Au début des années 1960, Claude Carrère, chanteur reconverti dans la production avait signé un contrat draconien avec une adolescente du nom d'Annie Chancel, avant de la rebaptiser « Sheila ».
Cette invention de la « petite fille de Français moyens » reste le premier titre de gloire de Claude Carrère, qui est mort mercredi 9 avril à Paris. Selon les sources, il avait 78 ou 83 ans. Au temps des 45-tours, il avait fait de sa maison de disques une mini-major française, dont les vedettes s'appelaient Hervé Vilard, Linda De Souza ou Claude François, à la fin de la carrière de ce dernier. Après avoir vendu les disques Carrère à une multinationale, Warner Music, en 1991, Claude Carrère avait reconverti le Carrère Group dans la production télévisée, avec quelques incursions dans le cinéma. Il n'occupait plus aucune fonction dans la société qu'il avait fondée.
Né à Clermont-Ferrand en 1930 ou 1936, Claude Ayot gagne la capitale dans les années 1950, où il ébauche, sans grand succès, une carrière de chanteur de charme sous le nom de Carrère. Passé de l'autre côté de la vitre des studios, il fonde un label discographique dont la première vedette sera Sheila.
En France, on est en pleine vague yé-yé, version encore édulcorée de la pop américaine qui a succédé à la première époque du rock'n'roll. Sheila est une vedette consensuelle (à condition que l'on tolère sa voix) qui chante la vie de famille. Elle est mineure, et c'est donc son père, qui a signé avec Claude Carrère, qui accorde à la chanteuse 3 % de royalties sur les ventes de disques, tout en signant lui-même une bonne partie du répertoire de Sheila.
« SALUT LES COPAINS » ET « INTERVILLES »
En 1997, le tribunal des prud'hommes de Bobigny condamnera Carrère, la société, à verser 4,3 millions de francs à Sheila pour « licenciement abusif ». Mais entre temps, Claude Carrère a quitté le business de la musique. En 1989, il a conclu un accord, d'abord présenté comme une prise de participation, en réalité une vente, avec la Warner. A partir de la fin des années 1970, son catalogue (Ringo Willicat, Al Bano et Romina Power) s'est étoffé de quelques noms de vedettes, Claude François, Dalida, qu'il a accomodées à la sauce disco. Carrère est devenu un label international, connaissant quelques succès, grâce, entre autres aux Buggles. En 1977, Claude Carrère rachète deux succédanés de l'hebdomadaire Salut les copains – Hit et Podium – qu'il revendra six ans plus tard à Daniel Filipacchi.
Las de la chansonnette ou frappé par une prémonition quant à l'avenir de l'industrie du disque, Claude Carrère se reconvertit donc dans la télévision au début des années 1990. Profitant de la privatisation de TF1, il fournit la chaîne en programmes de divertissement, ressuscitant de vieux succès de l'ORTF comme « Intervilles », avant de se lancer dans la fiction avec d'autres mises à jour, comme la série des Maigret, dans laquelle Bruno Crémer remplace Jean Richard, puis dans les magazines (« Zone interdite »). Il a aussi racheté le studio de l'animateur Michel Ocelot, dont il produit la trilogie des Kirikou.
En 2007, Claude Carrère vend cent mille de ses actions du Carrère Group. Ce qui lui vaudra cinq ans plus tard, une amende de 1,6 million d'euros, infligée par l'Autorité des marchés financiers. Le fondateur de la société est convaincu d'en avoir artificiellement gonflé les résultats afin de faire monter le cours du titre d'une société qui devait finalement être mise en liquidation en 2010.
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