Elle a déjà son institut, créé en 2013 par le député (EELV) des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert. On l'a vue à Davos, portée par la fondation Ellen MacArthur.

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Elle connaîtra ses premières assises, organisées le 17 juin 2014 par l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). Pas de doute, l'économie circulaire est le concept du moment en matière de développement durable.

Un concept qui a le mérite de la simplicité : au lieu de prélever toujours plus de ressources pour fabriquer des produits qu'on finit par jeter, il serait plus malin - et rentable - de réinjecter dans la chaîne de production ce qui est aujourd'hui considéré comme des déchets. On boucle le cycle, comme dans la nature : rien ne se perd, tout se transforme.

"C'est une rupture avec le modèle de développement actuel, linéaire, qui encourage l'hyperconsommation et le gaspillage, résume François-Michel Lambert. Nous croyons qu'il est possible d'améliorer encore le niveau de vie des gens en sortant de cette aliénation, grâce à des modèles qui tiennent souvent du bon sens paysan." Et qui créent des emplois non délocalisables : 33000 rien que pour la récupération des déchets en France.

Se chauffer avec des copeaux de bois

Quelques pionniers émergent déjà. Le géant du revêtement de sol Tarkett se distingue en choisissant des matériaux "recyclés, renouvelables ou très abondants", en chauffant ses usines avec des copeaux de bois ou en limitant drastiquement ses déchets. Le fabricant de moquettes Desso est un champion du "cradle to cradle" (littéralement "du berceau au berceau"), une philosophie popularisée par le livre de William McDonough et Michael Braungart (Ed. Alternatives), paru en 2002 : avec un produit recyclé et de l'énergie, il doit être possible de fabriquer à nouveau peu ou prou le même produit. On traite certaines moquettes usagées afin de récupérer le fil, qui sera recyclé, et du bitume, principal composant des sous-couches, qui servira à la fabrication de routes et de toitures.

Beaucoup d'articles de grande consommation sont concernés par cette nouvelle approche. La maison de café Malongo a par exemple conçu sa machine à expresso Ek'Oh pour qu'elle puisse être facilement réparée et recyclée (les modules, assemblés par clips, sont démontables, et comportent un minimum de matières différentes, dont peu de métaux). Le torréfacteur niçois a veillé à la durée de vie de sa machine, garantie cinq ans.

Pierre Pomiers, Benoît Rameix et Dominique Villenave, cofondateurs de Notox, ont quant à eux complètement réinventé le processus de fabrication d'une planche de surf avec leur gamme Green One. Ils ont remplacé la mousse de polyuréthanne et la fibre de verre par du polystyrène recyclé et de la fibre de lin.

Les grands groupes hésitent

"Nous avons également passé un accord avec notre fournisseur local, qui vient récupérer nos déchets de polystyrène, un matériau pourtant pénible à recycler : il ne pèse rien et prend beaucoup de place, témoigne Pierre Pomiers. Finalement, le fabricant est le plus à même de s'en occuper."

Le plus souvent, les entreprises qui déploient cette logique sont celles qui ont pris le temps de bien évaluer leur environnement. Mais elles sont rares pour l'instant. "Dans le monde agricole et industriel, c'est vraiment nouveau. Les entreprises se débarrassent de leurs déchets, quitte à payer, alors qu'elles pourraient les considérer comme des ressources, observe Bruno Rebelle, ancien responsable de Greenpeace, désormais directeur général du cabinet de stratégie en développement durable Transitions.

La difficulté, c'est que les filières de recyclage sont encore trop peu efficaces pour satisfaire les grands groupes, qui, du coup, hésitent à basculer vers ce nouveau modèle. En France, on ne parvient à recycler que 45% du plastique PET des bouteilles !"

Pour montrer la voie, la fondation Ellen MacArthur produit chaque année un rapport de référence sur l'économie circulaire, le dernier incitant les dirigeants à la considérer comme la meilleure réponse à la volatilité des prix des matières premières (minerais, métaux, hydrocarbures...) (1).

Elle défend l'économie circulaire au sens large, en mettant aussi l'accent sur l'écoconception (la fabrication d'un produit doit être économe en matières premières et respectueuse de l'environnement), les circuits courts, la lutte contre l'obsolescence ou les nouveaux modes de consommation plus responsables (mutualisation, réemploi).

Faire évoluer la législation

La navigatrice a créé cette structure, en 2010, avec le soutien financier d'acteurs privés, d'anciens partenaires du temps de ses exploits sportifs (Renault, Cisco, Kingfisher) et de nouveaux venus (Philips et Unilever).

Certains de ces grands noms innovent déjà dans le domaine. Renault possède une longue expérience de reconditionnement dans son usine de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), où sont remis en état moteurs et boîtes de vitesses. Philips teste auprès d'entreprises la vente non pas d'ampoules, mais d'un service tout compris d'éclairage des bureaux. Le groupe néerlandais a donc tout intérêt à installer des lampes qui durent longtemps et qu'il vient récupérer en fin de vie pour réutiliser les terres rares qu'elles contiennent.

"Unilever dispose certes d'une belle marge de progression pour réduire l'impact des emballages pour toutes ses marques, reconnaît Jocelyn Blériot, l'un des responsables de la Fondation. Mais c'est un choix que nous assumons : nous considérons que c'est en travaillant avec tous les grands groupes que nous ferons vraiment bouger les lignes, quel que soit leur niveau d'avancement. C'est grâce à eux que nous pouvons monter des programmes dans l'enseignement supérieur et accompagner le changement dans certaines régions d'Europe, comme en Aquitaine."

"Des entreprises peuvent être tentées de faire du "green washing", ou plutôt du "circular washing", en lançant une petite initiative qui fera illusion, reconnaît François-Michel Lambert. Mais c'est très risqué pour elles.

Avec la raréfaction des ressources, les firmes qui ne seront pas capables de se fournir en matériaux recyclés pourront disparaître. Je suis par exemple très inquiet pour PSA, qui ne semble pas du tout s'engager dans cette voie..."

Pour faire évoluer la législation en faveur de pratiques plus vertueuses, le député EELV souhaite dépasser les clivages politiques : l'Institut de l'économie circulaire qu'il préside compte dans ses rangs des entreprises (La Poste, GrDF, Ecofolio...), la Fondation Nicolas Hulot, mais aussi des responsables politiques comme Chantal Jouanno (UDI) et Jean-Luc Bennahmias (ex-MoDem). On n'attend plus que le Grenelle de l'économie circulaire...

(1) http://www.ellenmacarthurfoundation.org/fr

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