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COP 25

Océans : «Les mangroves et les algues sont capables de capter énormément de carbone»

A l'occasion de la COP 25 sur le climat, «Libération» publie une série d'interviews sur les liens entre préservation de la biodiversité et lutte contre le dérèglement climatique.
par Aude Massiot
publié le 12 décembre 2019 à 6h24

Chaque jour, 30 millions de tonnes de dioxyde de carbone sont absorbées sur les premières centaines de mètres de surface des mers et océans, soit entre un quart et un tiers de ce qui est émis par les activités humaines. Ce bienfait, sans commune mesure avec ce que les technologies actuelles permettent, a de dures conséquences sur les organismes sous-marins. Dorothée Herr, directrice du programme marin et polaire de l’Union internationale pour la conservation de la nature, explique comment la transition écologique, si elle est réfléchie en silos, peut être dommageable à la biodiversité marine.

Quels sont les principaux effets du dérèglement climatique sur les océans et les espèces qui y vivent ?

Il en existe trois. Tout d’abord, le réchauffement, qui est le plus connu. Il se manifeste par une hausse des températures marines mondiales et par des vagues de chaleur locales. On en observe déjà les effets avec des espèces qui migrent vers les pôles et les récifs coralliens qui blanchissent.

Ensuite, il y a l'acidification. En capturant des millions de tonnes de CO2 de l'atmosphère, les eaux voient leur PH baisser [-0,1 point du pH au cours du XXe siècle, soit une augmentation de 30 % de l'acidité, ndlr]. Il devient plus difficile pour les organismes qui dépendent du carbone pour vivre, comme les coquillages ou les crustacés, de grandir.

Le troisième est la désoxygénation, soit la perte d’oxygène dans ce qu’on appelle les «zones mortes», à cause, principalement, des rejets agricoles.

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Existe-t-il des points de bascule au-delà desquels certains écosystèmes marins pourraient s’effondrer ?

Le problème des points de bascule est qu'ils sont très difficiles à prévoir. Ce qui est sûr, et le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat [Giec] l'a souligné dans son rapport sur les océans publié en septembre, est que si on poursuit notre trajectoire actuelle d'émissions de gaz à effet de serre, les conséquences seront dramatiques pour de très nombreux écosystèmes. On connaît peu de choses sur les espèces d'eaux profondes, mais d'autres, comme les coraux, ont déjà commencé à dépérir sur une grande échelle.

Nous devons réduire nos émissions par tous les moyens possibles. Pour cela, la nature peut être un allié. Les mangroves, les algues et les forêts de kelp, ces macroalgues brunes poussant dans des eaux tempérées et arctiques, sont capables de capter et garder énormément de carbone pendant des milliers d’années, plus que les forêts terrestres. Restaurer les écosystèmes que nous avons dégradés est bénéfique pour les populations locales, la biodiversité, la sécurité alimentaire et l’adaptation face au dérèglement du climat.

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Y a-t-il des antagonismes entre la protection de la biodiversité marine et la transition écologique ?

Ils peuvent exister si les politiques de transition ne sont pas réfléchies de manière globale avec celles de préservation des espèces vivantes. Par exemple, le développement des énergies renouvelables en mer peut être très dommageable à certains animaux si la biodiversité n’est pas prise en compte. Pourtant, on pourrait imaginer une cohabitation réfléchie, au sein de réserves marines protégées, de certaines infrastructures énergétiques et d’espèces menacées par la surpêche.

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