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Après sa reprise par Weill et Niel, pourquoi toute la rédaction des "Cahiers du Cinéma" démissionne

Ce jeudi 27 février, l'ensemble de la rédaction des "Cahiers du Cinéma" a fait savoir qu'elle quittait la revue, suite à son rachat par un collectif d'hommes d'affaires et de producteurs, parmi lesquels Alain Weill, Xavier Niel et Marc Simoncini. 

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Cahiers du Cinéma

La rédaction des Cahiers du Cinéma a décidé de quitter collectivement la revue.

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Début février, l'annonce avait fait l'effet d'un coup de tonnerre dans le petit milieu de la presse cinéma hexagonale. Vingt repreneurs parmi lesquels les entrepreneurs Xavier Niel, Marc Simoncini et Alain Weill et les producteurs Pascal Caucheteux et Marc du Pontavice ont repris la mythique revue Les Cahiers du Cinéma, mise en vente l'an dernier par son ancien propriétaire Richard Schlagman, qui possédait également l'éditeur Phaidon.

Après avoir énoncé leurs inquiétudes dans un premier communiqué datant du 7 février, la rédaction a frappé bien plus fort en ce jeudi 27 février. Elle a annoncé sa décision de quitter collectivement la revue. "Les journalistes salariés prennent la clause de cession, clause de conscience protégeant le droit du journaliste lors du changement de propriétaire d’un titre", fait savoir ce communiqué, qui pose un problème de conflits d'intérêts immédiat dans une revue critique avec ce nouvel actionnariat qui sera composé notamment de huit producteurs. "Quels que soient les articles publiés sur les films de ces producteurs, ils seraient suspects de complaisance", avance la rédaction qui revient sur le positionnement historique de la revue qui ne se veut ni "conviviale", ni "chic", comme l'ont communiqué les repreneurs.

"Les Cahiers ont toujours été une revue critique engagée. Ce serait dénaturer les Cahiers que d'en faire une vitrine clinquante ou une plateforme de promotion du cinéma d'auteur français", souligne la rédaction. Concrètement, ce sont dix-huit journalistes qui quittent cette revue désormais aux mains de ces repreneurs, parmi lesquels figure Reginald de Guillebon, propriétaire actuel de la revue professionnelle sur le cinéma Le Film Français, qui possède déjà la revue de cinéma Première ainsi que Studio Magazine, dont la relance opérée en 2018 s'est soldée par un arrêt définitif du titre après seulement deux numéros. Dans le détail, cette rédaction aux allures d'"épicerie fine" ne compte que deux journalistes salariés en CDI -le rédacteur en chef Stéphane Delorme et son adjoint Jean-Philippe Tessé- et dix journalistes qui sont salariés à la pige. Ceux qui sont payés en droits d'auteurs ont également décidé de faire exercer leur clause de cession.

"Un réel déchirement"

"Cette décision a été un réel déchirement, nous sommes tous tellement attachés aux Cahiers du Cinéma", fait savoir Stéphane Delorme, qui est entré dans la maison en 1998. L'équipe encore en place a bouclé le numéro du mois de mars. Elle s'est engagée par ailleurs à faire le numéro d'avril. Mais ce sera son dernier numéro. La rédaction actuelle quittera définitivement la revue à la fin du mois de mars, soit bien avant que la nouvelle directrice générale Julie Lepithu -actuelle déléguée générale de la Société des réalisateurs de films- ne prenne officiellement son poste au mois de juin.

(crédits: RONALDGRANT/MARY EVANS/SIPA)

"Les nouveaux actionnaires se laissent le temps de choisir une nouvelle équipe, dans un climat de flottement malsain", commente Stéphane Delorme qui refuse d'évoquer pour autant la "mort des Cahiers du Cinéma", une revue qui, depuis sa création en 1951, a résisté à de nombreuses crises internes. "La bonne nouvelle pour les lecteurs, c'est que les repreneurs ont de l'argent, ils ont les moyens financiers, donc je pense qu'il n'y aura pas de trous de parution".

À la rédaction des Cahiers du Cinéma de mettre en avant l'arrivée brutale des nouveaux actionnaires dans leurs locaux. "La première rencontre a été soudaine et définitive, fait savoir son rédacteur en chef Stéphane Delorme. Ensuite, ils ont disparu de la circulation et suite à notre annonce, nous n'avons aucune nouvelle de nos repreneurs", soutient-il. Contacté par Challenges, Marc Simoncini n'a en effet souhaité faire "aucun commentaire" sur l'annonce du départ collectif de la rédaction.

Proche de l'équilibre

Selon les chiffres ACPM, le tirage moyen en 2019 par numéro de cette revue était de 28.334 exemplaires, contre 29.815 exemplaires pour l'année 2018, sachant que la diffusion totale payée est de 15.274 exemplaires. Lors de sa mise en vente, les revenus des Cahiers étaient proches des 1,5 million d'euros, la revue s'approchant de l'équilibre, fait savoir Les Echos dans un article datant du 3 février. Sans communiquer de chiffres, l'idée des repreneurs est de "revenir à l'équilibre et de mettre la revue sur les rails de l'autofinancement", en redonnant aux Cahiers du Cinéma sa place centrale dans la communauté du cinéma d'auteur français, en se développant sur le numérique ou encore en se développant à l'international.

Des axes de diversification sont également envisagés dans le domaine de l'édition ou de l'événementiel avec la mise en place d'un festival "Les Cahiers" et plusieurs événements autour de la marque, dans le son avec le développement de podcasts et dans l'éducation avec l'organisation de masterclass. "Nous qui sommes une petite structure exigeante, nous ne comprenions pas pourquoi ces millionnaires s'intéressaient à nous. En fait, ils s'intéressent seulement à la marque. Ils avaient juste oublié que des gens étaient là, qu'ils travaillaient et qu'ils incarnaient les Cahiers du Cinéma", constate amèrement Stéphane Delorme. 

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