"Inscrire le terme 'féminicide' dans le code pénal serait contre-productif"

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"Inscrire le terme 'féminicide' dans le code pénal serait contre-productif"

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Un slogan dénonçant les féminicides sur un mur à Paris, janvier 2020
Un slogan dénonçant les féminicides sur un mur à Paris, janvier 2020
© AFP - Riccardo Milani

Fiona Lazaar, députée LREM du Val-d'Oise, a présenté devant la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée son rapport sur l'emploi du terme "féminicide". Elle estime que son inscription dans le code pénal n'apporterait pas de solution, et poserait même des difficultés constitutionnelles.

Longtemps cantonné aux cercles féministes militants, le terme "féminicide" s'est doucement installé dans le vocabulaire politique et médiatique. Si certains demandent son inscription dans le code pénal, la députée LREM Fiona Lazaar estime que ce serait "contre-productif". Elle a présenté mardi son rapport à la délégation aux droits des femmes à l'Assemblée nationale.

FRANCE INTER : À l'issue de vos travaux, à quelle conclusion êtes-vous parvenue ?

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FIONA LAZAAR : "Ce qu'il en ressort, c'est qu'il y a une volonté réelle et partagée que le terme "féminicide" soit davantage utilisé, à tous les niveaux de la société, y compris de manière institutionnelle. Néanmoins, l'inscrire dans le code pénal serait contre-productif. Aujourd'hui les féminicides sont déjà sanctionnés de la peine maximale à travers plusieurs circonstances aggravantes : le crime sur conjoint ou sur ex-conjoint, le crime perpétré en raison du sexe, de l'identité de genre. Les experts, les acteurs associatifs, les familles de victimes constatent d'ailleurs que notre arsenal législatif est complet.

Faire entrer le terme "féminicide" dans le code pénal pose une question essentielle : celle de l'universalité du droit, celle de nos principes fondateurs, et notamment du respect de la Déclaration des droits de l'Homme. Tous les citoyens doivent être égaux face au droit. Dès lors, inscrire dans le code pénal que le meurtre d'une femme commis par un homme serait différent d'un crime commis entre deux hommes ou par une femme sur un homme pourrait potentiellement être inconstitutionnel, puisqu'une femme et un homme ne seraient pas jugés de la même manière. C'est une grosse difficulté. 

Au-delà de ces considérations, le débat est philosophique. En inscrivant le féminicide dans le droit, ne dit-on pas que la femme est une victime différente des autres ? Je pense qu'il est dangereux de pénétrer sur ce terrain là, cela ne va pas dans le sens de l'égalité entre les femmes et les hommes."

En revanche, vous estimez que le terme peut et doit être employé dans d'autres enceintes que l'enceinte judiciaire...

"Tout à fait. C'est un terme qui existe depuis plusieurs dizaines d'années et qui, à l'origine, était essentiellement porté par des activistes, des associations féministes. Petit à petit, elles ont réussi à le faire entrer dans le langage courant, et c'est assez récent. Le décompte des féminicides a notamment permis d'interpeller l'opinion publique. Le terme est désormais employé dans le langage médiatique et politique jusqu'aux plus hautes instances, puisque le président de la République Emmanuel Macron est le premier à avoir utilisé ce terme. Il l'a notamment fait à la tribune de l'ONU en septembre dernier. 

Par ailleurs, je pense que, même si le mot ne doit pas entrer dans le code pénal, les procureurs, les avocats devraient pouvoir l'utiliser plus largement dans leurs réquisitoires et plaidoiries. Il s'agit de nommer pour mieux agir, mieux prévenir, et mieux lutter contre les violences faites aux femmes. Car les féminicides ne sont pas des homicides comme les autres en raison de leur caractère systémique. 

Vous avez déposé une proposition de résolution, de quoi s'agit-il ?

"Elle vise à reconnaître le caractère prioritaire de la lutte contre les violences faites aux femmes et à reconnaître le terme "féminicide". C'est une déclaration qui sera portée au sein de l'hémicycle à l'Assemblée nationale par La République en Marche. Le Grenelle des violences conjugales s'est achevé il y a quelques mois, nous souhaitons affirmer haut et fort que le combat n'est pas fini. Concentrons-nous sur la formation, la prévention, l'éducation." 

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