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Trompeuses, les comparaisons entre la COVID-19 et d’autres causes de décès

 Deux tableaux comparant le nombre de décès dus à la COVID-19 avec d’autres causes de décès. Le mot ATTENTION apparaît sur l’image.

Plusieurs tableaux circulent prétendant comparer la gravité de la COVID-19 avec d’autres causes de décès.

Photo : Capture d’écran

De plus en plus de gens remettent en question la gravité de la COVID-19, en comparant le nombre de morts causés par cette maladie avec d’autres causes de décès. Ces tableaux ne donnent pas un portrait juste de la situation.

D’abord, les tableaux comparatifs comportent souvent des chiffres inexacts et dépassés. De plus, ils ne tiennent pas compte de l’augmentation exponentielle des victimes. En outre, ils comparent des décès qui peuvent être évités avec des traitements, tels que ceux causés par des maladies infectieuses, avec des décès accidentels.

Des chiffres inexacts

Deux tableaux comparant le nombre de décès dus à la COVID-19 avec d’autres causes de décès.

Ces tableaux comparant le nombre de décès dus à la COVID-19 avec d’autres causes de décès sont inexacts.

Photo : Capture d’écran

Le premier problème de ces tableaux est que les données pour le coronavirus sont inexactes. Puisque le nombre de décès dus à la COVID-19 a augmenté rapidement depuis le début de la pandémie, quelques semaines suffisent pour que les chiffres soient désuets. Les autres causes de décès dans ces tableaux sont, quant à elles, plutôt stables d’une semaine à l’autre.

COVID-19 : tout sur la pandémie

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Une représentation du coronavirus.

Par exemple, dans un tableau daté du 30 mars, on indique que le coronavirus aurait fait 36 272 morts, et dans un autre tableau, daté du 1er mai, on dit qu’il en aurait causé 237 469. En réalité, en date du 21 mai 2020, c’est 334 719 personnes qui sont mortes du coronavirus. 

Ainsi, contrairement à ce qui est affiché dans le tableau, le nombre de décès dus au coronavirus dépasse largement ceux causés par la grippe saisonnière, et il est presque égal au nombre de morts de la malaria.

Par ailleurs, la malaria est une cause de décès très importante en Afrique subsaharienne, mais fait très peu de victimes sur les autres continents. (Nouvelle fenêtre)

Un des tableaux qui circulent inclut aussi le nombre d’avortements. Toutefois, cette valeur ne peut pas compter parmi les causes de décès au sein de la population, puisque les fœtus ne rentrent pas dans le calcul de la population.

Un bilan possiblement plus élevé

Le bilan réel de la COVID-19 n’est pas encore connu, mais il pourrait être bien plus élevé que l’on croit. Plusieurs pays sont soupçonnés de cacher leur nombre réel de victimes, et d’autres pays ne parviennent pas à comptabiliser tous leurs morts dus au coronavirus (Nouvelle fenêtre). Des experts estiment que le nombre réel de décès dus à la COVID pourrait être jusqu’à 1,5 fois plus élevé (Nouvelle fenêtre) que les chiffres officiels.

En outre, puisque la pandémie n’est pas terminée, le bilan pourrait encore s’aggraver, croit le professeur Antoine Flahault (Nouvelle fenêtre), directeur de l’Institut de santé globale de la faculté de médecine de l’Université de Genève.

La COVID-19 n’a peut-être pas dit son dernier mot. On n’est pas encore à la fin de l’année 2020. Donc, les gens qui ont parlé de comparaison sur une année entière sont des gens qui font l’hypothèse que la COVID-19 ne reviendrait plus à partir du mois de mai.

Une citation de Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de la Faculté de médecine de l’Université de Genève

Par ailleurs, si aucune mesure n’avait été imposée, le nombre de décès aurait été encore plus grand. Selon une étude de l’École des hautes études en santé publique (Nouvelle fenêtre) (EHESP), en France, le confinement a permis d'éviter la mort de 60 000 personnes dans ce pays.

« Si on n’avait rien fait, tout le monde l’aurait reproché au gouvernement. [On aurait dit :] "Voyons, c’est de la négligence, vous ne prenez pas soin de votre population" » , souligne l’épidémiologiste Nimâ Machouf, de la clinique du Quartier latin et chargée de cours à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Un nombre moyen de décès quotidiens très élevé

Ce tableau comparant le nombre moyen de décès dus à la COVID-19 avec d’autres causes de décès est très loin de la réalité
Texte alt : Un tableau comparant le nombre de décès quotidiens dus à la COVID-19 avec d’autres causes de décès.

Ce tableau comparant le nombre moyen de décès dus à la COVID-19 avec d’autres causes de décès est très loin de la réalité

Photo : Capture d’écran

Un autre tableau, daté du 9 mars, donne un portrait encore plus faussé de la pandémie de COVID-19. Il compare le nombre de décès quotidiens dus à différentes maladies infectieuses. On y prétend que le coronavirus ferait 56 morts par jour.

C’est faux : entre le 22 janvier 2020 et le 21 mai 2020, le coronavirus a fait en moyenne 2789 morts par jour, ce qui le place presque au sommet des maladies infectieuses. Au plus fort de la pandémie, on a compté jusqu’à 8429 décès en une journée (Nouvelle fenêtre), ce qui dépasse toutes les autres maladies dans le tableau.

