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L’Egypte s’attaque à « Mada Masr », l’un des derniers médias libres du pays

Créé en juin 2013, c’est l’un des derniers sites d’information indépendants qui a publié, en arabe et en anglais, des enquêtes sur la corruption et l’armée.

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Publié le 24 novembre 2019 à 17h18, modifié le 25 novembre 2019 à 08h40

Temps de Lecture 3 min.

Manifestation de journalistes au Caire, en mai 2016.

Les autorités égyptiennes s’en sont pris à un symbole de la presse indépendante. Les forces de sécurité ont mené, dimanche 24 novembre, dans l’après-midi, une perquisition dans les locaux du site d’information Mada Masr, au Caire et ont arrêté plusieurs membres de sa rédaction. Ils ont été relâchés en début de soirée. Avec la dérive dictatoriale du régime du président Abdel Fattah Al-Sissi et la répression contre toute voix libre, ce média créé en juin 2013 est l’une des dernières sources d’information indépendantes dans le pays, qui publie encore, en arabe et en anglais, des enquêtes fouillées sur la corruption et l’armée au pouvoir.

L’attaque contre Mada Masr avait débuté, samedi soir, avec l’arrestation, à son domicile au Caire, de l’un de ses rédacteurs en chef, Shady Zalat, 37 ans. Il a été libéré dimanche sur une route désertique, quelques heures après le raid contre les locaux de la rédaction. « Aujourd’hui, à 13 h 30, neuf membres des forces de sécurité sont entrés de force dans les locaux de Mada Masr. Ils ont immédiatement commencé à confisquer les ordinateurs et téléphones de tout le monde. Quand on leur a demandé qui ils étaient, ils ont refusé de répondre », décrivait alors le fil Twitter de la rédaction de Mada Masr.

« Pendant trois heures, différents hommes ont interrogé la directrice de la rédaction Lina Attallah et le directeur adjoint Mohamed Hamama. Ils ont également questionné Ian Louie et Emma Scolding, ainsi que deux journalistes de France 24 qui étaient venus faire une interview de Lina Attallah sur la détention de Shady Zalat. Des représentants de l’ambassade de France sont arrivés et ont passé une heure à l’extérieur des locaux, essayant d’entrer », précise la rédaction de Mada Masr sur sa page Facebook.

« Les policiers se trouvaient déjà dans les locaux lorsque nous sommes arrivés », a expliqué à l’AFP Eric de Lavarene, l’un des deux journalistes français travaillant pour France 24. « Nous avons demandé pourquoi on nous retenait, mais personne n’a répondu », a-t-il ajouté, précisant avoir eu le temps d’appeler l’ambassade de France. Dépêchés sur place, deux diplomates français sont repartis avec les deux journalistes en fin d’après-midi.

Selon un autre tweet, les téléphones et ordinateurs portables de la rédaction de Mada Masr ont finalement été restitués, mais trois de ses membres ont été arrêtés. « Les forces de sécurité sont parties. Lina Attallah, Mohamed Hamama et Rana Mamdouh ont été emmenés chez le procureur, selon un des hommes qui a pénétré dans nos locaux », précise le message. Emmenés au poste de police de Dokki, au Caire, ils ont été libérés en début de soirée, selon un dernier tweet de Mada Masr. Ian Louis et Emma Scolding, deux journalistes étrangers de la rédaction, ont également été brièvement détenus avant d’être libérés.

Enquête sur le fils d’Abdel Fattah Al-Sissi

Cette perquisition contre Mada Masr survient quelques jours après une enquête sur le transfert du fils du président Abdel Fattah Al-Sissi, Mahmoud, à Moscou pour occuper un poste diplomatique. Selon cette enquête, la réaffectation du fils du président, qui occupe un haut poste au sein des renseignements généraux, interviendrait à la suite de critiques internes au sein de l’appareil sécuritaire. Des membres du cercle proche du président, en Egypte et aux Emirats arabes unis, parrain du Caire, ont déploré l’impact négatif du rôle de plus en plus grand et visible joué par Mahmoud Al-Sissi auprès d’Abdel Fattah Al-Sissi.

Selon une source au sein des renseignements généraux citée par Mada Masr, le fils du président aurait notamment été critiqué pour sa mauvaise gestion du scandale lancé par l’homme d’affaires égyptien exilé en Espagne, Mohamed Ali. Dans une série de vidéos publiées en septembre, ce dernier a accusé le président égyptien et son armée de corruption, donnant lieu à des manifestations inédites dans le pays, les 20 et 21 septembre. Mahmoud Al-Sissi serait également jugé responsable, selon ces sources, d’une purge au sein des renseignements généraux, qui aurait suscité de nombreuses tensions.

Amnesty International a dénoncé la perquisition et appelé le gouvernement à « s’abstenir de sanctionner les journalistes pour avoir exercé leur métier légitime ». Depuis l’arrivée au pouvoir de M. Sissi en 2014, une vague de répression s’est abattue contre les journalistes, les opposants et les militants égyptiens. Mada Masr compte parmi la centaine de sites d’information bloqués par les autorités égyptiennes ces dernières années, et dont l’accès n’est possible pour les Egyptiens que via une application VPN. L’Egypte est le pays qui emprisonne le plus de journalistes au monde après la Chine et la Turquie, selon le Comité pour la protection des journalistes, une association basée à New York.

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