Sapin-Montebourg : un tandem rock'n'roll à Bercy

Sapin-Montebourg : un tandem rock'n'roll à Bercy

    C'est « le » duo le plus surprenant de ce nouveau gouvernement : Arnaud Montebourg et Michel Sapin copiloteront la citadelle de Bercy. Le premier a pour mission de booster une croissance poussive de l'économie française ; le second doit trouver les 50 MdsEUR d'économies dans les comptes publics. Un double défi bien relevé auquel s'ajoute une autre difficulté, et non des moindres : il leur faudra s'entendre.

    Cela s'annonce d'ores et déjà compliqué, tant l'accouchement du nouveau Bercy -- que François Hollande a presque calqué sur le modèle allemand -- s'est fait dans la douleur, hier, au petit matin. Fort de son alliance avec Manuel Valls qu'il a aidé dans sa conquête de Matignon, Montebourg a sorti l'artillerie lourde pour obtenir ce qu'il cherchait depuis des semaines, un grand Bercy. « Ã?a a été très dur, confirme son entourage. Il a répété que, pour lui, c'était ça et rien d'autre, qu'il partirait sinon. » La Défense et la Justice lui auraient même été proposées. En vain. Car Montebourg a finalement obtenu le portefeuille de l'Economie, du Redressement productif et du Numérique. « Il est au coeur de la citadelle, ce n'est pas le secrétariat d'Etat aux petites voitures, c'est une victoire pour lui », fanfaronne l'un de ses soutiens, le député Malek Boutih. Ou plutôt une demi-victoire, car soucieux de ne pas tout lâcher au trio Valls-Hamon-Montebourg, le président a mis sa patte sur Bercy. « Ils ont voulu faire un puputsch, ça a fait pschitt ! », ironise un pilier du PS. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, pourrait ainsi récupérer le Commerce extérieur au nez et à la barbe de Montebourg, qui n'a pas dit son dernier mot. Mais surtout, Michel Sapin est nommé aux Finances et aux Comptes publics... Ã? l'insu de son plein gré. « Il voulait rester en poste au ministère de l'Emploi, mais Sapin est un homme de devoir. Il a dû se faire violence », reconnaît un conseiller élyséen.

    Le duo va-t-il fonctionner ? La question est sur toutes les lèvres dans la majorité alors que, depuis des semaines, Bercy et ses sept ministres sont dans le collimateur. « Montebourg avait mis son veto sur Sapin », assure un fidèle du chef de l'Etat. L'ex-ministre de l'Economie et des Finances de Pierre Bérégovoy connaît bien la maison Bercy, ses fonctionnaires et ses arcanes. « Sapin, c'est Pierre Moscovici (NDLR : ex-ministre de l'Economie et des Finances) mais avec des c... en plus », glisse un député.

    D'un côté, Sapin, l'homme rond, social-démocrate pur jus, et européen convaincu. D'ailleurs, sa nomination a été aussitôt saluée hier par le très libéral « Financial Times ». « Il rassure les Anglo-Saxons et les agences de notation », reconnaît la députée Karine Berger. De l'autre, le bouillant Montebourg, partisan d'une intervention de l'Etat dans l'économie, pourfendeur de l'« euro fort » et adversaire déclaré d'Angela Merkel et de sa rigueur budgétaire.

    Voilà qui promet quelques belles empoignades entre les deux hommes forts de Bercy. Elles ont déjà commencé hier avec la rédaction des décrets d'attribution de chaque ministre. Qui pour mettre la main, par exemple, sur la toute-puissante direction générale du Trésor ? « Ils auront la cotutelle, ils ne se marcheront pas sur les pieds », assure une source au sommet de l'Etat. Un sénateur résume : « à Montebourg le CAC 40, les PME, les TPE et les marinières made in France ; à Sapin de discuter le bout de gras avec Bruxelles et de rassurer Schauble (le ministre des Finances allemand) ». De fait, c'est ce dernier qui devra convaincre les Européens du sérieux budgétaire de la France. « Ils n'ont pas d'autre choix que de s'entendre, estime le député Dominique Lefebvre, fin connaisseur des arcanes du ministère. La seule chose qui compte c'est la réussite économique. »