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Les boissons sucrées accélèrent le développement du cancer

Pour soft drink in glass with ice splash on dark background.
Photo Adobe stock


Un article publié dans la prestigieuse revue Science montre que le sirop de maïs riche en fructose, le principal agent sucrant des boissons sucrées industrielles, favorise le développement du cancer colorectal chez des animaux génétiquement prédisposés à cette maladie.

Plusieurs études ont établi une association entre la consommation de boissons sucrées, en particulier les boissons gazeuses, et la hausse de l’incidence de l’obésité observée dans la plupart des pays du monde depuis les années 1980(1). Cette hausse du surpoids est fort inquiétante, car elle coïncide avec une plus forte incidence de plusieurs maladies chroniques (le diabète de type 2, notamment), de même qu’avec une hausse importante d’au moins 12 types de cancers.

Un autre point troublant est que ce phénomène semble particulièrement toucher les jeunes adultes (<50 ans) : par exemple, une étude américaine a récemment documenté une hausse significative de l’incidence de 6 cancers liés au surpoids (myélome multiple, colo­rectal, utérus, vésicule biliaire, rein et pancréas) chez les hommes et femmes âgés de 25 à 49 ans(2). Il s’agit vraiment d’une situation alarmante, qui risque même d’empirer au cours des prochaines années.

Sucres cancérigènes

Les résultats d’une étude préclinique récemment publiés dans Science indiquent qu’en plus de favoriser l’excès de poids, la consommation excessive de sucres ajoutés pourrait influencer directement la progression du cancer(3).

En utilisant des modèles animaux génétiquement prédisposés à développer un cancer colorectal (déficience en APC, un gène suppresseur de tumeurs), les chercheurs ont étudié l’impact du sirop de maïs à forte teneur en fructose (high fructose corn syrup ou HFCS), l’agent sucrant présent dans la plupart des boissons sucrées, sur la progression des tumeurs colorectales.

Ils ont observé que l’ajout quotidien de faibles quantités de ce sucre à l’alimentation des animaux (équivalente à la consommation d’environ une canette de boisson gazeuse, soit 20 g de sucre) pendant 2 mois provoquait une hausse marquée du nombre et de la grosseur des lésions cancéreuses se développant dans l’intestin des animaux.

Puisque cette faible quantité de sucre ne provoquait aucun gain de poids ni perturbation métabolique, ces résultats laissent supposer que l’ingestion chronique de sucre libre, même en quantités relativement faibles, est suffisante pour accélérer la progression du cancer colorectal.

Pour le sucre contenu dans les fruits, la situation est différente, car l’abondance des fibres ralentit l’absorption du fructose et diminue sa biodisponibilité. De plus, certaines des molécules phytochimiques des fruits ont des propriétés anticancéreuses, comme le montrent les études populationnelles où une réduction du cancer est observée chez les consommateurs de fruits.

Synergie glucose-fructose

Les sucres comme le HFCS ou le sucrose (sucre de table) sont constitués d’un mélange de glucose et de fructose (45 % de glucose et 55 % de fructose pour le HFCS).

Le glucose et le fructose possèdent des structures chimiques très similaires, mais sont métabolisés de façon totalement différente par le corps : le glucose est facilement absorbé par l’intestin et transporté dans le sang pour être utilisé comme source d’énergie par l’ensemble des cellules du corps, tandis que le fructose est plutôt acheminé vers le foie où il est transformé en graisse. Le métabolisme du fructose n’est cependant pas très efficace : la consommation d’aussi peu que 5 g de fructose dépasse les capacités d’absorption par l’intestin et cause une accumulation de fructose dans le côlon.

Une analyse du métabolisme du glucose et du fructose par les cellules cancéreuses indique que ce fructose excédentaire joue un rôle prédominant dans l’effet procancéreux du HFCS.

Les chercheurs ont observé que les tumeurs en progression captaient avidement le fructose présent dans le côlon et le transformaient en fructose -1-phosphate, une réaction qui est associée à une chute brutale des niveaux d’énergie (ATP) de la cellule.

Pour compenser cette baisse d’ATP, les cellules cancéreuses importent une plus grande quantité du glucose présent dans le sang et le métabolisent pour permettre la synthèse des acides gras essentiels à la multiplication des cellules cancéreuses.

Autrement dit, après une consommation même modérée de sucre, le glucose présent dans le sang et le fructose présent dans le côlon collaborent pour accélérer le métabolisme des cellules cancéreuses et ainsi soutenir la progression du cancer colorectal.

Réduction drastique 

Le fructose n’est pas une substance essentielle à la survie, et ces résultats laissent penser que le développement d’agents capables d’interférer avec son métabolisme pourrait s’avérer une approche très intéressante pour empêcher le développement du cancer.

En ce sens, il est intéressant de noter que les personnes qui sont atteintes de fructosurie essentielle (excrétion du fructose dans l’urine) ne peuvent absorber le fructose en raison d’une mutation dans l’enzyme clé dans la transformation du fructose (la cétohexokinase) et sont beaucoup moins à risque d’obésité, de diabète de type 2 et de maladies hépatiques. Des médicaments ciblant cette cétohexokinase sont en cours de développement et pourraient donc contribuer à réduire l’impact des sucres sur le développement du cancer.

En attendant, il va de soi que la meilleure façon de se prémunir des effets néfastes associés aux sucres ajoutés est d’éliminer, sinon réduire drastiquement, la consommation de boissons sucrées. D’autant plus qu’une étude récente indique que la consommation quotidienne d’une seule canette de ces boissons sucrées augmente de 14 % le risque de mortalité prématurée(4).


(1) Malik VS et coll. Intake of sugar-sweetened beverages and weight gain: a systematic review. Am. J. Clin. Nutr. 2006 ; 84 : 274-88.

(2) Sung H et coll. Emerging cancer trends among young adults in the USA: analysis of a population-based cancer registry. Lancet Public Health 2019; 4 : e137-e147.

(3) Goncalves MD et coll. High-fructose corn syrup enhances intestinal tumor growth in mice. Science 2019 ; 363 : 1345-1349.

(4) Malik VS et coll. Long-term consumption of sugar-sweetened and artificially sweetened beverages and risk of mortality in US adults. Circulation, publié en ligne le 18 mars 2019.

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