Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Joann Sfar : « L’antisémitisme est un vecteur de haine consensuel »

Son nouveau roman, « Le Dernier Juif d’Europe », est un appel au secours. L’écrivain, bédéiste et cinéaste recourt au surnaturel et déploie un humour fou pour dire la lucidité horrifiée qui l’habite.

Propos recueillis par 

Publié le 27 février 2020 à 01h37, modifié le 28 février 2020 à 06h11

Temps de Lecture 8 min.

Article réservé aux abonnés

Joann Sfar à Paris, le 24 février.

« Le Dernier Juif d’Europe », de Joann Sfar, Albin Michel, 320 p., 19,90 €.

Soit Désiré Albergel, un vieil homme qui souhaite ardemment ne plus être juif. Afin de se débarrasser de ce fardeau identitaire, Désiré demande au docteur Rigolo Friedmann de bien vouloir lui reconstituer un prépuce.

Forcément, ce type de transition comporte sa part de risque – comme les autres. Tant et si bien que le vieil Albergel va entraîner son fils François, vétérinaire qui s’apprête à épouser un dénommé Léningrad, dans une aventure pleine de rebondissements où l’on croise maintes créatures surnaturelles, et notamment Ionas, un vampire centenaire déjà rencontré dans L’Eternel (Albin Michel, 2013), Rebecka, sa copine psychanalyste, Kaitlyn, une rabbine « inclusive » qui se penche sur des mariages hassidiques lesbiens litigieux, mais aussi Sara Lanterne, une jolie danseuse de flammes, ou encore Donnémoidufric, un humoriste devenu propagandiste antisémite.

Avec la tendre autodérision et la franchise hardie qui ont fait le succès de ses bandes dessinées ou de ses films, Joann Sfar signe un nouveau roman intitulé Le Dernier Juif d’Europe. Ce texte d’une sensibilité bouleversante, où l’on passe sans cesse du fou rire à l’effroi avisé, forme une puissante méditation sur la mémoire du mal, les lâchetés du moment, l’abjection qui vient.

Votre roman est aussi drôle que les précédents, mais cette fois on sent que vous l’avez écrit à l’encre de la colère. C’est nouveau, non ?

Ce qui est nouveau, ce n’est pas la colère, c’est de la laisser sortir comme ça. Et ce n’est guère facile, parce que je ne supporte pas les écrivains écorchés, qui arrivent tout en sueur à la télé.

Mais l’Europe se vautre à nouveau dans la haine antisémite et j’ai le sentiment qu’elle n’en a pas le droit. Jusqu’à aujourd’hui, j’avais toujours essayé de répondre par l’apaisement, par la tendresse mais, au fil des années, à l’occasion de rencontres publiques ou d’interventions dans les écoles, j’ai vu les digues sauter les unes après les autres. J’ai aussi vu tant d’alliés politiques, littéraires et intellectuels abdiquer… Mon sentiment, aujourd’hui, c’est que nos contemporains nous disent : « Désolé, on a fait ce qu’on a pu. »

Pour laisser cette colère éclater, même et surtout à travers l’humour, vous avez fait le choix du roman, pas du dessin. Pourquoi ?

Parce que mon dessin est tout entier dans la tendresse, il enrobe le réel avec douceur. Le Dernier Juif d’Europe montre le télescopage entre, d’un côté, des monstres qui ont l’air de sortir de Dracula et, d’un autre côté, notre vie publique dans ce qu’elle a de plus grimaçant. Ce télescopage, je ne sais pas le dessiner. Il faudrait un dessinateur plus méchant que moi.

Il vous reste 72.56% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.