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Conditions de détention indignes à la prison d'Évreux : un avocat attaque l'État

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Étienne Noël s'est rendu avec un expert à la maison d'arrêt d'Évreux jeudi 9 janvier 2020. Après la visite de 40 cellules, l'avocat dénonce des "conditions de détention humiliantes et dégradantes" et va attaquer l'État, qu'il a déjà fait condamner des centaines de fois.

En près de cinq heures, Étienne Noël a visité quarante cellules de la maison d'arrêt d'Évreux
En près de cinq heures, Étienne Noël a visité quarante cellules de la maison d'arrêt d'Évreux © Radio France - Laurent Philippot

"On a visité quarante cellules, on nous a ouvert toutes les portes", rapporte Me Étienne Noël. L'avocat a effectué jeudi dernier une visite de la maison d'arrêt d'Evreux avec un architecte, pour réaliser une expertise des conditions de vie. Me Étienne Noël intervient pour le compte de 13 clients (12 anciens détenus et un toujours incarcéré) : 

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L'expert était scotché de ce qu'il a vu en termes de saleté, d'odeurs, de promiscuité

Pendant près de cinq heures, l'expert architecte a pris des centaines de photos, mesuré toutes les cellules, mesuré les meubles, qui réduisent d'autant l'espace vital de ses clients, s'est fait une idée des installations sanitaires, de leur promiscuité et de leur état de délabrement ou de leur proximité par rapport au lieu de préparation des repas.

Le constat est édifiant : "L'expert n'imaginait pas qu'on puisse préparer sa bouffe à, à peine, un mètre de l'endroit où on allait déféquer quelques heures après", explique l'avocat pénaliste. "Au risque de choquer, la maison d'arrêt d'Évreux me fait penser au centre pénitentiaire de Baie Mahault, en Guadeloupe, pas en terme d'humidité ni de chaleur, mais en termes de surpopulation".

À Évreux, j'ai vu des cellules de 10 m² occupées par trois, parfois quatre personnes

Quatre personnes dans une cellule de 10 m², c'est un matelas sur le sol qu'on range dans la journée. "Quand bien même ces cellules seraient occupées par deux personnes, les détenus n'ont pas de quoi aller et venir normalement", s'emporte l'avocat. 

Selon un arrêt de la cour européenne des droits de l'homme de 2013, un détenu doit disposer de 3 m² pour aller et venir dans la cellule, déduction faite de l'emprise des meubles et des sanitaires. "En dessous de 3 m², on est en face d'un traitement humiliant et dégradant", poursuit l'avocat rouennais. L'expert architecte doit rédiger son rapport dans les semaines à venir, mais Me Étienne Noël estime d'ores et déjà que la France est en violation de la réglementation européenne. 

Il faut que la garde des Sceaux se préoccupe de ce sujet-là, qui lui semble totalement étranger

Les cellules à Évreux sont surpeuplées, l'administration pénitentiaire le reconnaît. Il y a actuellement 307 détenus dans 110 cellules (dont 40% en détention provisoire), "un taux de surpopulation beaucoup plus important qu'à Rouen", avance Étienne Noël. La France compte aujourd'hui près de 72 000 détenus pour 60 000 places, une surpopulation jamais atteinte.

La France déjà condamnée des centaines de fois

Cette expertise n'est pas la première pour l'avocat rouennais. Rouen, Fresnes, la prison de la Santé à Paris, en Guadeloupe, en Martinique : c'est sa 11e en métrople et en outre-mer. Le 27 mars 2008, l'État a été pour la première fois condamné pour conditions de détention contraires à la dignité humaine, après une expertise de Me Noël. 

Le tribunal administratif de Rouen a alors établi un barème, qui a servi pour plusieurs centaines de dossiers, "ça va de quelques centaines d'euros pour des durées courtes, jusqu'à plusieurs milliers pour des durées plus longues", détaille Étienne Noël qui a obtenu en Guadeloupe des indemnisations supérieures à 10 000 euros. En 2018, l'Observatoire international des prisons dressait une carte de 38 établissements pénitentiaires condamnés en France

À Rouen, ça a déjà coûté plusieurs centaines de milliers d'euros en dommages-intérêts

Ces dommages-intérêts, pour préjudice moral, ont_"une incidence énorme sur l'image que les gens ont d'eux-mêmes, sur leur dignité._ Le fait de présenter la facture à l'État, c'est un plus énorme en termes de restauration d'image", explique maître Étienne Noël. 

Une dizaine d'autres clients devrait rejoindre les 13 premiers de l'avocat pénaliste, voire beaucoup plus avec un effet boule de neige après cette expertise à la maison d'arrêt d'Évreux. Les quarante cellules visitées étant quasi identiques, de nouveaux détenus pourraient se joindre à la procédure que l'avocat engagera une fois le rapport rédigé. Il fait suite à une expertise ordonnée par le tribunal administratif de Rouen en octobre 2019, à la demande de maître Noël. 

La garde des Sceaux, Nicole Belloubet, avait demandé l'annulation de cette ordonnance du juge du référé du tribunal rouennais, en soutenant qu'elle était "entachée d'une erreur de droit et d'erreurs d'appréciation". La cour administrative d'appel de Douai a rejeté la demande de la ministre de la Justice et a confirmé l'expertise en décembre 2019. Grâce à ces expertises, un contrôle des établissements pénitentiaires par les détenus eux-mêmes a été mis en place. "Une sacrée avancée", se réjouit Me Étienne Noël.

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