Scandale de l'amiante : 100 000 morts, zéro coupable

Deux non-lieux ont été prononcés dans les dossiers Eternit et Ferodo-Valeo. Dans un rapport, Santé publique France tire la sonnette d'alarme sur la fibre.

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Le pont Caligny de l'usine Ferodo-Valeo à Condé-sur-Noireau. Un non-lieu vient d'être prononcé dans cette affaire emblématique. 

Le pont Caligny de l'usine Ferodo-Valeo à Condé-sur-Noireau. Un non-lieu vient d'être prononcé dans cette affaire emblématique. 

© MYCHELE DANIAU / AFP

Temps de lecture : 4 min

Fatale coïncidence. D'un côté, les deux non-lieux généraux ordonnés en moins d'une semaine dans les procédures visant les groupes Eternit et Ferodo-Valeo, emblématiques utilisateurs d'amiante ; de l'autre, l'alarme que vient de lancer l'agence Santé publique France dans son dernier rapport sur les ravages de la fibre tueuse.

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« Les mésothéliomes pleuraux sont toujours plus nombreux », relève-t-elle, l'augmentation étant encore plus marquée chez les femmes, « avec un doublement du nombre de nouveaux cas annuel depuis 1998 ». On dénombre 1 100 nouvelles victimes chaque année de ce redoutable cancer de la plèvre, marqueur de l'exposition, auxquelles il faut ajouter environ 2 000 cancers du poumon. « L'exposition à l'amiante est et restera encore pendant plusieurs décennies un sujet majeur de santé publique nécessitant le maintien de la surveillance et le renforcement des actions de prévention », notent les auteurs du rapport.

50 % des victimes dans le secteur du BTP 

Si l'interdiction du « magic mineral » a été prononcée en France en 1997, bien après la plupart des pays développés en raison du très efficace lobbying des industriels du secteur et de l'inertie de l'État, les cancers surviennent trente à quarante ans plus tard. On estimait, en 1996, que 100 000 personnes mourraient de l'amiante d'ici à 2025. Quatre-vingt-dix pour cent des hommes y ont été exposés durant leur carrière professionnelle.

<p>Photo prise le 24 octobre 2007 à Condé-sur-Noireau, du site « le pont Caligny » de l'usine Ferodo-Valeo à l'abandon depuis 1958 duquel des plaques d'amiante tombent du plafond.</p> ©  MYCHELE DANIAU / AFP

Photo prise le 24 octobre 2007 à Condé-sur-Noireau, du site « le pont Caligny » de l'usine Ferodo-Valeo à l'abandon depuis 1958 duquel des plaques d'amiante tombent du plafond.

© MYCHELE DANIAU / AFP
Santé publique France confirme que l'épidémie trouve aujourd'hui à 50 % ses victimes dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, le risque s'étant déplacé des métiers « d'utilisation et de transformation de l'amiante » vers les métiers « d'intervention sur des matériaux contenant de l'amiante » (BTP, désamiantage). Par ailleurs, 60 cas par an de mésothéliome auraient exercé un emploi dans l'enseignement, et seraient probablement victimes de locaux amiantés. Quant aux femmes, il s'agit le plus souvent d'expositions familiales – à vivre aux côtés de travailleurs de l'amiante –, et domestiques (objets ou matériaux de construction des lieux de vie contenant de l'amiante).

L'échec des victimes sur le front judiciaire

Sur le front judiciaire, ce sont les plaintes des victimes qui n'ont pas abouti. D'abord en 2015, au terme d'une redoutable bataille procédurale, il y a eu l'extinction des poursuites contre les hauts fonctionnaires, anciens ministres – comme Martine Aubry –, et membres du Comité permanent amiante, le lobby financé par les industriels. Les associations de victimes qui avaient multiplié les procédures pour « homicides et blessures involontaires » contre les responsables des sites industriels ont aussi vu leurs actions échouer les unes après les autres. Saint-Gobain, à travers sa filiale Everite, centrale EDF d'Arjusanx (Landes), Charbonnages de France, Eternit... la liste des non-lieux s'allonge en raison « d'une impasse juridique. »

<p>Maurice Leroux, un ancien employé de l'usine Ferodo-Valeo, présente, en 2007, le masque avec lequel il travaillait pour se protéger de l'amiante sur le site à Condé-sur-Noireau.</p><section class=
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Maurice Leroux, un ancien employé de l'usine Ferodo-Valeo, présente, en 2007, le masque avec lequel il travaillait pour se protéger de l'amiante sur le site à Condé-sur-Noireau.

© MYCHELE DANIAU / AFP
C'est cette nouvelle doctrine que les juges d'instruction parisiens du pôle de Santé publique ont appliquée en ordonnant un non-lieu général dans l'affaire des usines normandes de Condé-sur-Noireau (Calvados), un des plus célèbres dossiers de cette affaire tentaculaire. Il existe, selon eux, un « obstacle majeur » à la possibilité d'établir des responsabilités pénales. Ils se sont rangés à l'analyse des experts qui estimaient qu'il était impossible de déduire avec précision le moment de l'exposition des victimes à l'origine des plaintes ni celui de leur contamination, bref d'incriminer précisément les industriels.

De fait, il n'est « pas possible de mettre en corrélation le dommage et les éventuelles fautes qui pourraient être imputées à des personnes qui auraient une responsabilité dans l'exposition à l'amiante subie par les salariés des usines de Condé », soulignent-ils. « C'est triste pour les victimes, mais cela me paraît juridiquement imparable », soulignait à l'issue de l'audience de non-lieu pour le groupe Eternit Jean-Yves Dupeux, avocat de deux anciens dirigeants mis en cause. Vingt-trois ans après le dépôt de la première plainte en 1996, cette « faillite judiciaire » restera comme un cas d'école. Et une magistrale leçon de droit pour tous les juristes appelés à défendre les intérêts des industriels dans les affaires de santé publique.

Changement de stratégie judiciaire

Selon le quotidien Le Mondedaté du dimanche 21 juillet, l'échec annoncé des instructions pénales en cours pousse les avocats des victimes de l'amiante à changer de stratégie judiciaire. Désormais, ils veulent une « citation directe collective des victimes de l'amiante » visant les « responsables nationaux » du scandale sanitaire et notamment les membres du Comité permanent amiante. Cela leur permettrait de citer à comparaître les auteurs supposés d'une infraction sans passer par la phase de l'instruction. La citation directe pourrait être déposée au tribunal de grande instance de Paris la première semaine de septembre. Affaire à suivre... 
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Commentaires (33)

  • DANIEL 74

    Combien nous coûte ses Hautes Autorités, ses experts juges et partis pour nous tuer légalement. Et l'Homéopathie est un placébo. Trop instruit pour être intelligent ignorant du principe de base : PRIMUM NON NOCERE. Principe de précaution, non RESPECT DE SOI ET DE L'AUTRE

  • guy bernard

    En France, un service qui marche mal, avec des compétences limitées est plus rentable pour l'etat qu'un service qui marche bien avec des gens compétents, compris ?
    quant à Thatcher, c'est pas ça.
    "tout le monde sait", NON, ni vous, ni votre entourage, qui vous aurait corrigé depuis longtemps.

  • guy bernard

    Votre intérêt est que je reste discret.