explique M. Bergeron.
Sur un avion
L’entreprise FlyScan a créé un capteur, qu’on installe sur un avion et qui est capable de détecter les petites fuites provenant de pipelines enterrés dans le sol. Des mouvements que les méthodes traditionnelles d’inspection ne permettent pas de déceler.
La technologie a suscité l’intérêt des autorités américaines, qui financent en partie le projet, selon M. Bergeron.
La porte-parole du Fonds, Rebecca Rogers, soutient que des solutions aux changements climatiques sont développées dans plusieurs secteurs d’activité, dont celui du pétrole et du gaz.
► Le Fonds de technologies du développement durable en chiffres
- Année de création : 2001
- 1 milliard $ en investissements dans 300 entreprises
- 400 M$ en financement reçu du fédéral en 2017
► De gros investissements publics dans le pétrole
- Nationalisation du pipeline Trans Mountain : 4,5 G$
- Allégements fiscaux potentiels pour les pétrolières : 2,7 G$
- Aide à l’industrie pétrolière pour faire face à la crise en Alberta :1,6 G$
Source : Technologies du développement durable Canada