SCIENCE - Ce sont des chiffres à la fois effarants et terrifiants, mais également peu surprenants et prévisibles. Depuis 1970, trois milliards d’oiseaux ont disparu en Amérique du Nord. Soit une chute spectaculaire de la population globale de 29%.
C’est le triste résultat d’une étude publiée dans Science ce jeudi 19 septembre. Les chercheurs ont analysé 529 espèces, vivant dans des milieux divers. En dehors des zones humides dans lesquelles la population a crû, tous les autres écosystèmes enregistrent une descente aux enfers effrayante.
D’autant plus effrayante qu’elle est “incroyablement similaire” à ce qu’il se passe en Europe, explique au HuffPost Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la question. En 25 ans, 600 millions d’oiseaux ont disparu du continent européen. Et le coupable principal, dans les deux cas, l’agriculture intensive, “ne fait plus aucun doute”.
Des baisses avant tout dans les plaines agricoles
Dans l’étude américaine, quasiment tous les écosystèmes accueillant les oiseaux sont touchés. Si les oiseaux des forêts ont subi une forte baisse, le pire des biomes est clairement et de très loin celui des terres agricoles, où la chute est de 53% en 48 ans. Les trois quarts des espèces peuplant ces zones sont concernées.
“Les chiffres sont incroyablement similaires d’une étude à l’autre, avec des diminutions de l’ordre de 30% tous les 25 ans”, explique Vincent Bretagnolle. “Annuellement, la perte se situe entre 1 et 1,5% par an en Amérique du Nord. En France, c’est 1,5%”. 90% de cette baisse est attribuée à 12 familles d’oiseaux communs aux États-Unis. Les chercheurs précisent d’ailleurs que leurs estimations sont plutôt prudentes, car elles ne viennent que des populations reproductrices.
Et ils ne sont pas spécialement optimistes: “comme les oiseaux représentent un des groupes d’animaux les mieux surveillés, ils sont peut-être la partie émergée de l’iceberg”, notent les auteurs. En clair, cette chute de la biomasse pourrait toucher bien d’autres animaux de manière invisible.
Agriculture, pesticides et autres causes
L’étude rappelle que cette chute est “entraînée par la perte d’habitat et l’usage de plus de pesticides toxiques”. “À mon sens, il n’y a plus aucun doute possible, la cause principale est l’intensification de l’agriculture” pour les oiseaux des plaines agricoles, affirme Vincent Bretagnolle.
L’un des coupables désignés, les pesticides. “Si on les enlevait dans l’agriculture intensive, cela améliorerait la situation, car les pesticides sont une des causes principales de l’élimination des insectes”, précise Vincent Bretagnolle. Or, les oiseaux ont besoin d’insectes pour manger. En trente ans, plus de 75% des insectes ont disparu en France et en Allemagne.
Haro sur les pesticides? Si leur rôle est crucial, “dans l’intensification, il y a de nombreuses autres choses”, rappelle le chercheur: agrandissement des parcelles, disparition d’élevages extensifs (où les bêtes ont plus de place), des bosquets, des prairies, etc. De plus, “le modèle agricole actuel ne peut marcher sans pesticide. Il faut donc le changer, augmenter la diversification”, estime le chercheur.
Chats, vitres et clochettes
Si l’agriculture intensive est le principal coupable, le site “3 milliards d’oiseaux”, lancé pour l’occasion par des ONG américaines, donne également des solutions afin d’agir dès maintenant pour atténuer cette disparition des oiseaux.
Ainsi, on y apprend que les chats représentent en Amérique du Nord la seconde cause de mortalité des oiseaux, en dehors des problèmes d’habitats. “En France aussi, la mortalité induite par les chats, évaluée par différentes études, est colossale”, rappelle Vincent Bretagnolle. Le site américain recommande de garder les félins en intérieur. Le chercheur précise lui qu’une clochette autour du cou peut déjà faire beaucoup.
Parmi les autres solutions, l’installation de plantes à fleurs dans les jardins, l’utilisation de moins de plastiques, ou encore l’installation sur les fenêtres de filtres cassant les reflets. La collision avec une fenêtre, à cause d’un reflet d’arbre, est en effet une cause importante de mortalité pour les oiseaux.
Enfin, la dernière solution proposée consiste tout simplement à s’intéresser aux oiseaux via des opérations de science participative locales. “L’oiseau le plus courant au monde était le pigeon migrateur, il s’est éteint alors que les gens n’ont pas réalisé à quel point il disparaissait vite avant qu’il ne soit trop tard”, précise le site. Des initiatives similaires, permettant aux chercheurs de mesurer l’évolution des oiseaux, existent également en France. Pour s’assurer de sauver les oiseaux, encore faut-il avoir conscience de leur présence.
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