Bernard Tapie pendant une suspension de séance à son procès, le 4 avril 2019 à Paris

Bernard Tapie pendant une suspension de séance à son procès, le 4 avril 2019 à Paris.

afp.com/Bertrand GUAY

"Les éléments constitutifs du délit d'escroquerie ne sont pas caractérisés". En quelques mots, la présidente du tribunal correctionnel a fait tomber l'incrimination principale reprochée à l'homme d'affaires, ancien ministre, ancien taulard, et n'a pas retenu non plus les chefs de détournement de fonds publics et de complicité.

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Pour le tribunal, "aucun élément du dossier ne permet d'affirmer" que la sentence d'arbitrage, définitivement annulée au civil, "ait été surprise par la fraude ou par des manoeuvres frauduleuses qui auraient été commises par M. Tapie". L'avocat Me Hervé Temime avait brocardé dans sa plaidoirie un dossier "vide de preuves".

La relaxe générale des prévenus, de Bernard Tapie en tête mais aussi de Stéphane Richard, de l'avocat Maurice Lantourne, de l'arbitre Pierre Estoup et des présidents des CDR et de l'EPFR (les structures créées pour gérer le passif de la banque Crédit lyonnais) Jean-Pierre Rocchi et Bernard Scemama, a donc surpris ce mardi 9 juillet... Mais finalement pas tant que ça.

Après avoir rendu le 20 février 2019 son délibéré condamnant la banque UBS pour blanchiment de fraude fiscale, la présidente Christine Mée avait ouvert l'audience consacrée à la présumée escroquerie à l'arbitrage le 11 mars suivant. Soit un délai d'à peine plus de trois semaines, pendant lesquelles il lui avait fallu se plonger dans un dossier d'une complexité rare, non pas tant sur le déroulé de l'arbitrage lui-même, mais sur l'ensemble des procédures, de l'historique, du contexte judiciaro-politique qui a finalement abouti, après plus de 25 ans de rebondissements et un passage en prison pour Bernard Tapie, à l'affaire dont elle a eu à juger.

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Le procès fut brouillon, Bernard Tapie ayant toujours, même à 76 ans, affaibli par le cancer, l'énergie et la roublardise nécessaire à l'accomplissement de son show quasi-quotidien. La majeure partie du public était constitué de ses fans, qui n'hésitaient pas à s'esclaffer à chaque bon mot de l'intéressé. Ce dernier prenait du temps pour se reposer dans une salle attenante spécialement aménagée mais, revenu dans la salle d'audience, il n'hésitait pas à prendre la parole, se lançant dans des digressions qui ont désorienté le procès.

Avant d'étudier le processus de l'arbitrage (d'ailleurs annulé en 2015 par la justice civile, qui a l'a condamné à rembourser le fameux chèque perçu en 2008 de 404 millions d'euros), les juges avaient du écouter sans l'interrompre, en long et en large, l'histoire d'Adidas. Loin du sujet du procès...

Une dizaine de dossiers judiciaires en cours

Bernard Tapie n'en a pourtant pas fini avec la justice. Selon un avocat, une bonne dizaine de procédures sont toujours en cours, devant différentes juridictions. Le dossier pénal qui vient de s'achever au tribunal correctionnel devrait en toute logique atterrir à la cour d'appel, le parquet de Paris se réservant la possibilité de faire appel. Un nouveau procès se tiendrait dans ce cas.

Il y a aussi et surtout une procédure collective : la justice demande la liquidation des sociétés de Bernard Tapie, qui bien entendu la refuse. Ce dossier a récemment été délocalisé, à sa demande, du tribunal de commerce de Paris vers celui de Bobigny. Le plan de remboursement des 404 millions proposé par l'homme d'affaires avait été rejeté, et donne même lieu à une enquête préliminaire sur les conditions dans lesquelles certains actifs auraient été sous-valorisés avec l'aide de juges du tribunal de commerce... Bernard Tapie n'en a donc pas fini avec les tribunaux.

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