LES PLUS LUS
Publicité
Economie

EXCLUSIF. Les avocats de Carlos Ghosn déposent une nouvelle plainte à l'ONU

Le JDD publie de larges extraits de la requête des avocats de Carlos Ghosn qui sera rendue publique lundi. La défense de l'ex-patron dénonce une persécution qui le prive de ses droits fondamentaux.

Rémy Dessarts , Mis à jour le
Carlos Ghosn le 23 mai à Tokyo, la capitale japonaise qu'il ne peut pas quitter pour le moment.
Carlos Ghosn le 23 mai à Tokyo, la capitale japonaise qu'il ne peut pas quitter pour le moment. © Reuters

Les avocats de Carlos Ghosn ne désarment pas. Ils ont déposé vendredi soir à Genève une nouvelle plainte auprès du groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire initiée par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme. Le JDD s'est procuré le texte intégral de ce nouveau texte rédigé par les avocats François Zimeray et Jessica Finelle. Il fait suite à ceux déjà transmis à l'instance internationale les 4 mars et 12 avril derniers. Il s'agit de dénoncer la persécution judiciaire subie par Carlos Ghosn "dans le cadre de sa privation de liberté par les autorités japonaises".

Publicité
La suite après cette publicité

Lire aussi - EXCLUSIF. Affaire Ghosn, la lettre de Renault qui accuse Nissan

Rappelons que l'ancien patron de Renault-Nissan avait été arrêté une première fois le 19 novembre puis libéré le 5 mars ; il a été remis en détention le 4 avril et de nouveau libéré le 25 avril dernier. Pour cela, il a versé une caution de 4 millions de dollars qui s'est ajoutée aux 9 millions déjà payés en mars.

Un "système de justice des otages" dénoncé au-delà du cas de Carlos Ghosn

La défense des deux avocats mandatés par l'épouse et les quatre enfants de Carlos Ghosn ne porte pas sur le fond de l'affaire mais uniquement sur le traitement infligé au chef d'entreprise. "Depuis le jour de sa première arrestation, théâtralisée publiquement par le parquet japonais dans le seul but de l'humilier, Monsieur Ghosn n'a jamais retrouvé la liberté de se défendre équitablement, protestent Mes Zimeray et Finelle ; en sorte que la situation actuelle est un continuum de l'incarcération commencée le 19 novembre et dont les abus, dénoncés dans la saisine, n'ont pas cessé."

"

L'interdiction de communiquer avec son épouse, nullement justifiée en droit, [traduit] l'intention des autorités japonaises de continuer à isoler et à détruire psychologiquement le suspect

"

Pour les avocats, "il en va notamment de sa 'remise en liberté' sous caution le 25 avril 2019, assimilable à une assignation à résidence marquée par des contacts très limités avec l'extérieur et par l'interdiction de communiquer avec son épouse, nullement justifiée en droit, traduisant l'intention des autorités japonaises de continuer à isoler et à détruire psychologiquement le suspect pour affaiblir sa capacité à se défendre de manière effective." C'est, selon eux, une nouvelle preuve du "hostage justice system" (la justice des otages) dénoncé par les grandes organisations de défense des droits de l'homme et par plus de 1.000 universitaires et avocats dans une pétition inédite au Japon.

La suite après cette publicité

Des restrictions qui confèrent à l'assignation à résidence

Ils contestent notamment les conditions de cette nouvelle "­remise en liberté" sous caution et l'assimilent de fait à une assignation à résidence. Au passage, ils pointent un paradoxe juridique : l'ordonnance de remise en liberté reconnaît que ni le risque de fuite de Carlos Ghosn, ni le risque de destruction des preuves avancées par le procureur de Tokyo ne sont caractérisés ; mais les obligations imposées au dirigeant ont été durcies.

