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Confinement

Contrôles : un «bordel» pour les forces de l’ordre

Les quelque 100 000 policiers et gendarmes sur le terrain pour faire respecter le confinement manquent de moyens matériels pour se protéger.
par Chloé Pilorget-Rezzouk et Ismaël Halissat
publié le 17 mars 2020 à 21h16

Les forces de l’ordre entrent en piste. Pour faire respecter les règles de confinement visant à lutter contre l’épidémie de coronavirus, environ 100 000 policiers et gendarmes sont déployés sur le terrain, selon l’Intérieur. Ce nouveau décret prévoit une contravention pour ceux qui ne pourraient pas justifier leurs déplacements, soit une amende de 38 euros, qui devrait passer à 135 euros dans les prochains jours.

Mégaphone.

«Restez chez vous, c'est ainsi que vous pourrez aider à stopper la propagation du virus», a expliqué mardi midi le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, à la sortie du Conseil des ministres. Des consignes qu'il avait déjà données la veille. «Tous les déplacements devront être réduits à leur strict minimum, a-t-il ajouté. Tout ce qui peut paraître anodin en temps normal est interdit.» Pour chaque sortie, une attestation sur l'honneur est demandée pour justifier de la nécessité de son trajet.

Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, a détaillé dans l'après-midi le dispositif parisien : 150 points de contrôle sont prévus. Pour l'heure, le travail des agents est encore hésitant. «C'est pas clair, les gens ne comprennent pas les consignes», rapporte un policier qui lâche : «Les contrôles fixes et mobiles, aujourd'hui, c'était le bordel.» La situation était par exemple tendue à Paris, dans le quartier populaire de Château-Rouge, (XVIIIe arrondissement), où les mesures de restriction n'étaient pas connues de la plupart des clients d'un marché où la police est intervenue. Les consignes ont été hurlées avec un mégaphone et des commerçants contraints de refuser la vente à ceux qui ne possédaient pas d'attestation de déplacement.

En première ligne pour faire respecter ce confinement très strict, nombre de policiers rencontrent des difficultés matérielles. Les syndicats exigent qu'ils soient mieux protégés face à la pandémie, alors que la priorité demeure de «garantir le fonctionnement des services pour répondre aux besoins de sécurité de la population», comme le rappelait l'instruction de commandement envoyée lundi aux services par la Direction centrale de la sécurité publique dont Libération a eu connaissance. «Nous demandons à ce que les policiers aient les moyens d'assurer cette mission, défend Grégory Joron, secrétaire général délégué du syndicat majoritaire Unité SGP Police. La plupart des sites et des services sont en pénurie de masques et de gels hydroalcooliques.»

Dans un gros commissariat parisien, les agents «ont reçu deux gros bidons de gel hydroalcoolique pour tout le monde alors que nous sommes hyper exposés», raconte une policière. Elle s'inquiète : «Samedi encore, c'était le défilé pour les plaintes… Nous avons reçu ces personnes sans aucune protection.» En France, quelque 600 fonctionnaires de police sont confinés et plus d'une trentaine sont positifs au Covid-19, selon une source policière. Ce sont parfois des services entiers, comme celui de la brigade des réseaux ferrés qui a été placé en quatorzaine par précaution. Problème : ces effectifs ne sont pas mobilisables, tout comme les agents contraints de garder leurs enfants. Au total, cela représente environ 5 000 fonctionnaires, selon la direction générale de la police nationale.

Réorganisation

Autre difficulté : des services continuent de tourner normalement, malgré les dernières instructions. Consigne est pourtant donnée de prioriser les missions en assurant d'abord celle de police-secours, en se concentrant sur les «dossiers les plus graves» et les enquêtes de flagrance, ainsi que sur les «affaires urgentes» telles les atteintes aux personnes et aux biens, les violences conjugales… Mais «certains chefs de service fonctionnent comme si on n'était pas face à une crise sanitaire exceptionnelle», déplore Grégory Joron. Une réorganisation pourtant inévitable pour tenir un tel niveau de contrôle des déplacements partout en France.

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