L’office HLM de Bobigny revient sur la suppression des loyers !

Dans un courrier qui doit être distribué aux locataires, le président de l’OPH de Bobigny (Seine-Saint-Denis) explique qu’il n’est pas en mesure d’annuler les loyers d’avril, comme l’annonçait la mairie.

 Bobigny (Seine-Saint-Denis), ce mercredi 29 avril. 4 000 logements sociaux de la ville devaient être concernés par la mesure d’annulation des loyers d’avril.
Bobigny (Seine-Saint-Denis), ce mercredi 29 avril. 4 000 logements sociaux de la ville devaient être concernés par la mesure d’annulation des loyers d’avril. LP/H.H.

    « S'ils maintiennent les loyers, les gens vont péter un câble! Si vous aviez vu l'euphorie des locataires quand ils ont appris que le bailleur supprimait les loyers du mois d'avril … Ils ne vont quand même pas revenir sur leur promesse? » s'indigne un habitant de la cité Salvador-Allende à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Ce jeune homme, qui vit avec sa mère, pensait économiser 700 euros ce mois-ci grâce à cette mesure.

    Si la ville affirmait toujours, ce mercredi soir, en Une de son site Internet que l'Office public de l'habitat de la commune doit supprimer les loyers de ses locataires en avril pour les aider à affronter financièrement la crise sociale liée au Covid-19, le président de l'OPH - pourtant élu de la majorité sortante - émet de sérieux doutes.

    Le bailleur met en avant sa situation financière

    Dans un courrier rédigé ce mercredi à l'adresse des locataires de ses 4000 logements - et pour l'heure entre les mains des agents d'accueil de l'OPH, qui doivent le distribuer avec les avis d'échéance - Jonathan Berrebi affirme qu'il est impossible pour le bailleur public de mettre en œuvre cette mesure inédite.

    Il y met notamment en avant la fragilité juridique d'une telle décision, qui pourrait être annulée par le préfet.

    Jonathan Berrebi évoque aussi la situation financière compliquée de l'OPH, en plein plan de redressement. L'annulation des loyers priverait en effet le bailleur de 1,6 million ou plutôt de 800 000 euros de recettes - la mairie s'étant engagée à en financer la moitié.

    « Nous sommes toujours contraints par le protocole de retour d'aide à l'équilibre signé avec l'Etat et la mairie. L'impact négatif du non-respect de cet engagement serait considérable », précise-t-il.

    «Pourquoi la mairie a-t-elle annoncé cette suppression si rien n'était sûr ?»

    L'OPH fait effectivement l'objet d'un plan d'aide de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLSS). Cet établissement public lui a apporté un soutien financier sous réserve d'un certain nombre d'engagements. « En renonçant à ces ressources, l'OPH va se mettre dans une position délicate », estime Michel Ménard, le président de la CGLLS.

    « Pourquoi la mairie a-t-elle communiqué sur cette suppression si rien n'était sûr ? », interroge de son côté une membre de l'Amicale des locataires de la cité Allende. « L'OPH et la municipalité auraient dû se mettre d'accord avant. Maintenant qu'ils l'ont promis, ils ne peuvent plus revenir en arrière », juge-t-elle s'inquiétant tout de même des conséquences que cette décision aura sur les finances de l'OPH.

    « La mairie laisse entendre que l'office a plus d'argent car des travaux de rénovation ont été reportés à cause du confinement, mais il faudra bien les financer tôt ou tard. Cela fait des années qu'on les attend! »

    Exonération de loyers en mai, promet désormais la mairie

    La municipalité, elle, persiste et signe… en admettant toutefois que les locataires devront bien s'acquitter de leur loyer d'avril. « On n'a pas réussi à mettre cette mesure en œuvre pour ce mois-ci. Mais dès qu'un conseil d'administration extraordinaire de l'office se sera réuni et aura statué, la décision sera officielle. On pourra se diriger vers une exonération des loyers au mois de mai », affirme Mickaël Alves, collaborateur du cabinet du maire sortant Stéphane De Paoli.

    Il précise qu'une dizaine d'élus de la majorité ont signé une lettre, adressée au président de l'OPH, pour demander la convocation de ce conseil d'administration « par audioconférence ou visioconférence ». Et conteste l'argument du président de l'OPH sur « l'illégalité » d'une telle mesure : « À partir du moment où l'OPH, avec l'aide de la ville, trouve les leviers pour équilibrer son budget, pourquoi le préfet annulerait-il une telle décision ? »

    «Effet de manche à caractère électoral»

    Dans son communiqué publié le 23 avril, la mairie invitait alors l'Office à « faire des économies » pour pouvoir financer cette exonération de loyer.

    Nadia Giunta, déléguée syndicale CGT au sein de l'office, n'a jamais cru à cette annonce spectaculaire. Elle dénonçait dès le week-end dernier un « effet de manche à caractère électoral » de la majorité sortante, largement distancée par la liste PCF au premier tour des municipales. « Nous savions pertinemment que ça allait se passer comme ça, peste la syndicaliste. Mais le fond du problème, c'est que des locataires ont peut-être dépensé leur argent pensant qu'ils n'auraient pas de loyer à payer. C'est irresponsable! »

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    « Cela confirme l'impréparation totale de cette mesure », réagit José Moury, élu d'opposition PCF, et candidat sur la liste tirée par Abdel Sadi. « Ce n'est pas une mesure pour les locataires, c'est une mesure qui sert le candidat Christian Bartholmé » [NDLR : actuel premier adjoint du maire… et candidat UDI à sa succession].

    « Une suppression pure et simple n'est sans doute pas la meilleure idée, estime de son côté Michel Ménard. Car elle profite à tous les ménages, même ceux qui ne sont pas touchés par la crise. Il aurait fallu réfléchir à un dispositif à plus grande échelle, départementale par exemple, regroupant des organismes d'Etat, des bailleurs publics et privés et des collectivités pour cibler les populations les plus fragiles vivant dans le parc social, mais aussi privé. »

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