Un taux de mortalité « effrayant »

Les tableaux qui circulent sur les réseaux sociaux ne tiennent pas compte du taux de mortalité de la maladie, c’est-à-dire le nombre de décès par rapport au nombre de personnes infectées.  Ce que l’on voit comme mortalité est une mortalité qui ressemble un peu à la pandémie de grippe espagnole de 1918, qui devait être entre 1 et 2 % de mortalité , explique le professeur Antoine Flahault.

Ça ne paraît pas beaucoup. En fait, c’est effrayant. Car une mortalité de 1 % pour une maladie qui a un potentiel de taux d’attaque, c’est-à-dire d’infection de la population extrêmement grand, c’est quelque chose qui est tout à fait inquiétant.

Une citation de Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de la Faculté de médecine de l’Université de Genève

La grippe saisonnière a quant à elle un taux de décès 10 fois moins élevé, de l’ordre de 0,1 %.

Tandis que pour le sida, bien que la maladie ait tué deux fois plus de gens que le coronavirus cette année — soit 652 088 personnes en date du 21 mai — il y a 10 fois plus de gens porteurs du VIH que de gens qui ont contracté la COVID-19. En effet, près de 38 millions de gens vivent avec le VIH (Nouvelle fenêtre) dans le monde, tandis qu’un peu plus de 5 millions de personnes ont contracté la COVID-19 jusqu’à maintenant. En d’autres mots, une plus grande proportion de porteurs du coronavirus sont décédés cette année que de porteurs du VIH.

Des décès qui peuvent être évités

D’autres causes de décès, comme le cancer et la malnutrition, tuent beaucoup plus que le coronavirus. Certains se demandent alors pourquoi imposer un confinement si strict pour une maladie qui n’est pas la première cause de mortalité dans le monde. Parce que l’on peut éviter des décès avec ces mesures, rétorque l’épidémiologiste Nimâ Machouf.

On ne s’attend pas à décéder d’une maladie infectieuse. On n’accepte plus ça. On n’est plus dans les années 1900. Il faut faire tout pour éviter que les gens décèdent ou souffrent d’une maladie.

Une citation de Nimâ Machouf, épidémiologiste de la Clinique du Quartier latin et chargée de cours à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Selon elle, on ne peut pas rester les bras croisés devant une maladie potentiellement mortelle, sous prétexte que d’autres causes font plus de victimes. C’est très bien de parler de ces choses-là, mais la comparaison n’est pas bonne , dit-elle.

Sinon, à chaque fois que vous allez à l’hôpital pour vous soigner pour quelque chose, les gens peuvent dire : "On arrête de vous soigner, madame, car il y a plus de gens qui meurent de la diarrhée que ça."

Une citation de Nimâ Machouf

L’épidémiologiste souligne aussi que lorsqu’il est question de confinement, on ne peut pas comparer le coronavirus, qui est une maladie hautement contagieuse, avec des maladies peu ou pas contagieuses.

Par exemple, le sida est transmis par le sang ou par contact sexuel. Il est donc moins contagieux que la COVID-19. La malaria, ou paludisme, est transmise par un parasite (Nouvelle fenêtre) et ne se transmet pas d’humain à humain. Les cancers, quant à eux, sont causés par une multitude de facteurs, mais ils ne sont pas contagieux. 

Ainsi, ces maladies ne peuvent pas être évitées par un confinement, tandis que la COVID-19 peut l’être. À ce sujet, le coronavirus peut se comparer à la tuberculose, une maladie à traitement obligatoire (Nouvelle fenêtre), selon les lois québécoises. C’est un danger de santé publique, dit Mme Machouf. Moi, si j’ai un problème cardiaque ou de diabète et que je ne veux pas me faire traiter, il n’y a personne qui peut me forcer [...] Mais si j’ai la tuberculose, on peut me forcer à me faire traiter, parce que je peux le transmettre à une autre personne, donc je suis un danger pour le public.

Peut-on comparer la Suède avec le Québec?

Une autre image virale compare le nombre de décès de la Suède (3871 en date du 21 mai (Nouvelle fenêtre)), qui a imposé peu de mesures de prévention, avec le nombre de décès au Québec (3800 morts en date du 21 mai). Cette image suggère que le confinement n’aurait fait aucune différence. Une conclusion erronée, souligne Nimâ Machouf, puisque plusieurs facteurs différencient la Suède du Québec.

Un tableau comparant le nombre de décès de la Suède et du Québec.

Ce tableau comparant le nombre de décès de la Suède et du Québec, sans tenir compte de tous les facteurs.

Photo : Capture d’écran

 Il faut que ce soit une composition démographique similaire, dit Mme Machouf. Une population qui a à peu près les mêmes structures d’âge, qui a les mêmes tailles de villes.  Selon elle, il faut plutôt comparer la Suède à ses voisins scandinaves, où les conditions sont similaires. On constate que la Suède compte 10 fois plus de victimes de la COVID-19 que ses pays voisins, alors que sa population n’est que deux fois plus élevée.

Alors que la pandémie bat son plein, l’épidémiologiste Nimâ Machouf considère qu’il est encore trop tôt pour faire des bilans.  C’est sûr qu’une fois que l’épidémie sera passée, on va avoir beaucoup beaucoup d’analyses à faire, dit-elle. Parce que ça ne sera peut-être pas la dernière épidémie qui va nous toucher. 

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