"Il est évident que l'obligation de résider à une adresse approuvée par le tribunal, l'interdiction de se déplacer au Japon sans autorisation du tribunal, l'interdiction de tout contact direct avec son épouse, la présence d'une surveillance vidéo de son appartement active 24h/24, l'interdiction d'utiliser un autre téléphone portable que celui mis à disposition par ses avocats, l'obligation de remettre au tribunal, tous les mois, un historique des appels passés, des pages internet consultées et de toutes les personnes rencontrées, permettent de conclure à la présence d'une mesure d'assignation à résidence. Marquées par leur évidente disproportion, ces restrictions confèrent à l'assignation à résidence imposée à Monsieur Carlos Ghosn un caractère arbitraire", analysent les deux avocats. Selon eux, les faits reprochés à Carlos Ghosn relèvent d'ailleurs de la délinquance financière et non de l'atteinte à la personne, laquelle aurait bien davantage justifié de telles restrictions.

Ils insistent bien sûr sur ­l'interdiction sans limite de temps de rencontrer Carole son épouse. "L'absence de tout contact direct avec son épouse sauf autorisation préalable du tribunal, apparaît particulièrement choquante, tant elle est injustifiable en l'espèce et attentatoire aux droits fondamentaux de l'intéressé", assènent-ils. Depuis le 26 avril, Carlos Ghosn, qui est très affecté par cet interdit, tente d'infléchir la décision des juges. Sans succès. Toutes les requêtes déposées par ses avocats ont été repoussées. Un ultime recours devant la cour suprême a été ­rejeté.

Le procès est prévu au plus tôt pour l'été 2020

Ses chances de voir sa femme ­librement dans les prochains mois sont désormais minimes. Un coup très dur. Théoriquement il n'a plus d'autre choix que d'attendre le procès prévu au plus tôt pour l'été 2020 : il devrait durer trois mois selon Takeshi Takano, l'un de ses avocats japonais que nous avons interrogé vendredi.

"

Il s'agit là, réellement, d'une forme de persécution judiciaire à l'encontre de Monsieur Carlos Ghosn

"

"Il s'agit là, réellement, d'une forme de persécution judiciaire à l'encontre de Monsieur Carlos Ghosn, qui n'est ainsi pas autorisé à rencontrer son épouse, même en présence de ses avocats, poursuivent les deux auteurs du texte ; or Madame Carole Ghosn, qui s'est toujours tenue à la disposition des procureurs japonais, avait été ­interrogée sur les faits pour lesquels son mari a été mis en cause avant qu'il soit remis en liberté, de sorte qu'aucun risque de concertation frauduleuse ou de pression sur le témoin ne peut ­sérieusement être retenu en l'espèce. Clairement, l'interdiction depuis près d'un mois de tout contact avec son épouse même en présence de ses avocats constitue une atteinte à la dignité de Monsieur Carlos Ghosn, destinée à l'affaiblir psychologiquement, et à compromettre sa capacité à assurer sa défense de manière effective face à un procureur tout-puissant. Cette inégalité des armes compromet son droit à un procès équitable et rend sa privation de liberté arbitraire."

Les avocats veulent "la réparation intégrale du préjudice [que Ghosn] subit"

François Zimeray et Jessica ­Finelle estiment donc que leur client est victime d'un acharnement : "Le traitement judiciaire de Monsieur Carlos Ghosn a pour objectif de l'intimider et de déstabiliser sa défense. Depuis le 19 novembre 2018, il a été détenu arbitrairement et soumis à des conditions de détention inhumaines. Ce n'est que pour mieux l'affaiblir qu'il a été également privé à plusieurs reprises de contact avec les membres de sa famille. Madame Carole Ghosn a elle-même subi un traitement dégradant lors de la quatrième arrestation du 3 avril 2019 de son époux. Elle a fait l'objet de fouilles corporelles alors qu'elle n'a jamais été mise en examen… Affaibli physiquement – ses symptômes aggravés en détention – et psychologiquement par son isolement familial forcé, il est assujetti à la justice japonaise, violant a fortiori le principe d'égalité des armes."

En conclusion, que demandent les deux avocats à l'ONU? D'abord de constater que la privation de liberté de leur client est arbitraire. Ensuite, d'enjoindre l'Etat du Japon de le remettre, immédiatement "en pleine liberté et de procéder à la réparation intégrale du préjudice qu'il subit depuis le 19 novembre 2018".

Contenus sponsorisés

Sur le même sujet
Publicité