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Areva : pourquoi l'affaire UraMin a-t-elle abouti à une enquête judiciaire ?

Selon les informations du « Monde », le parquet financier a ouvert une enquête sur le rachat suspect d'UraMin par Anne Lauvergeon.

Par  et

Publié le 10 avril 2014 à 10h39, modifié le 12 mai 2014 à 23h43

Temps de Lecture 4 min.

Il ne faut pas chercher plus loin les raisons de son absence du gouvernement Valls, dans lequel sa présence était annoncée. L'exécutif tient désormais à distance Anne Lauvergeon, l'ancienne patronne d'Areva (2001-2011), le géant français du nucléaire. En effet, selon les informations du Monde, c'est parce que la gestion de Mme Lauvergeon fait l'objet de deux enquêtes distinctes, dont nous révélons l'existence, que cette dernière n'a pas obtenu le maroquin qui lui semblait destiné…

Première procédure embarrassante : celle conduite en toute discrétion par la Cour des comptes, qui devrait rendre au mois de mai un rapport définitif annoncé comme saignant sur Areva, période 2006-2012. Le prérapport a déjà été rédigé, la procédure entre maintenant dans sa phase contradictoire, avec l'audition prévue ces jours-ci de Mme Lauvergeon.

Lire le portrait (édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés Anne Lauvergeon, une forte tête pour une petite entreprise

Mais d'ores et déjà, les magistrats de la rue Cambon estiment avoir mis au jour de nombreuses irrégularités, liées au rachat en 2007 par Areva, dont l'Etat est actionnaire, de la société canadienne UraMin, propriétaire de gisements d'uranium en Afrique, pour 1,8 milliard d'euros. Ils ont donc effectué un signalement au parquet national financier, le 20 février, en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, qui fait obligation à toute autorité constituée découvrant un crime ou un délit de saisir la justice.

Ordonnée dans la foulée, une enquête préliminaire, circonscrite à la seule période 2007-2011, a été confiée à la brigade financière. Cette seconde procédure s'annonce à haut risque pour le géant du nucléaire. L'enquête vise des faits de « présentation ou publication de comptes inexacts ou infidèles », « diffusion d'informations fausses ou trompeuses », « faux et usage de faux ». L'enquête ne fait que débuter. Les policiers vont sans doute attendre les conclusions de la Cour des comptes avant d'entamer leurs investigations.

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C'est au cours d'un banal contrôle que les magistrats de la Cour des comptes ont acquis la conviction que le rachat d'UraMin était éminemment suspect. Deux points ont retenu leur attention. D'abord, les conditions d'achat elles-mêmes, et le prix faramineux déboursé pour l'acquisition d'une société dont les ressources minières étaient loin d'être avérées. Autre anomalie, le fait que la direction d'Areva a fait apparaître tardivement dans ses comptes cet achat controversé.

ANNE LAUVERGEON « SEREINE »

Interrogé par Le Monde, le conseil de Mme Lauvergeon, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, s'est dit surpris d'apprendre que la justice avait été saisie par la Cour des comptes. Mais il a assuré que, sur le fond de l'affaire, sa cliente était « parfaitement sereine ». « D'abord parce que s'il est clair que le rachat d'UraMin ne constitue pas la meilleure affaire qu'ait faite Areva, ce n'est pas un délit d'acheter une société trop cher ! D'autre part, ce n'est pas ma cliente qui a géré l'opération UraMin, mais Luc Oursel [son successeur à la tête d'Areva] et Sébastien de Montessus, alors directeur des activités minières du groupe. » « Lors de son passage chez Areva, souligne l'avocat, Anne Lauvergeon ne s'est jamais occupée des mines, mais uniquement de l'atome : ce n'est pas pour rien qu'on l'a surnommée “Atomic Anne”… »

Un rapport, rendu le 7 mars 2012 par la commission des finances de l'Assemblée nationale, avait déjà soulevé de nombreuses interrogations. Si les expertises sur la valeur des actifs miniers avaient bien été faites pour l'acquéreur par la société spécialisée SRK, les vérifications opérées par Areva – les due diligences –, avaient été jugées insuffisantes (pas de forages complémentaires…). Surtout, l'Agence des participations de l'Etat (APE), qui avait donné son feu vert à l'achat d'UraMin, n'aurait pas eu connaissance des réserves émises par des géologues d'Areva sur la qualité du gisement de Trekkopje (Namibie).

Leur synthèse aurait été « allégée », avec la « suppression » de certaines informations négatives, les points positifs étant intégralement préservés, « voire mis en avant », notait le rapport. D'où les suspicions de « faux » pointées par le parquet. Les rapporteurs se demandaient aussi pourquoi l'APE n'avait pas fait appel aux compétences du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Areva aurait aussi sous-estimé les difficultés d'exploitation dans sa présentation aux instances de gouvernance.

AFFAIRE D'ESPIONNAGE

Un moment tenté d'accompagner Areva dans l'aventure UraMin, EDF y avait d'ailleurs renoncé, sur les conseils de la banque Goldman Sachs, qui pointait des risques et un prix « beaucoup trop élevé ». Un avis semble-t-il justifié : en Namibie, dont les gisements faisaient partie des actifs d'UraMin, Areva a récemment différé la mise en exploitation de son site de Trekkopje. Toutes les installations ont été placées sous cocon en 2013.

Par ailleurs, le 16 mai, le tribunal correctionnel de Paris sera amené à juger une affaire d'espionnage qui avait secoué Areva. Le parquet de Paris a décidé de citer à comparaître Mario Brero, dirigeant de la société suisse d'intelligence économique Alp Services. Il est poursuivi pour « complicité et recel de violation du secret professionnel » au préjudice d'Olivier Fric, consultant en énergie mais surtout mari d'Anne Lauvergeon, et de Ludivine Wouters, la fille de Daniel Wouters, ex-cadre d'Areva.

Entendus pendant l'enquête, aucun des dirigeants de l'entreprise n'a finalement été renvoyé. M. Brero est accusé d'avoir enquêté sur la vie privée de M. Fric en se procurant notamment ses relevés téléphoniques. Il avait été mandaté par M. de Montessus, qui s'interrogeait sur l'achat… d'UraMin.

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