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Séismes : le risque d'un « big one » se rapproche au Chili

Les deux secousses qui ont frappé le pays les 1er et 2 avril préparent le terrain à un très fort tremblement de terre dans le Nord, selon le sismologue Raul Madariaga.

Propos recueillis par 

Publié le 03 avril 2014 à 17h08, modifié le 03 avril 2014 à 17h53

Temps de Lecture 4 min.

Un séisme de magnitude 8,2 a touché le Chili mardi 1er avril.

La terre a de nouveau tremblé au Chili. Vingt-quatre heures après un précédent séisme de magnitude 8,2, qui a provoqué un début de tsunami sur les côtes chiliennes ainsi qu'au Japon, une puissante réplique de magnitude 7,6 a touché le nord du pays, à une vingtaine de kilomètres au sud de la ville d'Iquique, mercredi 2 avril. Raul Madariaga, sismologue et professeur à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, à Paris, estime que ces secousses préparent le terrain à un très fort tremblement de terre dans le nord du pays. Entretien.

Les deux séismes qui viennent de toucher le Chili sont-ils exceptionnels ?

Raul Madariaga : Le Chili est le pays le plus sismique au monde, devant le Japon. Le séisme le plus puissant enregistré dans le monde l'a ainsi été dans le sud du pays, en 1960 – d'une magnitude de 9,5, tuant plus de 5 000 personnes. Les deux tremblements de terre qui viennent de frapper le Nord sont, eux, forts mais pas exceptionnels : en moyenne, le Chili connaît tous les dix ans un tremblement de terre de magnitude 8 et entre dix et vingt secousses de magnitude 7. Mais depuis quelques années, la sismicité du pays s'est accrue, à l'image de celle du globe – avec notamment les forts séismes de Sumatra (2004), Tohoku (2011) ou Bohol (2013).

Le nord du Chili attend avec crainte un très grand tremblement de terre, de magnitude 9 environ. Le dernier « big one » [le « big one » est le nom donné au séisme dévastateur qui devrait toucher la côte ouest des Etats-Unis dans les prochaines années] à avoir touché cette région, d'une magnitude de 8,8, a eu lieu en 1877, suivi d'un tsunami qui avait inondé toute la côte Pacifique. Les experts ne sont pas d'accord pour prévoir la date de la prochaine très grande secousse. Certains scientifiques estiment que c'est imminent, tablant sur une récurrence du phénomène tous les 150 ans. Je penche, avec des collègues chiliens, pour une fréquence moindre de ces événéments très rares : tous les 300 ans environ. Je pense qu'il faudra encore plusieurs séismes de magnitude 8 avant de « préparer le terrain » pour le « big one ».

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Mais nous manquons de données historiques pour améliorer nos prévisions. Le nord du Chili est en effet resté désertique et inhabité jusqu'en 1860, quand des compagnies étrangères ont commencé à exploiter les nitrates, le cuivre et le lithium. On ne sait pas quand sont survenus les précédents grands séismes antérieurs à celui de 1877.

Les séismes de mardi et mercredi auront-ils un impact sur le « big one » attendu ?

Oui, ces séismes vont accélérer la survenue d'une secousse très importante. Les tremblements de terre qui viennent d'avoir lieu ont débloqué une partie de la zone de contact entre la plaque de Nazca et la plaque sud-américaine – la première plongeant sous la seconde selon un mouvement de subduction.

Tectonique des plaques.

Ce déblocage a reporté les efforts de résistance sur d'autres zones de la faille. Au bout d'un moment, c'est l'ensemble de la zone qui se débloquera d'un coup, en quelques minutes, dans un grand tremblement de terre. Un séisme de magnitude 9 provoquera ainsi 400 km de rupture le long de la côte. Il sera accompagné d'un très fort tsunami, avec des vagues de 10 ou 15 mètres. Aucune construction ne pourra y résister.

Les deux tremblements de terre qui viennent de toucher le Chili ont provoqué beaucoup moins de dégâts humains et matériels (6 personnes tuées et 2 500 logements touchés) que le dernier gros séisme de 2010 (700 personnes tuées et 220 000 maisons détruites). Comment expliquer cette différence ?

Il y a deux raisons majeures. Tout d'abord, le séisme de 2010 était de magnitude 8,8, soit une puissance dix fois supérieure à celle d'une secousse de magnitude 8,2. Ensuite, en 2010, le Chili n'était pas du tout préparé à un tel tremblement de terre : les services sismologiques ont par exemple arrêté de fonctionner en raison des coupures d'électricité.

Des vagues d'une hauteur de 2,11 mètres ont tout de même été aperçues sur les côtes du nord-ouest du Chili, incitant les autorités à évacuer la zone.

Depuis, de nombreuses stations sismologiques ont été installées sur l'ensemble du territoire et elles peuvent toutes fonctionner avec une source d'énergie secondaire. Elles ont donc pu communiquer toutes les informations importantes. Les normes de constructions para-sismiques, prévues par une loi de 1960, ont également été renforcées, notamment pour l'appui des ponts. Enfin, il y a une réelle prise de conscience de la population des risques encourus avec les tremblements de terre. C'est pourquoi les autorités ont réussi à évacuer rapidement près d'un million de personnes sur plus de 4 000 km de côte, grâce aux sirènes, à des SMS envoyés aux habitants et aux médias.

Malgré tout, il reste des risques : l'urbanisation du nord du Chili s'est faite très près des côtes, pour avoir accès à l'eau. Les villes d'Iquique, Antofagasta ou Arica sont en effet entourées de falaises très hautes (plus de 1 000 mètres) puis de déserts. Néanmoins, elles entreprennent aujourd'hui de déplacer les constructions les plus sensibles, comme des immeubles ou des hôpitaux. L'autre problème réside dans le sol : alors que le sol de Santiago, de la moraine glaciaire, est résistant, celui d'Iquique est du sable. Il y est donc difficile de renforcer les fondations.

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