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L’affaire Griveaux ou le temps du déballage permanent

L’affaire Griveaux ou le temps du déballage permanent

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Comme candidat à la mairie de Paris, il brillait par son aptitude à jongler avec les mots creux, ainsi que le rappelle Marianne dans le numéro de cette semaine. Le résultat se manifestait dans des sondages peu rassurants pour son devenir. Mais cela ne justifiait en rien qu’il fût poussé vers la petite porte du déshonneur pour lui et sa famille.

Benjamin Griveaux ne méritait pas ça, la vie politique non plus, et l’éthique encore moins. La candidature de l’ex-porte parole du gouvernement a été balayée par la publication d’une séance de touche pipi mise en ligne par Piotr Pavlenski, un artiste russe exilé à qui on ne donnerait pas le Bon Dieu orthodoxe sans confession.

Aussitôt la vidéo sortie s’est mise en marche la machine à alimenter les rumeurs, les coups bas, les allusions crasses. Benjamin Griveaux ne pouvait résister à un tel Tsunami de boue. Il a jeté l’éponge, car il ne pouvait faire autrement. Mais au-delà de son cas personnel, c’est toute la vie démocratique qui est menacée par ces petits scandales à répétition, lancés en pâture à une opinion qui finit par douter de tout.

cirque médiatique

Il ne s’agit pas ici de réhabiliter Benjamin Griveaux. Comme ministre, l’ex-socialiste avait un bilan exécrable. Comme candidat à la mairie de Paris, il brillait par son aptitude à jongler avec les mots creux, ainsi que le rappelle Marianne dans le numéro de cette semaine. Le résultat se manifestait dans des sondages peu rassurants pour son devenir. Mais cela ne justifiait en rien qu’il fût poussé vers la petite porte du déshonneur pour lui et pour sa famille.

La politique, a priori, c’est le débat, la contradiction, la confrontation d’idées, la comparaison entre des projets alternatifs. La chose peut être vive, passionnée, polémique, mais jamais salace. Or, au fil des ans, l’échange est devenu une foire d’empoigne régie par des turpitudes et des ignominies. Comme d’habitude, les Etats-Unis ont donné le ton. Puis la mode a débarqué sur les cotes de la vieille Europe, balayée à son tour par les grands vents de la manipulation et des coups en-dessous de la ceinture.

Les réseaux sociaux, qui méritent mieux qu’une telle caricature, sont devenus le réceptacle de ces jeux du cirque médiatique où personne ne peut résister. La présomption d’innocence a été remplacée par le pressentiment de culpabilité ; le doute par la certitude ; la quête de la vérité par le diktat de la suspicion. Sous prétexte de transparence, le totalitarisme de la pseudo révélation triomphe.

Déballage permanent

La politique ne pouvait échapper à une telle vague, comme en témoigne l’affaire Griveaux, sali à jamais. Quoi qu’il dise et quoi qu’il fasse, il restera suspect des pires flétrissures, au risque de contaminer tous ses proches, y compris ceux de sa famille politique.

Désormais, les barrières de la vie privée n’existent plus. Comme dans le monde dénoncé par Orwell, chacun est sous la surveillance de tout le monde, au risque de voir jeter sur la place publique des faits et gestes qui relèvent de l’intime. L’artiste russe qui s’est pris pour le Julian Assange d’un Griveaux grivois a confié qu’il entendait dénoncer le puritanisme. En fait, il va provoquer exactement l’effet inverse et alimenter l’idée que les responsables politiques ont tous la main baladeuse.

En vertu de la loi des trois « L » (je loue, je lâche, je lynche), ceux qui ont encensé Benjamin Griveaux vont le lâcher en rase campagne, avant de le mettre en croix d’ici peu. Sur BFMTV, l’ineffable Christophe Barbier, d’ordinaire avocat fidèle de la macronie, s’est déjà transformé en procureur pour lancer, du haut de sa suffisance : « Griveaux n’a que ce qu’il mérite ».

Désolé, mais la politique mérite mieux que ce déballage permanent et peu ragoutant.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne