abo Comme si le coronavirus avait, pour un temps, gelé le conflit israélo-palestinien

Dans un marché à Tel-Aviv, lundi 23 mars 2020. | Keystone / AP / Oded Balilty
Dans un marché à Tel-Aviv, lundi 23 mars 2020. | Keystone / AP / Oded Balilty

J’ai d’abord pensé qu’Israël en faisait trop. On était au début du mois de mars, le virus n’était encore qu’une info parmi d’autres, menaçante certes, mais surtout éloignée. Et puis, quand Covid-19 s’est imposé dans notre quotidien, j’ai changé d’avis. Israël, avec son «syndrome de Massada» (référence aux derniers zélotes assiégés par les Romains) et ses mesures drastiques prises très tôt, me semble relativement à la hauteur dans la lutte contre l’épidémie. Du moins plus que l’Europe, où le délai avant la mise en place de mesures d’exception et la propagation exponentielle du virus qui en découle, mettent aujourd’hui au défi les systèmes de santé nationaux.

La stratégie d’Israël est claire: dépister un maximum et ralentir la progression du virus en attendant la remontée des températures, censée affaiblir le coronavirus. Les médecins estiment que le pays a retardé l’avancée du virus d’une quinzaine de jours.

Île forteresse dont l’unique aéroport international et ses frontières hermétiques peuvent isoler le pays en un instant, l’Etat hébreu est aujourd’hui en confinement total. A Tel-Aviv, les adeptes des joggings en bord de mer vont devoir se retenir. Depuis mercredi soir, il est interdit de s’éloigner de plus de 100 mètres de chez soi. A défaut d’avoir un rameur, le tour du pâté de maisons est la seule option restante.

Il est une communauté qui refuse de se plier aux mesures de confinement dictées par le ministère de la santé, pourtant dirigé par un religieux: les Juifs ultra-orthodoxes. Les écoles talmudiques sont aujourd’hui fermées, mais la bataille fut rude. Car si le grand-rabbinat suit à la lettre les consignes officielles, certaines branches sectaires ont d’abord refusé de les respecter, mues par leur volonté récurrente d’indépendance vis à vis des autorités. On estime pourtant qu’un quart des malades auraient contracté le virus à la synagogue.

Le coronavirus révèle les failles du modèle économique israélien

Dans une société néolibérale à l’Américaine, comment s’adapter à une période de crise? Avec difficulté si l’on en croit les chiffres du chômage, passé de 3,6% à plus de 16% en quelques semaines.

L’autre crise qui occupe les Israéliens est tout à la fois un imbroglio politique, judiciaire et lié aux libertés publiques. Jeudi, à la surprise générale, Benny Gantz, général à la retraite et ancien leader du parti centriste Bleu et Blanc, est devenu le nouveau président de la Knesset. Des discussions seraient en cours avec Benyamin Netanyahou pour la formation d’un gouvernement d’unité nationale dont les deux hommes, «Bibi» en premier, se partageraient la gouvernance. Le brouillard politique pourrait donc s’éclaircir mais la paralysie du parlement ces derniers jours laissera des traces.

A l’image de ce court-circuitage des voies normales de prises de décision, lorsque Nétanyahou décida, en contournant la Knesset, d’étendre les prérogatives du Shin Bet (sécurité intérieure) en matière de surveillance de masse. Les téléphones de tous les malades, et des personnes soupçonnées de l’être, sont désormais tracés en direct.

Territoires palestiniens aussi confinés

Côté palestinien, des mesures radicales ont aussi été prises rapidement. Dans le confinement version Cisjordanie, les policiers, à cheval ou en voiture, arpentent les rues pour veiller au bon respect du couvre feu. De même qu’à Gaza, où depuis le dépistage des premiers cas de Covid-19, la population est confinée à domicile.

Si le Hamas et l’Autorité palestinienne se livrent une guerre fratricide depuis 2007 et la prise de pouvoir dans l’enclave par le mouvement islamiste, le coronavirus les a mis d’accord sur le modèle à suivre: la Chine. Tandis que Mahmoud Abbas salue la «victoire» de l’Empire du milieu sur la maladie, les rues de l’enclave palestinienne sont aspergées de désinfectant, peu importe si c’est seulement du chlore, comme à Wuhan. Quant aux entrées qui relient la bande de Gaza au reste du monde, le Hamas y fait construire un millier de chambres d’isolement, à la manière des hôpitaux chinois sortis de terre en quelques semaines.

Israël et les Territoires palestiniens luttent aussi ensemble. Envoi de tenues de protection et de kits de dépistage: depuis le début de l’épidémie, la coopération s’est renforcée. Comme si le coronavirus avait, pour un temps, gelé le conflit.

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